Intervention de Ericka Bareigts

Séance en hémicycle du lundi 18 mars 2019 à 16h00
Organisation et transformation du système de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEricka Bareigts :

J'ai été très attentive au texte qui nous a été soumis en commission des affaires sociales. Après l'avoir étudié, j'ai voulu, lors de votre première audition en commission pour laquelle j'avais fait un aller-retour depuis La Réunion, vous dire, madame la ministre, que je m'interroge sur la pertinence de ce texte pour les départements ultramarins. En une minute – temps de parole qui m'était accordé – , ce fut une gageure !

Votre projet de loi veut régler le problème des déserts médicaux ; vous proposez notamment pour cela une nouvelle organisation de santé associant des plateaux techniques de haut niveau, une ouverture hôpital-ville et la consolidation des projets de communautés professionnelles territoriales de santé. Somme toute, vous souhaitez une perméabilité des pratiques et des territoires dans un ensemble continental organisé et en interconnexion entre départements et régions. Mais ce modèle que vous prévoyez pour l'Hexagone a-t-il une chance d'être efficient sur des territoires insulaires et éloignés du continent, et dont les niveaux de structuration de l'offre de soins sont très hétérogènes ?

Vous voulez tout d'abord que cette nouvelle organisation se construise autour un plateau technique de haut niveau. Or il n'en existe pas dans tous les départements d'outre-mer. Comment fait-on ? Lorsqu'il en existe, ils restent fragiles. Ainsi, Mme Bello l'a dit, à La Réunion, le CHU ne pourra faire face à la couverture de l'intégralité des surcoûts liés à l'insularité si le coefficient géographique n'augmente pas – je rappelle à mon tour que la dernière augmentation, d'un seul point, remonte à dix ans. Très concrètement, un exemple de surcoût : le mètre cube d'oxygène coûte aujourd'hui à un CHU de l'Hexagone environ 50 centimes ; à La Réunion, il coûte 3,16 euros.

Vous voulez ensuite développer les projets de communautés professionnelles territoriales de santé. Je note d'abord que, dans l'étude d'impact, le tableau de ventilation des projets n'identifie pas les outre-mer. Ensuite, pour faire communauté, il faut des professionnels, et si pour certaines disciplines dans certains territoires nous nous rapprochons de la moyenne nationale, pour d'autres, nous en sommes loin. Ainsi, la densité totale des médecins en Hexagone est de 340 pour 100 000 habitants ; elle est de 221 en Guyane, de 225 en Guadeloupe, de 81 à Mayotte. Pour les pharmaciens, la densité est d'environ 113 pour 100 000 habitants dans l'Hexagone, et en moyenne de 81 pour les départements d'outre-mer. Pour le médico-social, nous sommes tous en dessous des moyennes nationales et, pour certains, de façon considérable.

Troisièmement, vous définissez une nouvelle stratégie pour des territoires isolés, n'ayant pas rattrapé la moyenne nationale en termes d'infrastructures, mais dans lesquels de surcroît la fréquence de certaines pathologies dépasse la moyenne nationale, dans un contexte socio-économique tendu.

L'espérance de vie est, pour tous nos territoires, inférieure à la moyenne nationale. Pour certains, cet écart est réduit : c'est la preuve que, pour certains territoires, les rattrapages opérés depuis quarante ans ont été efficaces. Mais attention, madame la ministre : ne cassez pas ces dynamiques, qui restent très fragiles !

Pour certaines maladies, vous le savez, les taux de prévalence sont particulièrement élevés dans les outre-mer, ce que la Commission nationale consultative des droits de l'homme a souligné dans son avis adopté le 17 octobre 2017. Ainsi en va-t-il de la mortalité maternelle et périnatale : de 9,2 dans la région Grand Est, elle monte à 19,1 en Guyane, à 18,6 à la Martinique, ou à 13,7 à La Réunion. La mortalité infantile est de 3,7 en moyenne en France quand elle est de 7,6 pour les départements et territoires d'outre-mer hors Mayotte. C'est beaucoup trop ! Concernant le diabète, son taux de prévalence est de 10,2 % à La Réunion et de 8,9 % en Guadeloupe, alors qu'il est inférieur à 5 % au niveau national. Les proportions sont les mêmes, à chaque fois, qu'il s'agisse des AVC, des cancers, des maladies chroniques… Il est urgent d'agir !

Nos territoires sont différents les uns des autres, mais ils ont un point commun : leur isolement vis-à-vis de la France hexagonale. Il n'y a donc pas pour nos malades de possibilité de maillage territorial – à moins de prendre l'avion. Que faire lorsque nos plateaux techniques ne sont pas à la hauteur, lorsque le nombre de nos professionnels est très insuffisant ? Nous ne sommes pas armés pour créer des CPTS complètes : souvent, l'offre médicale n'est pas complète, et lorsqu'elle l'est, les densités sont très en dessous des moyennes nationales – alors même que la plupart de nos territoires comptent bien plus d'habitants au kilomètre carré que l'Hexagone.

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