Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du lundi 13 mai 2019 à 16h00
Transformation de la fonction publique — Présentation

Olivier Dussopt, secrétaire d'état auprès du ministre de l'action et des comptes publics :

Cette mesure rendra aussi possible le recrutement de cadres de haut niveau issus du secteur privé, pourvus de compétences rares, qui pourraient avoir envie de s'engager pour le service public pour un temps limité, non à l'échelle d'une carrière.

Dans le même ordre d'idée, ce projet de loi de transformation de la fonction publique innove en créant, dans les trois versants de la fonction publique, un contrat de projet de manière à mobiliser des compétences externes pour la conduite ou la mise en oeuvre d'un projet spécifique. Je le répète, l'objectif de notre réforme est véritablement double : donner plus de souplesse aux employeurs, mais aussi de nouvelles perspectives aux agents, avec une attention particulière pour les agents les plus précaires. Dans cette optique, nous voulons élargir le recours à l'emploi contractuel et titulaire pour l'exercice de missions qui nécessitent un service à temps non complet – par exemple, l'accueil périscolaire – , de manière à supprimer le recours abusif à la vacation.

Le travail en commission des lois a permis d'aller plus loin en matière de lutte contre la précarité, et je m'en félicite. Le Gouvernement a entendu la volonté des groupes La République en marche et MODEM que soit instituée, comme cela existe dans le secteur privé, une prime de précarité pour les agents ayant signé un contrat à durée déterminée, parce que la convergence que nous appelons de nos voeux doit aussi se faire au bénéfice des agents publics. J'ai donc déposé et je défendrai devant vous un amendement créant une telle prime pour les contrats d'une durée inférieure ou égale à un an. Le Gouvernement répond ainsi, je le crois, à une demande fortement exprimée en commission.

La seconde finalité de ce pilier managérial est de renforcer la reconnaissance de l'engagement et de la performance professionnels des agents. Cela passera d'abord par la généralisation de l'évaluation individuelle en lieu et place de la notation, par le truchement de l'entretien professionnel, mais aussi par une plus grande cohérence lors de la détermination de la rémunération de tous les agents publics, quels que soient leur situation – contractuel ou titulaire – ou leur employeur public.

J'en viens au troisième pilier de ce projet de loi : le renforcement de la transparence et de l'équité du cadre de gestion des agents publics. Il s'agit plus précisément de renforcer l'équité et l'efficacité du contrôle déontologique, corollaire de l'encouragement aux mobilités public-privé. Là aussi, je veux souligner le travail accompli en commission et les suites qui lui seront données en séance pour rénover profondément les outils de contrôle de la déontologie, en insistant sur l'apport essentiel de Fabien Matras, qui résulte de la mission parlementaire qu'il avait conduite avec M. Olivier Marleix.

L'équité, c'est aussi harmoniser le temps de travail dans la fonction publique avec celui dans le secteur privé : les accords dérogatoires à la durée légale de travail de 1 607 heures dans la fonction publique territoriale seront supprimés d'ici à 2022, et nous présenterons un décret pour harmoniser les régimes d'autorisation spéciale d'absence. Je sais que nous aurons à débattre dans les heures qui viennent du même sujet pour la fonction publique d'État.

Le quatrième pilier vise à une plus grande mobilité entre versants de la fonction publique mais aussi entre secteurs public et privé pour permettre un plus grand décloisonnement tout en accordant le maximum de sécurité, de droits et d'accompagnement pour les agents concernés. Ainsi, pour favoriser la mobilité entre les versants, nous allons, comme dans le secteur privé, garantir la portabilité des droits acquis au titre du compte personnel de formation en cas de mobilité. De même, un agent contractuel titulaire d'un CDI dans l'un des versants pourra désormais bénéficier de la possibilité – j'insiste sur le fait que cela restera une possibilité à sa main – d'une portabilité de son CDI en cas de changement d'employeur, même dans un autre versant. De surcroît, un dispositif global d'accompagnement en cas de restructuration de service, avec un accompagnement personnalisé, sera mis en place pour les trois versants de la fonction publique, incluant notamment un congé de transition professionnelle pour permettre à un agent de se former pendant une durée d'un an tout en conservant la totalité de son traitement et de pouvoir ainsi envisager sereinement sa reconversion.

Toujours dans cet objectif de mobilité et de passerelles, un nouveau mécanisme de rupture conventionnelle, proche de ce qui d'ores et déjà existe dans le secteur privé, est créé par le projet de loi. Il s'agit de faciliter ainsi les deuxièmes ou troisièmes parties de carrière dans le secteur privé en donnant aux agents publics les mêmes garanties qu'aux salariés, à savoir le bénéfice d'une indemnité de rupture et de l'assurance chômage. Là aussi, le travail en commission, notamment les amendements de Mme la rapporteure, aura permis d'apporter des précisions et des dispositions d'encadrement utiles à ce nouvel outil. Tous ces outils seront utiles. Ils sont attendus par de nombreux d'agents qui souhaitent ainsi écrire une nouvelle page de leur carrière professionnelle.

