Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du mercredi 15 mai 2019 à 15h00
Agence nationale de la cohésion des territoires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel :

Nous sommes appelés à examiner en nouvelle lecture la proposition de loi portant création d'une agence nationale de la cohésion des territoires après l'échec des travaux de la commission mixte paritaire convoquée par le Gouvernement. L'examen de ce texte ayant commencé au Sénat, nous devons nous prononcer sur le même texte que celui que nous avions adopté en première lecture il y a quelques semaines, néanmoins quelque peu modifié par nos récents travaux.

À défaut d'être originale, vous me permettrez donc d'être, du moins, constante et de vous rappeler les principales observations que le groupe Socialistes et apparentés avait formulées en première lecture quant aux faiblesses de votre dispositif.

Nous l'avions évoqué à plusieurs reprises : nous ne sommes pas convaincus que la création d'une nouvelle agence ad hoc soit nécessaire pour travailler à la simplification et à la coordination visant à offrir un guichet unique aux collectivités locales. Si nous soutenons évidemment les objectifs de simplification attendus des collectivités et de leurs élus, il nous semble que la création d'une nouvelle structure ne contribue pas forcément à simplifier le paysage administratif. Nous avons la faiblesse de penser qu'une réorganisation du CGET y aurait suffi.

Nous sommes d'autant plus dubitatifs que cette agence n'aurait finalement de sens que si elle permettait la mise à disposition de moyens nouveaux pour les collectivités territoriales. Or, nous constatons toujours, comme après l'examen en première lecture, que cette proposition de loi ne prévoit rien de tel et nous n'avons aujourd'hui aucune visibilité sur les moyens octroyés pour atteindre les objectifs. C'est donc au stade du projet de loi de finances pour 2020 que nous pourrons juger véritablement de la valeur de cette réforme et de la volonté politique qui y a présidé.

Si les crédits dédiés aux missions qui relèveront demain de l'Agence sont identiques ou, pire encore, moindres, alors, ce sera un échec. Cette agence ne sera au mieux qu'une simple réorganisation administrative, au pire, un nouvel étage administratif destiné sans doute à simplifier le millefeuille administratif ! C'est en particulier cette incertitude sur ses moyens qui a motivé notre abstention en première lecture. Nous espérons que vous pourrez d'ores et déjà nous donner quelques informations – qui, j'en suis sûre, nous rassureront – quant à la construction du budget pour 2020.

Considérant que l'Agence doit intervenir en particulier dans les territoires ne bénéficiant d'aucun des dispositifs nationaux de soutien de l'État ou de ses opérateurs, nous proposerons quelques amendements de précision dans le cadre de l'examen des articles. Vous l'avez dit, madame la ministre, l'agence doit intervenir en complémentarité. Elle doit donc le faire d'autant plus activement si ces territoires ne disposent d'aucun dispositif, d'aucune ingénierie en interne : ce sont en effet ces territoires-là qui ont le plus besoin de cette agence.

Il nous semble essentiel que le périmètre des missions de l'Agence, s'agissant de la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, porte en particulier sur la revitalisation commerciale et artisanale. Nous souhaitons également que l'accès au logement et la lutte contre l'habitat indigne constituent des thématiques prioritaires pour les projets qui seront soutenus par l'Agence. Nous souhaitons enfin que celle-ci porte une attention particulière aux territoires de montagne. En effet, les dispositifs spécifiques prévus pour la ruralité ne leur sont pas toujours adaptés. La reconnaissance par l'agence des spécificités de ces territoires est donc essentielle– ce n'est pas pour rien qu'il y a eu deux lois montagne, l'une en 1985, l'autre en 2016 !

Au-delà de ces amendements, nous souhaitons alerter nos collègues sur une modification apportée en commission lors de l'examen en nouvelle lecture.

En première lecture, la commission avait souhaité que l'agence promeuve les projets innovants défendus par les territoires prioritaires. Cependant, la rédaction retenue ne liait pas le soutien aux projets à leur émanation de territoires dits prioritaires, contrairement à l'esprit des débats. Cette rédaction donnait en réalité deux missions à l'agence : d'une part, promouvoir les projets innovants d'où qu'ils viennent et, d'autre part, intervenir dans les territoires définis comme prioritaires. Cette rédaction n'apparaissait pas conforme à l'esprit des auteurs de la proposition de loi, au discours tenu par le Gouvernement sur ce texte et aux travaux de notre commission.

L'agence, avant tout – nous en avions convenu – doit cibler son action dans les territoires définis comme prioritaires et, dans un second temps seulement, s'intéresser aux caractères innovants de ces projets. Ce n'est pas un hasard si nos débats se sont essentiellement articulés autour de la définition de ces fameux territoires prioritaires. Nous avions donc proposé de corriger cette rédaction en séance publique par un amendement adopté, soutenu par tous les groupes et ayant fait l'objet d'un avis de sagesse de la part du Gouvernement. Or, lors de l'examen en nouvelle lecture, en commission, Mme la rapporteure a introduit cette rédaction – selon nous, biaisée – par un amendement présenté comme un retour au texte de première lecture. Une veille de 8 mai, alors que nombre de nos collègues étaient rentrés en circonscription pour les commémorations, cela a échappé à notre vigilance collective.

Outre que la présentation faite alors par Mme la rapporteure était incomplète au regard de l'amendement adopté en séance publique, cela n'est pas conforme, je le répète, à l'esprit des débats à l'Assemblée nationale comme au Sénat, dans lesquels tous les groupes ont exprimé le souhait que l'action centrale de l'agence soit son intervention dans les territoires définis comme prioritaires.

Nous proposerons donc un amendement visant à rétablir le texte de l'article 1er tel qu'adopté par tous les groupes en première lecture en séance publique. Nous espérons que vous le soutiendrez, ainsi que la majorité, comme elle l'avait fait alors. Si tel ne devait pas être le cas, nous considérerions que l'esprit de nos débats n'a pas été respecté et cela nous amènerait à faire évoluer notre vote.

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