Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du mardi 21 mai 2019 à 9h30
Questions orales sans débat — Exercice du métier d'avocat face aux campagnes de haine sur les réseaux sociaux

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Madame Pau-Langevin, vous le savez, la provocation à commettre des atteintes à l'intégrité physique d'une personne ou bien des destructions, des dégradations ou des détériorations dangereuses pour les personnes, de même que la provocation à la haine ou à la violence, sont réprimées par l'article 24 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Afin de lutter contre ces discours de haine, le ministère de la justice mène depuis plusieurs années une politique pénale ferme. Ainsi ai-je signé, le 4 avril 2019, une circulaire relative à la lutte contre les discriminations, les propos et les comportements haineux, par laquelle j'ai souhaité appeler l'attention des procureurs de la République et des procureurs généraux sur le traitement particulier qu'exigent ces comportements intolérables pour notre République. J'y ai souligné la nécessité d'une vigilance particulière dans la conduite de l'action publique, du recueil de la plainte à la décision. J'y ai également rappelé que la procédure civile de référé peut être utilisée afin d'obtenir, à l'encontre des hébergeurs et des fournisseurs d'accès à internet, des injonctions de retrait des contenus haineux ou de blocage de l'accès aux sites qui les véhiculent – c'est une voie que les parquets n'hésitent plus à utiliser.

Par ailleurs, les enjeux nouveaux soulevés par le développement d'internet ont conduit à l'adoption d'un arsenal législatif en la matière. Ainsi, la loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004 est venue encadrer la responsabilité pénale des prestataires techniques d'internet, fournisseurs d'accès et hébergeurs.

Une proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet sera prochainement débattue dans cet hémicycle. Elle imposera aux plateformes en ligne générant un trafic important de retirer les contenus manifestement illicites, notamment ceux comportant une incitation à la haine, dans un délai de vingt-quatre heures après notification. L'obligation de retrait rapide sera assortie de sanctions à l'encontre des opérateurs récalcitrants. Cette proposition de loi prévoit également de simplifier la procédure de signalement des contenus illicites par les internautes. Ces outils nous permettront de lutter plus efficacement contre les campagnes haineuses telles que celles que vous évoquez.

Elles sont particulièrement inacceptables lorsqu'elles visent des avocats, premiers défenseurs des libertés. Comme vous l'avez rappelé, Me Marjane Ghaem, avocate au barreau de Mayotte, a fait l'objet, à la suite d'une intervention télévisée, d'insultes sur les réseaux sociaux, étant accusée de « favoriser l'immigration comorienne ». J'ai immédiatement saisi le procureur général de Saint-Denis-de-La-Réunion. Le procureur de la République s'est entretenu avec la bâtonnière du barreau de Mayotte afin de l'assurer que le parquet était à la disposition de Me Ghaem pour recueillir sa plainte et mener toutes les investigations nécessaires. À ce jour, aucune plainte n'a été déposée, mais je tiens à réaffirmer ici devant vous qu'il ne peut y avoir d'impunité face à de tels agissements.

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