Intervention de Cyrille Isaac-Sibille

Séance en hémicycle du lundi 18 mars 2019 à 16h00
Organisation et transformation du système de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCyrille Isaac-Sibille :

Nous voilà réunis dans l'hémicycle pour examiner le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, qui doit lui permettre de répondre aux défis posés à notre société. Quels sont-ils ? Nous avons besoin d'une offre de santé de qualité pour tous les Français et dans tous les territoires, malgré une raréfaction des professionnels, conséquence d'une gestion comptable de l'assurance maladie depuis trente ans et d'une modification de l'exercice médical. Il convient de lutter contre les maladies chroniques, qui augmentent constamment, du fait de l'absence d'une politique de prévention. Il faut s'adapter au vieillissement de notre population, phénomène découlant de cette bonne nouvelle qu'est l'augmentation de l'espérance de vie. La pratique médicale doit intégrer les nouvelles technologies, qui, bien contrôlées, sont une chance pour notre santé.

Le moment est historique car les Français, les acteurs de terrain et les responsables politiques, partageant un même constat, s'accordent sur la nécessité de changer profondément notre système de santé afin qu'il demeure l'un des plus performants au monde. Permettez-moi de rendre hommage à tous les professionnels de la santé, qui oeuvrent tous les jours pour nos concitoyens.

Face à ces défis, quelles sont vos propositions ? Mieux sélectionner les étudiants en santé, augmenter leur nombre, donner une meilleure formation aux médecins et prévoir une certification de leurs compétences tout au long de leur carrière ; garantir un exercice collectif et coordonné des professionnels de santé, remettre en cause le paiement à l'acte et mieux prendre en charge et financer les communautés professionnelles et les parcours de soins ; labelliser des hôpitaux de proximité, lieux de rencontre et passerelles entre la médecine libérale et la médecine hospitalière ; décloisonner les sphères publique et privée et assurer la mixité d'exercice ; poursuivre le déploiement d'outils numériques de télémédecine, au service de la relation humaine entre les soignants et les patients ; enfin, mettre à profit les données de santé pour renforcer l'épidémiologie, améliorer la prévention, le diagnostic et la recherche et, bientôt, développer une médecine prédictive.

Nous sommes parfaitement d'accord avec ces propositions, madame la ministre. Mais pour que cette belle mécanique s'enclenche – projet de loi, négociations conventionnelles, dispositions réglementaires et nouveaux modes de rémunération – , nous avons absolument besoin de l'adhésion et de la participation de tous les acteurs de première ligne que sont les professionnels de santé. Il faut, en outre, sortir de la logique administrative au nom de laquelle tout est décidé d'en haut et renoncer à un fonctionnement centré sur l'hôpital.

L'examen de votre projet en commission des affaires sociales a permis de lever, en partie, certaines réserves exprimées par notre groupe. Nous vous remercions d'avoir écouté nos préoccupations et nous saluons le travail constructif mené par le Gouvernement et la commission pour enrichir le texte.

Nos préoccupations concernent tout d'abord les habilitations à légiférer par ordonnances : vous avez apporté les éclaircissements nécessaires et attendus en vous engageant à associer les parlementaires à la rédaction de ces dernières. Nous pensons, tout comme vous, que le Parlement est le lieu, situé à égale distance de l'administration, des acteurs et des citoyens, où le débat peut et doit avoir lieu, et où la délibération doit s'effectuer en toute transparence.

Sur les autres articles du texte, nous vous ferons des propositions durant cette semaine. Ainsi, nous suggérerons un nom plus adapté pour les communautés professionnelles territoriales de santé, organisations qui devraient être le pivot de l'exercice libéral. Nous voulions également avancer une solution, celle des points d'accueil pour soins immédiats, pour résoudre le problème de l'engorgement des urgences ; malheureusement, le service de la séance vient de me faire savoir qu'elle était irrecevable. Nous présenterons par ailleurs des mesures destinées à couper le cordon ombilical entre les hôpitaux de proximité et les groupements hospitaliers de territoire. En effet, l'autonomie des hôpitaux de proximité doit être garantie afin qu'ils puissent assurer l'articulation entre les médecines libérale et hospitalière. Ils doivent donc conserver « une gouvernance locale forte afin de [se voir] reconnaître pleinement leur rôle », comme l'appelait de ses voeux le Président de la République le 18 septembre dernier, à l'occasion de la présentation du plan « ma santé 2022 ».

Nous soutiendrons également les mesures visant à proposer un mode de gouvernance plus adapté de la gestion des données de santé, afin que la France soit au rendez-vous de la médecine de demain et ne se fasse pas distancer par les deux géants mondiaux. Cet enjeu est fondamental.

Nous formulerons enfin des propositions pour renforcer la démocratie locale, ce qui passe par une meilleure représentation des élus, des professionnels de santé et des associations de patients, afin de contrebalancer les pouvoirs des agences régionales de santé – lesquelles regroupent parfois douze, voire quatorze départements – et de réaffirmer haut et fort, ainsi que le faisait un rapport de l'inspection générale des affaires sociales, que les initiatives locales doivent s'appuyer sur l'adhésion et le volontariat des professionnels de santé. En effet, le risque d'un dirigisme administratif étant élevé, nous craignons toujours que des directives soient données par des administrations centrales, depuis le siège de très grandes régions, sans concertation avec les acteurs de terrain.

Or le grand débat national a fait apparaître quelques revendications : les Français aspirent à être autant des acteurs de leur santé que des usagers du système de soins ; en outre, tous les jours, les maires et les conseillers départementaux et régionaux sont interpellés par nos concitoyens, qui souhaitent bénéficier d'un meilleur accès à la santé. Nous espérons donc que les propositions que nous porterons en ce sens seront entendues dans l'hémicycle.

Enfin, permettez-moi d'exprimer un regret quant à l'absence de propositions destinées à mieux prendre en compte les différentes médecines de prévention – protection maternelle et infantile, médecine scolaire et médecine du travail – , à les décloisonner et à les organiser de façon plus efficace. Vous nous avez exposé votre vision selon laquelle la prévention devait être l'affaire de tous. Cependant, si ce projet de loi tend indéniablement à mieux fluidifier la médecine de ville et la médecine hospitalière, il aurait également pu proposer une nouvelle réconciliation entre Hygée et Panacée, entre la prévention et le soin.

Pour conclure, dans l'hémicycle, et comme nous l'avons fait en commission, le groupe MODEM et apparentés continuera à s'investir sur la question de la démocratie sanitaire, car nous sommes persuadés que la santé de demain, même si elle disposera de nouveaux moyens technologiques, exigera toujours plus d'humanité et de proximité.

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