Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du jeudi 11 avril 2019 à 15h00
Statut d'autonomie de la polynésie française - diverses dispositions institutionnelles en polynésie française — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

« Ia ora na » à tous nos soeurs et frères polynésiens !

Le groupe Libertés et territoires soutient particulièrement ces textes, même si nous savons que l'accord à leur sujet n'est pas total en Polynésie, ainsi que l'a souligné notre collègue Moetai Brotherson que nous avons écouté avec attention. Nous serons vigilants et veillerons à ce que l'autonomie polynésienne se concrétise effectivement.

Ces textes sont le résultat d'une négociation de plusieurs années entre les dirigeants polynésiens et l'État, qui a donné lieu à l'accord de l'Élysée signé le 17 mars 2017. Ils en sont la traduction législative, ainsi que la ministre des outre-mer l'a rappelé.

Il faut saluer l'article 1er du projet de loi organique sur le statut, qui reconnaît la dette nucléaire de la France envers la Polynésie même si, il faut le dire, nous mesurons encore mal sa portée normative. Sa valeur symbolique est certainement très forte.

Il répond à une attente particulièrement légitime des Polynésiens. La reconnaissance par l'État de toutes les victimes du nucléaire est en effet indispensable pour que soit progressivement soldé ce passif dont on ne mesure pas encore entièrement les conséquences tant environnementales que socio-économiques.

Ces conséquences doivent, à notre sens, être distinguées : si les unes appellent une juste compensation, les autres exigent une autre forme de réparation qu'il faut désormais s'attacher à définir avant de lui donner corps. C'est pourquoi la définition, dans l'article 1er, des trois domaines – sanitaire, environnemental et économique – dans lesquels devra désormais se traduire le nécessaire accompagnement de l'État constitue une première avancée.

À toutes ces victimes, nous devons une meilleure indemnisation : c'est là la moindre des choses.

L'évocation de l'histoire de la Polynésie et du mal qu'a pu faire l'activité nucléaire de la France me permet de rendre, une fois encore, hommage à Edmond Simeoni et aux militants de l'Action pour la renaissance de la Corse qui, grâce à leur mobilisation, ont fait échouer les essais nucléaires que l'État projetait à l'Argentella, près de Galéria, dans les années 1950. Songer à ce que la Corse serait devenue si ces essais avaient eu lieu me fait froid dans le dos, lorsque j'entends les conséquences de ceux que le peuple polynésien a subis !

Je fais confiance à madame la ministre et aux élus de Polynésie pour mettre en oeuvre l'indemnisation. Ces échanges doivent toutefois se faire sans tabou et en faisant preuve de courage, voire d'audace, pour le bien-être du peuple polynésien.

Comme l'a précisé notre collègue Maina Sage, ce texte ne concerne pas la seule question des dotations mais il les inscrit dans ensemble plus vaste.

Dans les articles suivants, il apporte des réponses aux problèmes et aux lourdeurs révélés par la quinzaine d'années de pratique du statut d'autonomie de 2004. Il apporte ainsi des corrections sur le renouvellement des assemblées, afin de parvenir à une meilleure stabilité, et il permet de faire usage en Polynésie des statuts de société publique locale – SPL – ou de société d'économie mixte – SEM– qui sont, à mon sens, de bons outils de gestion.

Un volet porte aussi sur l'articulation des collectivités de Polynésie et la création d'une intercommunalité à la polynésienne permettant de répondre aux particularités de ce territoire. On conçoit aisément que, compte tenu de la superficie de la Polynésie, des contraintes géographiques de l'insularité et du temps de parcours important entre les différents pôles, la commune y soit un pivot essentiel de l'action publique.

Vous vous doutez qu'en tant qu'élu de la Corse, je suis personnellement très favorable au statut d'autonomie de la Polynésie, à son approfondissement et au nécessaire cheminement pour le conforter qu'a évoqué Maina Sage.

J'insiste à dessein sur le terme d'autonomie, dont l'emploi dans le titre de ce projet de loi organique prouve que l'autonomie existe en droit constitutionnel français, contrairement à ce qu'ont cherché à nous faire croire certains membres du Gouvernement et, tout particulièrement, le Président de la République.

On a déclaré que l'autonomie est impossible. L'assemblée de Polynésie vote pourtant des règles différentes de celles de la métropole qui sont adaptées à son territoire et qui répondent à des problèmes, à une histoire et à une culture différents.

Cette autonomie ne s'est pas construite sans cadre légal : elle se trouve inscrite dans la Constitution française, et elle est conforme à son esprit. Son inscription dans la Constitution a donné lieu à une loi organique qu'a votée le Parlement français, qui a abouti à une « petite Constitution » de la Polynésie, pour reprendre l'expression de l'un de nos collègues.

L'autonomie est, à notre sens, le socle d'une relation apaisée entre l'État et les collectivités – en l'occurrence, avec le peuple polynésien – chacun respectant l'autre car il est reconnu dans ses différences et ses spécificités.

La Corse ne demande rien de plus et rien de moins – nous demandons juste à être nous-mêmes. Dès lors, comment ne pas réagir aux déclarations du Président qui ont jeté de l'huile sur le feu, lorsqu'il a affirmé haut et fort que si la Corse votait ces propres règles, ce ne serait plus la République ? Faut-il en déduire que, dans la mesure où la Polynésie vote ses propres règles, ce n'est plus la République ?

Le 4 février dernier, à Cuzzà, en Corse, le Président Emmanuel Macron a tenu des propos encore plus absurdes. Il a en effet déclaré qu'il n'était pas favorable à l'autonomie de la Corse « sans la République ». Mais si cette autonomie ne s'exerce pas dans la République française, où s'exercera-t-elle ? Certainement pas sur Mars !

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