Intervention de Agnès Buzyn

Séance en hémicycle du lundi 18 mars 2019 à 16h00
Organisation et transformation du système de santé — Motion de renvoi en commission

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Il me semble difficile de ne pas répondre à tant d'interpellations, monsieur Grelier. Je voudrais revenir sur plusieurs points que vous avez évoqués au début et à la fin de votre discours ainsi que sur la question de M. Bruneel relative aux établissements de santé et à l'engagement des professionnels.

J'en conviens, depuis quinze ans, les conditions de travail des professionnels dans les établissements de santé se sont progressivement dégradées. Cette année, nous avons fait un effort considérable afin de redonner espoir à ces professionnels et de leur montrer notre engagement : pour la première fois depuis dix ans, nous avons augmenté les tarifs hospitaliers pour redonner du souffle à l'hôpital ; nous avons dégelé la totalité des crédits de 2018 qui avaient été mis en réserve – 415 millions d'euros ont ainsi été rendus aux établissements, auxquels nous avons octroyé la semaine dernière 300 millions d'euros supplémentaires.

Ces moyens témoignent de la confiance que nous plaçons dans les établissements avant d'engager cette réforme qui va enfin donner du sens à leur mission. Bien sûr, les professionnels ont besoin de moyens – nous en mettons sur la table – , mais ils ont aussi besoin de savoir dans quelle direction nous souhaitons aller, quelle organisation nous proposons, quels sont les objectifs à atteindre. Nous pensons qu'en renforçant la médecine de proximité, il est possible de soulager les hôpitaux de certaines missions auxquelles ils ne sont pas préparés et pour lesquelles ils ne sont pas forcément les mieux armés.

Je prends cet engagement devant les professionnels aujourd'hui. Cette réforme répond à la nécessité de leur donner du sens et des perspectives.

Vous soulignez le risque que la gradation de soins aboutisse à une hiérarchie. Ce n'est pas le cas. La gradation des soins est une notion unanimement reconnue et internationale, qui permet une meilleure répartition des plateaux techniques et des compétences sur un territoire. Pour autant, tout ne remonte pas au CHU ou à l'hôpital public. La gradation des soins offre des perspectives à la médecine privée – un établissement privé peut ainsi jouer le rôle de plateau technique de proximité pour de la médecine interventionnelle, par exemple. La gradation des soins désigne seulement une organisation des soins de recours, quel qu'en soit l'acteur, par rapport aux soins de proximité. Il s'agit d'une gradation, non pas hiérarchique, mais organisationnelle.

Dans le domaine du médicament, je tiens à contredire vos propos qualifiant d'incurie l'évaluation, le remboursement et les délais d'accès. Aujourd'hui, les délais d'accès aux médicaments innovants sont les plus courts du monde pour les patients français. Pourquoi ? Parce que nous avons instauré les autorisations temporaires d'utilisation qui permettent d'accéder à l'innovation avant même l'autorisation de mise sur le marché. Les délais que vous critiquez, monsieur Grelier, permettent aux patients français d'avoir accès à des médicaments qu'ils ne trouveraient nulle part ailleurs, notamment pas en Allemagne. Ils sont ceux qui accèdent le plus tôt à l'innovation. Ces délais incluent le temps de la négociation des prix, qui permettent de soutenir l'innovation et de donner accès à tous les patients sur l'ensemble du territoire. Je tiens à ce que ces délais de négociation soient préservés.

C'est la première fois qu'un projet de loi traite de la proximité et des soins de proximité ; c'est la première fois qu'il n'est pas « hospitalocentré ». C'est la première fois que l'approche est centrée sur les territoires et sur les besoins des patients. Je conteste votre analyse selon laquelle ce texte ne serait pas centré sur les patients. Je suis partie du parcours d'un patient âgé polypathologique confronté au labyrinthe de notre système de soins et au cloisonnement entre hôpital et ville ainsi qu'entre professionnels. J'en ai conclu qu'il fallait décloisonner tout le système. C'est bien à partir des besoins des patients partout sur le territoire que ce texte a été élaboré.

C'est vrai, ce texte n'embrasse pas tout le système de santé, notamment pas la prévention. J'ai expliqué pourquoi je ne souhaitais faire de ce projet de loi un texte cathédrale. C'est un texte qui donne du sens, qui redonne de la liberté aux territoires ainsi qu'aux professionnels pour s'organiser, qui redonne plus de place aux élus – j'ai accepté de nombreux amendements issus de tous les bancs pour rétablir la présence des élus dans l'ensemble des dispositifs qui concourent à l'organisation sur le terrain. Le texte réaffirme que l'hôpital public n'est pas le centre du dispositif.

Vous le savez, la loi ne peut pas tout. Grâce au CPTS, issues des initiatives de terrain, il sera possible d'adopter des solutions différenciée. La mue est en cours. Elle l'est chez les professionnels et dans nos organisations. Tout ne viendra pas de Ségur, ni même des petits Ségur, monsieur Grelier. Chacun a bien compris qu'il faut laisser de la place aux initiatives du terrain. La mue viendra également des députés que vous êtes.

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