Intervention de Jean-Charles Larsonneur

Séance en hémicycle du jeudi 23 mai 2019 à 9h30
Accord de coopération avec la belgique dans le domaine de la mobilité terrestre — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées :

La commission de la défense s'est saisie pour avis de ce texte en raison de son objet même : l'étroit partenariat militaire qu'il institue entre la France et la Belgique dans le domaine des blindés médians.

En effet, si l'aspect le plus immédiatement visible de ce partenariat est l'exportation de 382 blindés Griffon et de 60 chars légers Jaguar, son intérêt va bien au-delà, à quatre égards au moins : primo, le recours à une vente d'État à État est assez exceptionnel ; secundo, l'association de notre armée de terre et de la composante terre de l'armée belge sera d'une étroitesse sans précédent ; tertio, cet accord fixe un cadre conçu d'emblée pour des approfondissements ultérieurs de la coopération franco-belge, bien au-delà des Griffon et des Jaguar ; quarto, cette formule de partenariat stratégique peut tout à fait constituer un modèle d'intégration des capacités militaires entre Européens.

Premier point, rarement la France a eu recours pour un contrat majeur à l'instrument juridique assez original qu'est la vente d'armement d'État à État, et jamais elle ne l'a fait sans rétrocession immédiate des droits et obligations de l'État à l'industriel in fine concerné. Si l'État est allé plus loin que d'habitude cette fois-ci, c'est à la demande de la Belgique. Celle-ci n'a pas souhaité en passer par un contrat commercial classique, conclu avec un industriel, pour une raison fondamentale : elle avait besoin pas seulement d'acquérir des matériels, mais aussi de construire une capacité opérationnelle, au sens militaire du terme. Elle ne cherchait pas seulement un fournisseur, mais un partenaire pour la soutenir dans la construction de sa capacité motorisée. Et si elle s'est tournée vers la France plutôt que vers d'autres partenaires, c'est, bien sûr, parce qu'elle a jugé nos matériels Scorpion meilleurs que la concurrence, mais c'est aussi en raison des liens tissés entre nos deux armées en deux décennies d'engagements communs – ce qui m'amène à mon deuxième point : l'étroitesse du partenariat franco-belge.

Là encore, l'accord répond au souhait des Belges, comme l'a indiqué le général-major Marc Thys, commandant de la composante terre que les membres de la commission de la défense ont rencontré à Bruxelles récemment, de disposer de forces parfaitement interopérables avec les nôtres, en vue d'engagements conjoints. Concrètement, là où l'OTAN garantit l'interopérabilité au niveau des brigades, c'est-à-dire par blocs de 8000 à 10000 hommes, le partenariat franco-belge l'organise au niveau de la compagnie, c'est-à-dire 150 hommes environ.

Pour ce faire, il fallait en premier lieu que les Belges aient exactement les mêmes matériels que les nôtres. C'est pour cela qu'ils ont souhaité s'en remettre à notre direction générale de l'armement pour passer en leur nom et pour leur compte tous les contrats, ainsi que pour piloter ce programme d'armement – c'est une première. Il fallait aussi, en second lieu, que Belges et Français partagent la même doctrine militaire et suivent les mêmes formations. C'est ce que prévoit le volet opérationnel de cet accord intergouvernemental.

Celui-ci, troisième point, a ceci d'original qu'il crée d'ores et déjà les conditions d'un approfondissement de la coopération à d'autres matériels et à d'autres activités. Cela aurait du sens. En effet, tant qu'à posséder les mêmes matériels, autant exploiter des synergies dans le domaine de leur maintenance. De même, puisque les Belges construisent une capacité militaire complète, il leur faut investir aussi dans de l'artillerie, des véhicules d'appui, des blindés plus légers. Or, le propre de la gamme Scorpion, dans laquelle ils ont déjà choisi d'acquérir des Griffon et des Jaguar, est justement la mise en réseau d'une gamme complète d'équipements dits infovalorisés dans une bulle de combat collaboratif. Il n'est donc pas irréaliste de penser que, par souci de cohérence et d'efficacité, ils privilégieront les autres matériels Scorpion pour leurs autres investissements.

Enfin, et c'est mon dernier point, ce partenariat franco-belge me paraît receler un certain potentiel d'élargissement, sous une forme ou sous une autre, à d'autres États européens. S'il fallait le comparer à quelque chose, ce serait moins au FMS, qui n'a guère de dimension partenariale, qu'au concept de nation cadre de l'OTAN, promu par l'Allemagne. La France dispose désormais d'une formule de coopération alternative et susceptible d'intéresser des pays dont la culture stratégique est proche de la nôtre. Cette formule complète utilement l'initiative européenne d'intervention et, ce faisant, peut servir la consolidation de l'Europe de la défense que nous appelons tous de nos voeux.

Pour toutes ces raisons, la commission de la défense a émis un avis favorable et unanime à l'approbation du texte.

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