Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Séance en hémicycle du vendredi 29 mars 2019 à 9h30
Formation du personnel des navires de pêche — Présentation

Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'état auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

Derrière cet acronyme peu engageant et qui peut paraître aride se cache toutefois une convention internationale qui permet un certain nombre de progrès, ce qui nous amène à vous demander d'autoriser sa ratification.

Il n'est pas inutile de revenir sur le contexte historique de la genèse de cette convention et sur son adoption. Alors que le secteur de la navigation de commerce est doté d'une convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille dite convention STCW, depuis 1978, plusieurs institutions internationales ont pris isolément des dispositions partielles pour le secteur de la pêche. Je pense à l'OIT – Organisation internationale du travail – à l'OMI – Organisation maritime internationale – ou à la FAO – Organisation pour l'alimentation et l'agriculture. Il convenait donc d'unifier ces règles et d'adopter des normes internationales en matière de formation des marins pour le secteur de la pêche.

Cela était d'autant plus indispensable que le secteur est fortement accidentogène. On arrive ainsi au chiffre très impressionnant de 24 000 morts par an dans le monde. Pour ce qui concerne notre pays, parmi les événements signalés en 2016 au bureau d'enquête sur les événements de mer qui impliquaient des navires français ou qui ont eu lieu dans les eaux sous souveraineté française, quatre décès étaient signalés. En tout état de cause, il était donc nécessaire d'agir pour que la formation des professionnels soit toujours plus efficace et complète.

Une conférence diplomatique réunie à Londres en 1995 a abouti à l'adoption de la convention STCW-F, ainsi que de neuf résolutions annexées. Aujourd'hui, vingt-six États sont parties à la convention, dont neuf États membres de l'Union européenne. Cette précision est utile car certaines dispositions de la convention relèvent de la compétence communautaire. La décision du Conseil de l'Union européenne du 18 mai 2015 autorise les États membres de l'Union à devenir partie de la convention.

Nous estimons que la ratification ne soulève aucune difficulté. Elle s'inscrit dans le cadre de la politique de prévention des accidents et de lutte contre le dumping social, menée par la France depuis de nombreuses années. En effet, l'objectif de la convention est de définir des normes minimales de formation, de fixer des règles strictes en matière de délivrance des brevets et d'imposer des principes dans l'organisation de la veille en passerelle. Cela présente à nos yeux un triple intérêt.

Tout d'abord, la convention permet l'amélioration de la sécurité maritime par des règles harmonisées en matière de formation. À ce titre, elle répond aussi à des objectifs de développement durable dès lors que la baisse du nombre d'accidents contribuera à la prévention de la pollution marine.

Elle présente ensuite un intérêt dans le cadre de la lutte contre la concurrence déloyale menée par des pavillons moins exigeants en matière de normes sociales. Elle constitue ainsi un signal fort sur la nécessité de mettre en place un socle minimum de droits sociaux au niveau mondial dans le secteur maritime, plus particulièrement dans le secteur de la pêche.

Enfin, elle facilite l'émergence d'un marché de l'emploi maritime moins cloisonné en mettant fin à la distinction qui prévalait jusqu'alors entre les formations exigées pour la pêche, et celles exigées en matière de commerce. Les passerelles entre les deux secteurs sont indispensables afin de rendre le marché de l'emploi des navigants à la fois plus fluide et plus large.

La ratification de la convention par la France serait perçue par la communauté maritime internationale comme un signe de qualité de son pavillon. Elle permettrait en outre d'attester de l'employabilité des marins français dans le secteur de la pêche. Enfin, ces derniers pourraient bénéficier des dispositifs prévus par la convention en matière de reconnaissance des titres au niveau mondial.

Au sein de l'Union, la France veut un agenda social maritime européen ambitieux. L'une de ses propositions dans ce cadre vise à faire bénéficier toutes les activités en mer des acquis des conventions internationales, ce qui revient à agir en faveur des conditions de travail, d'emploi et de formation.

Une question pourrait se poser : pourquoi avons-nous attendu 2019 alors que la convention STCW-F a été adoptée à l'issue de la conférence internationale de 1995 ? En droit interne, la France a déjà adopté un certain nombre de règles – je pense au décret du 24 juin 2015. La ratification de cette convention s'inscrira dans le droit fil de ces décisions, et elle sera bienvenue plus de deux décennies après la conférence diplomatique de Londres.

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