Intervention de Jean Lassalle

Séance en hémicycle du mardi 14 mai 2019 à 15h00
Transformation de la fonction publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Lassalle :

Il y a des textes qui parlent, et certains font plus de bien ou de mal que d'autres. J'ai eu beau examiner celui-ci sous tous les angles, il m'a fait du mal.

Je connais votre générosité personnelle, monsieur le secrétaire d'État. Je sais les efforts que vous avez déployés pour rouvrir une perception dans notre chère vallée, qui aurait été, sans cela, totalement coupée du monde, car elle a perdu tous les autres services publics. Ce n'est donc pas une question d'homme ou de qualités humaines ; vous avez autant de coeur que je peux en avoir, et inversement. Toutefois, il y a des projets de loi qui disent notre temps et notre volonté. S'il devait être voté, celui-ci dirait, je pense, notre démission. Oui, notre démission !

Pour autant que l'on ait compris quelque chose à l'histoire de notre pays, nous avons retenu qu'il y avait, d'un côté, ceux qui étaient appelés à parler de la France parce qu'ils avaient gagné ce droit par les urnes et, de l'autre, ceux qui avaient le droit de servir la France, droit qu'ils avaient acquis par des études difficiles, parfois très difficiles. La grandeur des uns et des autres était comparable. Or nous savons ce que nous autres, élus politiques, sommes devenus : un théâtre d'ombres, dont tout le monde, hélas, rit sous cape, tristement. Et nous voyons le champ de ruines que deviennent, au fil des mandats, nos services publics.

J'ai été l'un des premiers, peut-être le seul, à me lever ici, lorsque M. Sarkozy, à l'époque ministre de l'intérieur, qui allait devenir Président de la République, a porté un coup fatal aux services publics. Depuis lors, je n'ai pas varié d'un iota, et je pense que nous n'avons pas changé, au fond de nous.

Qu'est-ce donc qui a changé ? Au sortir de la guerre, la France n'avait pas une thune ; il fallait aller chercher l'argent du côté de Londres, de Washington, de la Suisse ou ailleurs encore. Il n'y avait rien, et pourtant, Mme Dubré-Chirat vient de le rappeler, tous les articles inspirés par le Conseil national de la Résistance furent votés. C'est qu'il y avait alors un projet ! Et un avenir pour une France qui, après tant d'adversités, s'aimait de nouveau. Les Français voulaient construire ensemble.

Alors qu'elle n'avait plus rien, la France décida de se donner les moyens, sur plusieurs années, de créer une nouvelle économie. C'est d'ailleurs ce que nous devrions faire aujourd'hui, de manière absolument urgente, en mettant fin au pétrole, qui n'est plus qu'une source de guerres, de déchirements et de mensonges, et en misant sur le solaire et l'énergie des marées. Ces technologies sont prêtes, nous avons beaucoup progressé, mais nous avons peur et nous sommes, dès lors, obligés de sacrifier ce sans quoi rien ne peut fonctionner.

Rien n'a changé ? Mais si, tout a changé ! Certes, il y a toujours un élément qui inspire la peur. À l'époque, c'était, ne l'oublions pas, la peur atomique : la guerre nucléaire était imminente ; il suffisait que quelqu'un appuie sur un bouton. Nous avons tous connu cette période, dans notre jeunesse. Aujourd'hui, d'autres monstres réels ou imaginaires se profilent à l'horizon.

Dimanche soir, mon fils s'est rendu au centre hospitalier d'Oloron-Sainte-Marie. Le personnel a fait tout ce qu'il pouvait pour le prendre en charge, mais il a été obligé de dire que ce n'était pas possible, car les équipements ont cinquante ans. Rien n'a bougé depuis la création de l'hôpital ; on n'a pas même donné une couche de peinture ! D'ailleurs, le centre hospitalier a perdu sa maternité.

Quel combat ne faut-il pas mener pour sauver une école ! Toutes les télévisions, asservies, prétendent qu'on n'en ferme plus aucune ! En réalité, on les pilonne, on les mine à la base, on les sape ! On supprime un demi-poste après l'autre, pour que l'école s'écroule, voire que le regroupement pédagogique intercommunal tombe tout entier, ce qui se produit inexorablement, quelques mois plus tard.

On se plaint de l'insécurité qui surgit de partout. Or on s'en prend à la gendarmerie, à la police, bientôt à l'armée… Oui, les choses ont changé. Le problème des banlieues, devenu si grave, existait-il à l'époque ? Assistait-on à un tel exode, voulu, depuis nos campagnes, qui crée un vide sidéral ? Celui qui avait commencé, nous n'avions pas pu le conjurer.

Je souhaite de toutes mes forces que nous ne votions pas ce texte et que nous repartions sur d'autres bases. La fonction publique et les fonctionnaires ressemblent aujourd'hui à un ver de terre assez long qu'un coup de bêche malheureux a coupé en sept morceaux – je sais que beaucoup d'entre vous font, comme moi, du jardinage. Ces sept morceaux s'agitent, mais ce n'est qu'une illusion : ils seront bientôt inertes. Il n'y a plus de chaîne qui relie le sommet et la base. Or c'est cela même qui a fait la grandeur de notre administration, une des plus respectées au monde, en plus de l'immense dessein qu'on lui avait assigné, dans ce pays qui a tant aimé conjuguer une certaine idée du social et du libéral.

Je nous en supplie : notre pays ne mérite pas cela ! Nous avons vu ce que cela a donné pour France Télécom, …

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