Intervention de Jacques Maire

Séance en hémicycle du jeudi 23 mai 2019 à 9h30
Accord de coopération avec la belgique dans le domaine de la mobilité terrestre — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Maire, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

Ce contrat, véritable point de départ, met sur les rails une coopération inédite entre les armées française et belge, de l'armement aux opérations, et nous engage pour les quarante ans à venir.

C'est un accord ambitieux, qui apporte des bénéfices immédiats pour notre industrie de défense, ainsi que des perspectives de long terme très intéressantes sur lesquelles je reviendrai dans quelques instants. Auparavant, je voudrais souligner la qualité de notre relation de défense avec la Belgique, qui a permis à cet accord de voir le jour.

Comme certains d'entre vous sans doute, j'ai entendu les critiques assez dures adressées à notre partenaire belge, lorsque celui-ci a fait le choix du F35 américain, plutôt que de nos Rafale, pour remplacer ses F16.

Certains ont alors pointé du doigt le manque d'ambition européenne de la Belgique et son alignement sur le grand frère américain. Cette critique me semble injustifiée, lorsque l'on considère les engagements de l'armée belge qui sous-tendent le contrat CaMo, mais qui vont bien au-delà.

La Belgique l'a formulé explicitement dans sa vision stratégique, publiée en 2016 : elle vise, à travers l'acquisition de capacités identiques à celles de ses partenaires stratégiques européens, une intégration très poussée avec les armées de ces partenaires. Cette ambition d'interopérabilité totale, qui est celle de la Belgique, est loin d'être la norme en Europe.

De plus, l'industrie d'armement française n'a pas simplement remporté le contrat CaMo, qui représente 1,5 milliard d'euros. Elle a aussi remporté l'appel d'offres belgo-néerlandais visant à renouveler les chasseurs de mines des deux pays. Pour Naval Group, cela représente un marché de 3 milliards d'euros.

Avec 4,5 milliards d'euros de commandes pour nos entreprises, contre 2,9 milliards d'euros pour les F35 américains, le fournisseur dominant du marché en Europe, nous pouvons vraiment dire que la Belgique, à travers l'offre française, a fait le choix de l'Europe.

En réalité, les Belges ont une vraie vision politique de la défense européenne, qu'ils ont exprimée en 2016. Cette vision est proche de la vôtre et de la nôtre. Comme nous, les Belges pensent que les Européens doivent prendre en charge leur propre sécurité et construire une autonomie stratégique, notamment vis-à-vis des États-Unis.

Et la Belgique prend sa part de responsabilité. La défense belge, il est vrai, a beaucoup souffert des restrictions budgétaires. Elle a tiré à l'excès les dividendes de la paix, mais elle est à présent engagée dans un réinvestissement important, qui doit lui permettre de remonter en puissance.

C'est une très bonne chose car, de l'avis de tous les militaires que nous avons rencontrés, l'armée belge est très bien formée et entraînée, et ses soldats sont remarquables. Elle est dotée d'une culture stratégique proche de la nôtre, et peu commune en Europe : c'est une armée expéditionnaire, qui n'hésite pas à s'engager en première ligne dans les zones les plus risquées et à faire usage de la force.

Même en période de restrictions budgétaires, les Belges n'ont jamais cessé de s'engager sur des théâtres où il est très difficile de mobiliser les Européens : ils ont été présents en Centrafrique ; ils sont encore à nos côtés au Sahel, où ils prennent souvent des postes de commandement, et nous apportent des capacités critiques. Aux côtés de nos Rafale, leurs chasseurs F16 ont combattu en Irak et en Syrie, depuis la base aérienne de Jordanie. Nous venons juste de relayer un détachement de 270 militaires belges en Estonie, dans le cadre de la présence avancée rehaussée de l'OTAN. Pour une petite armée de 30 000 hommes, cet engagement doit être apprécié à sa juste valeur.

Enfin, la Belgique a été parmi les premiers pays à s'impliquer dans l'initiative européenne d'intervention, lancée en juin 2018 par le Président de la République et totalement investie par Mme Parly, dans le but de développer une culture stratégique commune entre Européens. Il existe donc une entente et une réelle convergence entre la France et la Belgique en matière de défense.

Avec l'accord CaMo, ce sont les Belges qui sont venus vers nous avec un projet d'intégration européenne très fort. Je tiens à souligner que la réaction de notre gouvernement et de l'armée de terre a été à la hauteur de l'enjeu. En quelques mois, la formule du contrat de partenariat gouvernemental qui nous est soumis aujourd'hui a été mise au point, grâce à un minutieux travail interministériel.

Pour ma part, je trouve cette formule intéressante et audacieuse. Comme le ministre l'a exposé, cette forme d'accompagnement gouvernemental n'emporte aucun risque juridique et financier pour l'État. En revanche, elle est un vecteur d'influence considérable pour notre défense, et elle ouvre des perspectives importantes pour notre industrie d'armement.

Bien sûr, cette formule pèse sur nos ressources car elle suppose une forte implication de nos services et de notre armée. Nous devons veiller à ce que la DGA dispose des moyens suffisants, notamment en personnels, pour développer une véritable capacité de pilotage des contrats d'exportation, dans l'hypothèse, souhaitable, où cette formule viendrait à être employée avec d'autres pays.

À cet égard, j'ai un regret, monsieur le ministre. Les 40 millions d'euros que la DGA perçoit de la part des Belges ne permettent pas de rémunérer les treize équivalents temps plein qui seront dédiés à la gestion du contrat dans les dix ans qui viennent. Si l'engagement de la DGA en matière d'export devait être pérennisé, il faudrait desserrer cette contrainte budgétaire, sinon celle-ci serait asphyxiée et dans l'incapacité de tenir ses promesses. Cela dépend de Bercy, mais nous devons faire quelque chose !

Nous devons également nous assurer que la contribution des armées au soutien aux exportations – Soutex – est dûment prise en compte. Dans le cadre du contrat CaMo, les Belges sont intégralement formés en France sur Scorpion : cela suppose un investissement très important de l'armée de terre. Nous devons donc veiller à une application fidèle, en loi de finances et en exécution, de la loi de programmation militaire, qui prévoit des effectifs supplémentaires pour le Soutex. Je suis sûr que le président de la commission de la défense nationale et des forces armées y sera très attentif.

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