Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du jeudi 23 mai 2019 à 9h30
Statut d'autonomie de la polynésie française - diverses dispositions institutionnelles en polynésie française — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

La nouvelle rédaction de l'article 1er du projet de loi organique portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française constitue un pas important vers la reconnaissance, par notre pays, des préjudices causés à la Polynésie française par la décision prise par le Gouvernement, au milieu des années 1960, d'utiliser ce territoire comme site d'essais nucléaires.

Nous aurions souhaité que les termes retenus soient plus explicites. Toutefois, nous sommes satisfaits que le débat parlementaire ait permis cette avancée.

La Polynésie française a été pour le moins mise à contribution par la nation pour le développement des essais fondant sa dissuasion nucléaire. Il est crucial de rappeler et de reconnaître à quel point la population et le territoire polynésiens ont subi les conséquences négatives de cette entreprise.

De 1966 à 1996, la France a effectué 193 essais nucléaires en Polynésie française. Quarante-six essais ont été réalisés dans l'atmosphère, où chaque explosion a produit des nuages radioactifs balayés au gré des vents, parsemant l'environnement de radionucléides et exposant directement les populations ainsi que la faune et la flore à des taux de radioactivité anormaux.

D'après un rapport de l'Observatoire des armements – organisation indépendante fondée en 1984 afin d'étudier les effets des essais nucléaires menés en Polynésie française – publié en 2005, les niveaux de radiations mesurés dans les aliments qui n'avaient pas été lavés quatre jours après l'explosion d'Aldébaran – premier essai nucléaire effectué en Polynésie – étaient 666 fois supérieurs à la normale.

Quant à l'eau potable, elle était six fois plus radioactive que la normale. De nombreux échantillons ont été étudiés par la suite.

Les conséquences des essais en matière sanitaire sont significatives. Le nombre de malformations constatées à la naissance a été multiplié par cinq en vingt-cinq ans. Les maladies radio-induites constituent une réalité particulièrement préoccupante.

Par ailleurs, l'utilisation du territoire polynésien comme site d'essais nucléaires a eu des conséquences socio-économiques importantes, bousculant dans un laps de temps très court le mode de vie des populations, ce qui a eu des conséquences économiques, sociales, culturelles et environnementales.

Pendant des années, l'effet des essais nucléaires a été caché au plus grand nombre. Aujourd'hui encore, l'information demeure en partie protégée par le secret défense.

C'est pourquoi il importe de reconnaître la responsabilité de l'État français en Polynésie. Toutefois, cette reconnaissance n'a de sens que si elle fonde des mesures de réparation effectives. Or, plusieurs problèmes subsistent. Les mesures qui doivent être mises en place sont incomplètes, tant au niveau individuel qu'au niveau collectif.

La suppression, au mois de février 2017, de la notion de risque négligeable, issue de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite loi Morin, a permis l'accroissement du nombre d'indemnisations en 2018. Ainsi, du 1er janvier au 22 octobre de cette année, 146 personnes ont fait l'objet d'une décision d'acceptation – contre quatre-vingt-seize demandes ayant fait l'objet d'un avis favorable du mois de janvier 2010 au mois de décembre 2017.

Récemment, un amendement au projet de loi de finances pour 2019 a réintroduit des obstacles à l'indemnisation des victimes dont les contentieux visant à remettre en cause la décision du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires sont en cours d'instruction. Il en résulte un risque de révision à la baisse des taux d'indemnisation.

Par-delà les déclarations symboliques et importantes, telles celles que comportent les textes de loi dont nous débattons, il faut faire en sorte que les obstacles restreignant l'indemnisation des victimes soient levés.

Le processus de réparation en est à ses débuts. Il doit s'inscrire dans un dialogue élargi sur le devenir des territoires concernés, qui doit être mené avec la population ainsi que les autorités locales polynésiennes.

Ce dialogue devra embrasser les réalités socio-économiques que sont les problèmes de pauvreté et d'inégalité, et, surtout, les enjeux de préservation de la biodiversité et de l'environnement, qui ont été si durement touchés. Pour notre part, nous entendons contribuer positivement aux débats à ce sujet, qui ne manqueront pas de se poursuivre.

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