Intervention de Christian Hutin

Séance en hémicycle du vendredi 29 mars 2019 à 9h30
Sécurité et santé dans l'agriculture — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Hutin :

Ces séances visant à ratifier des conventions internationales sont vivifiantes : on y parle simplement mais on y expose beaucoup de choses. J'espère qu'elles pourront être davantage reprises par la presse, car ce n'est malheureusement pas encore le cas.

J'ai dit « vivifiantes » en pensant à notre collègue Jimmy Pahun, qui exposait avec tout son coeur ce que représentait la marine pour lui. Je me permettrai d'en faire autant en rappelant que, comme la plupart des Français, je suis issu du monde agricole – à 80 % à peu près : mes arrière-grands-parents, mes grands-parents et mes parents possédaient une ferme, qu'un de mes cousins a reprise aujourd'hui. Parce que je sais encore moissonner, conduire un tracteur, peut-être même traire, je connais les risques et la dangerosité de ce métier.

L'histoire du monde agricole est extraordinaire. Dans les années 1936 puis 1946, les milieux agricoles se sont opposés par principe aux avancées et au progrès social, contestant notamment la sécurité sociale agricole, la MSA ou mutualité sociale agricole. Malgré cela, tous les gouvernements successifs ont essayé d'améliorer leur condition. Ainsi, plus de soixante ans après ce blocage idéologique, nous avons récemment voté l'extension aux agriculteurs du dispositif garantissant un statut aux conjoints d'entrepreneurs.

La convention, que nous signons aujourd'hui, pour symbolique qu'elle soit, offre des dispositions réelles. Nous faisons partie des quelques pays du monde capables de porter une véritable attention au monde agricole. Il serait bon que celle-ci s'étende à d'autres pays car, comme Bruno Joncour l'a dit, très peu d'entre eux – huit en Europe – ont ratifié la convention. Il est extrêmement ennuyeux que des pays agricoles d'importance majeure n'aient pas fait de même.

Mes cousins cultivateurs regardent toujours les directives européennes qui concernent l'agriculture, soit avec ironie soit avec colère, tant elles semblent rédigées par des copistes qui, tels Bouvard et Pécuchet, essaient de se familiariser avec l'agriculture. Ils sont parfois obligés d'accepter des dispositions ridicules et de les mettre en oeuvre dans leur ferme.

Avec ce texte, nous ne sommes pas dans le même registre. Les accidents dans le monde agricole peuvent être extrêmement graves. En septembre dernier, je lisais chez mon cousin un article du Courrier picard qui expliquait très clairement les causes des accidents : les agriculteurs sont seuls, ils veulent réussir, mais ils vont trop vite ; ils ne sont pas formés et n'ont pas la culture des risques liés aux conditions de travail, comme dans les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – CHSCT. Il faut que la poutre soit montée, que le tracteur démarre… Cet état d'esprit qui perdure devrait être étudié dans le cadre d'une formation.

Par ailleurs, j'ai lu dans cet article ou un autre dans Ouest France, que près de 45 % des accidents concernent les jeunes agriculteurs, installés depuis moins de dix-sept mois. Cela signifie qu'il y a probablement un problème de formation. Sans critiquer les lycées agricoles, bien au contraire, j'estime que le ministère de l'éducation pourrait s'interroger à ce sujet, car le chiffre est tout de même parlant.

Deux remarques pour terminer, et la première au sujet du glyphosate. Malgré l'engagement qu'il avait pris personnellement, Emmanuel Macron a estimé, le 24 janvier 2019, que la France ne parviendrait pas à se passer totalement de cet herbicide controversé d'ici à trois ans. Il a ainsi déclaré : « Je sais qu'il y en a qui voudraient qu'on interdise tout du jour au lendemain. Je vous dis : un, pas faisable, et ça tuerait notre agriculture. Et, même en trois ans, on ne fera pas 100 %. On n'y arrivera pas, je pense. » J'ai travaillé sur des sujets semblables, comme l'interdiction du bisphénol dans les biberons. Il est évident que les industriels ne peuvent pas s'adapter immédiatement. Il faut donc trouver une solution.

Aujourd'hui, on pense que 90 % du glyphosate en France peuvent être retirés du marché, des solutions intermédiaires existant. Pour les 10 % restants, il faudra tout de même agir, car un engagement a été pris et cela commence vraiment à poser problème. Il faut réfléchir rapidement, pour tenir les engagements du président de la République, les engagements de la France, et soustraire au risque nos paysans et leurs voisins.

Ma deuxième remarque porte sur le fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques que divers groupes de gauche de l'Assemblée ont proposé. Cette structure est indispensable, sachant qu'aujourd'hui 15 000 personnes sont concernées – sans compter les dizaines de personnes décédées bien avant. En 2020, à la demande des parlementaires, le Gouvernement devrait remettre au Parlement un rapport sur le sujet. Un tel fonds, similaire au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, me semble une mesure de justice sociale et sanitaire tout à fait légitime. Il importe d'y réfléchir assez rapidement.

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