Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 23 mai 2019 à 9h30
Accord de coopération avec la belgique dans le domaine de la mobilité terrestre — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

L'accord signé entre la Belgique et la France le 7 novembre 2018 renforce la coopération déjà solide entre les armées de terre française et belge et permet d'instaurer un partenariat stratégique de long terme.

La coopération avec la Belgique fait appel à une longue tradition. Nos deux pays étaient présents au Kosovo et en Afghanistan, mais aussi en République Centrafricaine. Cette collaboration prolonge cette relation et lui donne une dimension plus importante encore.

En 2016, la Belgique s'est dotée de l'équivalent de notre loi de programmation militaire, la « vision stratégique » pour la défense belge. Elle a pour objectif de détailler les caractéristiques des matériels les plus performants pour leur armée.

Quelques mois plus tard, à la suite de la signature avec notre pays de ce partenariat stratégique « Capacité Motorisée » – CaMo – , la Belgique a arrêté son choix sur le Griffon et le Jaguar. Ces deux véhicules blindés français correspondaient aux besoins de l'armée de terre belge.

Sur le plan économique, ce choix d'un matériel français est évidemment une nouvelle très positive pour l'industrie de la défense. Elle consacre un savoir-faire dans ce domaine, dont on sait qu'il joue un rôle non négligeable dans un certain nombre de territoires. Au passage, le groupe Libertés et territoires ne cesse de mettre en avant les richesses et les nombreuses capacités d'innovation, et plus largement les valeurs de tous les territoires.

Par ailleurs, les remarques que nous pourrons formuler au sujet de cet accord ne doivent pas nous dispenser d'une réflexion de fond quant à la politique d'exportation d'armes, le contrôle strict des conditions géostratégiques, l'utilisation des armes vendues à l'international. De nombreux enfants nous écoutent aujourd'hui dans les tribunes : ils doivent savoir que la paix demeure la valeur suprême et qu'elle doit être défendue sans relâche.

Au total, la Belgique a acheté à la France 60 Jaguar et 382 Griffon, ce qui rattrape largement la déception qu'avait fait naître leur choix des F-35 américains, en octobre 2018.

Au-delà de ces aspects techniques, ce programme de coopération sur la mobilité terrestre est surtout une étape importante dans la construction de l'Europe de la défense. Dans un monde marqué par les rapports de force parfois déstabilisants entre puissances, qui peuvent fragiliser la sécurité de nos pays, cet accord est une bonne nouvelle. Il nous rassure quant à la capacité de nos États à travailler main dans la main plutôt que dos à dos.

Cette collaboration s'inscrit dans la lignée de l'idéal de paix et de coopération promu par les États européens. Sans forcément appeler l'attention sur lui, ce projet offre une véritable vision d'espoir pour un climat apaisé entre les voisins de notre continent. En effet, il va bien au-delà d'une simple fourniture de matériel.

Nos deux pays démontrent en effet que la construction de l'Europe ne s'oppose en rien aux intérêts nationaux. Au contraire, elle offre à nos États la protection, la construction commune et l'échange. J'insiste sur l'échange, car la Belgique et la France bénéficieront toutes deux de cet accord. Chacune des deux armées sera plus apte à défendre son pays grâce à une stratégie qui privilégie le mot « avec » plutôt que le mot « contre », la « collaboration » plutôt que la « concurrence ».

Au-delà de la défense de ses propres intérêts, cette coopération permet aux deux pays de défendre, ensemble, des intérêts communs. Tout en mettant en avant notre objectif, vital, de coopération en Europe.

Au départ de ce projet, la Belgique a souhaité moderniser l'ensemble de son armée. Après avoir examiné les pratiques de plusieurs de ses voisins, le gouvernement belge a choisi de s'associer au programme Scorpion.

L'intérêt de cet accord est double. D'abord, il est à voir selon le prisme opérationnel. L'objectif final des deux armées est l'interopérabilité, à un niveau supérieur aux exigences de l'OTAN. Le deuxième intérêt de cette coopération est à trouver, plus prosaïquement, au niveau financier. Le développement des synergies entre les armées française et belge et l'augmentation du volume des commandes permettront à nos deux pays de réaliser des économies, en particulier des économies d'échelle, au niveau du stockage, de la maintenance ou des pièces détachées. Les conséquences ne pourront qu'en être positives pour nos budgets.

Grâce à ce programme, l'armée de terre belge se dote d'une nouvelle organisation, d'une nouvelle doctrine, de nouvelles modalités d'entraînement et d'une nouvelle organisation de son soutien, selon un schéma identique à celui de l'armée de terre française.

Cet accord est un gage de confiance. Ces dernières années, la part de la défense dans le PIB belge avait diminué. C'est pourtant dans ce contexte que la Belgique a investi 1,5 milliard d'euros pour obtenir du matériel français.

Au-delà de cette considération, reconnaissons le volontarisme du gouvernement belge dans le domaine de la coopération européenne. Sans les éloigner de l'OTAN, ce programme rapproche significativement les deux armées, en matière de matériels, de doctrine d'emploi ou encore dans la formation lors des entraînements.

Il contribuera, espérons-le, à renforcer les liens entre nos deux pays, sur les plans militaire et diplomatique certes, mais aussi économique, industriel, et par conséquent politique.

Il témoigne que toutes les collaborations peuvent et doivent exister. Il n'est pas de petits ou de grands pays lorsqu'il s'agit de construire en commun. Le « CaMo » atteste de la possibilité pour un État dit grand d'un point de vue militaire, de signer un partenariat avec un État voisin dit plus petit. Au-delà des aspects quantitatifs, les intérêts sont en effet communs.

Le rapporteur au Sénat a souligné, à ce sujet, que le programme « CaMo » révélait combien l'opposition entre grands et petits pays était détachée des réalités concrètes. Ce partenariat contribue à la coopération des deux pays et renforce par conséquent l'idéal de collaboration à l'échelle de notre continent.

Plus largement, à quelques jours d'un scrutin déterminant, ce dimanche, lors des élections européennes, il convient de poser la question de la défense. Est-il souhaitable de créer une armée européenne ? Les accords bilatéraux comme celui signé entre la France et la Belgique offrent-ils les prémices d'une Europe de la défense ? Ou au contraire, faut-il seulement encourager ces accords entre pays hors du cadre d'une entité ? Les questions sont posées, il faudra y répondre.

En novembre dernier, le Président de la République évoquait à ce sujet l'idée d'une « vraie armée européenne », pour avoir une Europe qui se défendrait davantage seule et de manière plus souveraine. Aujourd'hui, qu'en est-il de ces réflexions ? La question est posée, là aussi.

L'examen de ce texte doit nous permettre d'entrer dans une réflexion plus globale sur la défense en Europe. On le comprend à ce qui vient d'être dit, le vote du groupe Libertés et territoires sera favorable à cet accord.

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