Bien évidemment, il n'est pas question pour nous d'obliger les agents à quitter la fonction publique. Il s'agit d'apporter de nouvelles réponses et de créer de nouveaux outils pour répondre aux situations les plus communément rencontrées par les employeurs publics. L'État veillera aussi à ce que les agents dont le poste serait remis en cause puissent bénéficier d'un reclassement sur le territoire où ils habitent, dans le cadre d'une nouvelle priorité d'affectation locale.

Enfin, toujours en matière de mobilité, je sais fort bien que ces enjeux revêtent une importance toute particulière pour les agents publics ultramarins, tant autour de la prise en compte du centre d'intérêt matériel et moral tel que prévu par la loi Égalité réelle en outre-mer de 2017 qu'autour des modalités de recrutement dans ces territoires. La plupart de ces sujets relèvent du champ réglementaire, mais je tiens à confirmer devant la représentation nationale notre volonté d'y travailler avec la ministre des outre-mer et en concertation avec les élus ultramarins. À court terme, nous devons poursuivre les travaux d'évaluation de la prise en compte du CIMM – le centre des intérêts moraux et matériels – dans les mouvements de mutations, et je confirme la volonté du Gouvernement que cette évaluation soit finalisée rapidement. Nous devons aussi accompagner les employeurs publics, en premier lieu les ministères, dans la déconcentration de leurs recrutements. Si, sur ce point, l'enjeu dépasse évidemment les seuls territoires ultramarins, je sais que la mise en oeuvre de concours nationaux à affectation locale, telle qu'un amendement de la majorité le propose, permettra d'apporter de nouvelles réponses en la matière lorsque les services déconcentrés ne sont pas en capacité d'organiser eux-mêmes les concours.

Le cinquième pilier du projet de loi vise à renforcer l'égalité professionnelle, à commencer par celle entre les femmes et hommes dans la fonction publique. À cette fin, il transpose les avancées de l'accord majoritaire du 30 novembre 2018 relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Concrètement, il s'agit d'instaurer des plans d'action pour traiter notamment des problématiques d'écarts de rémunération, de renforcer le dispositif de nominations équilibrées sur les emplois de direction, de ne plus appliquer le jour de carence pour maladie aux agents en situation de grossesse et, comme pour les agents de l'État, de maintenir durant les congés pour maternité, pour adoption, pour paternité ou accueil de l'enfant les primes et indemnités versées par les collectivités territoriales

Il s'agit aussi de favoriser l'égalité professionnelle pour les agents en situation de handicap. Ainsi, le projet de loi pose l'obligation pour les employeurs publics de s'engager à prendre des mesures favorisant les parcours professionnels de ces agents en les protégeant de toute discrimination. Cela passe notamment par la reconnaissance de nouveaux handicaps susceptibles de bénéficier d'aménagements d'épreuves lors des concours, et aussi par une procédure de promotion dérogatoire au droit commun qui élargit le champ des handicaps pris en compte, via la suppression de la référence au seul handicap physique pour pouvoir bénéficier d'aménagements d'épreuves lors des mêmes concours. Ces dispositions s'ajoutent à la rénovation de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, mise en oeuvre par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 décembre 2018, présentée par ma collègue Muriel Pénicaud. Cette loi a permis de simplifier le recrutement de personnes en situation de handicap, notamment dans les structures à faibles effectifs, et de renforcer la capacité d'action du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

Pour conclure, je veux vous dire, mesdames, messieurs les députés, combien le Gouvernement est persuadé que c'est dans l'intérêt des agents publics, et plus généralement de l'ensemble de nos concitoyens, qu'il vous présente ce projet de loi de transformation de la fonction publique. Il s'agit ainsi de concourir au renforcement des services publics dans les territoires et à l'amélioration des conditions de travail des agents publics, par des avancées concrètes et rapidement opérationnelles.

Je veux remercier toutes celles et tous ceux qui se sont impliqués dans nos débats, à savoir tous les membres de la commission des lois autour de vous, madame la présidente, et qui ont permis d'enrichir ce texte par la qualité de leurs travaux et de leurs apports, lors de nos réunions des 2 et 3 mai ; remercier le rapporteur pour avis de la délégation aux collectivités territoriales, Éric Poulliat, et Laurence Gayte, rapporteure pour la délégation aux droits des femmes – dont je salue la présidente ici présente – , et à travers eux l'ensemble de leurs membres ; remercier aussi tout particulièrement Mme la rapporteure Émilie Chalas et le concours précieux des parlementaires de la majorité, je pense notamment à Guillaume Gouffier-Cha et à Laurence Vichnievsky.

Si je ne m'autorise pas, mesdames, messieurs les députés, à tous vous remercier par avance, je sais que le débat que nous ouvrons à cet instant sera, lui aussi, une nouvelle étape pour enrichir et améliorer ce texte. J'ai la conviction qu'il apporte la souplesse attendue et les changements nécessaires à nos administrations et à nos agents publics. J'ai la conviction que nous le faisons en protégeant les droits de ceux-ci et en leur donnant de nouvelles perspectives professionnelles. J'ai la conviction que nous marquerons ainsi une nouvelle étape, un changement profond dans la manière dont nous mettons en oeuvre l'action publique dans tous les territoires de notre pays, et ce en replaçant au centre de nos préoccupations et de nos objectifs les agents publics.

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