Intervention de Sarah El Haïry

Séance en hémicycle du lundi 29 avril 2019 à 16h00
Débat sur le rapport d'information du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation de la lutte contre la délinquance financière

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah El Haïry :

Je commencerai par remercier le groupe La France insoumise, à l'origine de ce rapport et de cette séance de contrôle, ainsi que les deux rapporteurs, Ugo Bernalicis et Jacques Maire, pour ce rapport d'une brûlante actualité, particulièrement complet et très instructif.

Je voudrais insister la nécessaire lutte contre la fraude à la TVA. J'élargirai ensuite mon propos à la nécessité de faire évoluer nos institutions, de mieux définir la fraude fiscale, ou encore de mieux lutter au niveau européen, en particulier en complétant la liste des pays non coopératifs.

La lutte contre la délinquance financière, et plus largement la lutte contre la fraude, sont régulièrement au centre de nos débats. Pourtant, nous n'agissons pas suffisamment contre cette trahison, contre ce coup de canif dans notre pacte républicain. La délinquance financière met à mal l'équité fiscale, pourtant essentielle à l'équilibre de notre modèle social.

La délinquance financière a connu une croissance de 24 % entre 2012 et 2016, c'est-à-dire en quatre années seulement ! Le manque à gagner des recettes liées à la TVA, en particulier, a été évalué par la Commission européenne à 147 milliards d'euros pour la seule année 2016. Nous ne devons pas laisser cette fraude prospérer impunément.

Pour lutter contre ce fléau, nous avons, à l'automne dernier, renforcé notre arsenal législatif. C'est une première étape : les mesures que nous avons votées permettront de lutter plus efficacement contre la fraude fiscale et la délinquance financière.

N'oublions pas qu'une lutte efficace contre la fraude exige une puissante coordination de l'action nationale, et au-delà européenne, voire internationale. Les fraudeurs se jouent des frontières : les propos de nos collègues l'ont montré, les arrangements sont faciles, les frontières se franchissent. Mais en déduire qu'il ne faut rien faire au niveau national serait une erreur ! C'est d'ailleurs le sens de la loi relative à la lutte contre la fraude, qui comporte des mesures nationales ; mais le Gouvernement continue dans le même temps de rechercher une coordination au moins européenne, et idéalement internationale.

L'action de l'Union européenne doit à cet égard être saluée. La question de la lutte contre la fraude est au coeur des politiques européennes depuis plusieurs années. Celles-ci demeurent perfectibles, certes, mais les mesures prises ces dernières années vont dans le sens d'une plus grande justice fiscale. La liste européenne des paradis fiscaux permet ainsi de sanctionner les États qui refusent de remédier à leurs manquements ; elle n'est pas parfaite : il suffit de regarder sa composition pour y constater des manques. Au nombre des avancées, il faut citer la directive européenne du 20 décembre 2018, qui permet l'expérimentation d'un mécanisme d'autoliquidation généralisé pour les livraisons de biens et prestations de services, afin de mieux lutter contre la fraude à la TVA dite « carrousel ».

Il est nécessaire d'adapter les moyens de l'État pour lutter contre une délinquance financière qui évolue très rapidement ; ses outils informatiques, mais aussi ses circuits internationaux, changent constamment. Les délais de fabrication de la loi font que nous avons souvent un, deux, voire trois trains de retard sur les délinquants.

Nous devons également mieux mesurer ce type de fraude. Si cette quantification ne saurait évidemment être exhaustive, nous disposons à coup sûr d'une marge de progression très importante. Alors que l'évaluation est désormais au coeur de l'action publique, l'imprécision de la définition de la délinquance financière est nuisible ; elle se traduit notamment par des carences statistiques qui font obstacle à une bonne appréciation du phénomène, et par conséquent à l'adoption d'une politique de lutte appropriée.

La délinquance financière se caractérise par un contentieux massif en nombre, rendant nécessaire une adéquation des moyens de notre justice pour traiter les dossiers dans un délai plus raisonnable. La loi de programmation et de réforme de la justice doit permettre de corriger ces manques.

Enfin, dans la droite ligne du travail commencé par la loi relative à la lutte contre la fraude, qui prévoit de nouvelles sanctions pour les intermédiaires, le régime de sanctions doit être adapté et renforcé, en prenant notamment en considération l'évolution des méthodes de fraude.

Dans la période actuelle, où les Français remplissent leur déclaration de revenus, nous voyons se multiplier les courriers électroniques qui poussent à la fraude. Ce sont des escroqueries inqualifiables : ayons le réflexe de les signaler, car c'est aussi au quotidien que nous devons lutter contre la fraude.

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