Intervention de Jean-Carles Grelier

Séance en hémicycle du lundi 18 mars 2019 à 16h00
Organisation et transformation du système de santé — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Carles Grelier :

... en fonction des particularismes aussi, car aucune ville, aucun village, aucun territoire en France ne ressemble à aucun autre.

J'aimerais également que vous reparliez de tous les acteurs de la santé autres que les médecins, auxquels votre texte ne fait pas assez de place à mes yeux. La réforme des études médicales va immanquablement prendre du temps, et le succès des villages de la santé – vraiment, « CPTS », je ne m'y fais pas ! – repose sur l'interprofessionnalité et sur la place et l'autonomie données à chacun. Or nous avons, au milieu des malheurs de notre système de santé, une chance inouïe : la qualité des formations dispensées aux professionnels de santé.

Puisque leur niveau de compétence est élevé, optimisons-le autant qu'il est possible. Repensons, revisitons les décrets d'actes de nombreuses professions de santé, non pour tailler des croupières aux médecins – cela n'aurait aucun sens – , mais pour pouvoir répondre au plus vite et au plus près à la demande des patients. Regardons ce que les pharmaciens – ils le font déjà un peu – , mais aussi les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les sages-femmes, les orthoptistes et opticiens peuvent faire de plus et de mieux dans les territoires. Car finalement, ce que j'attends le samedi, à deux heures du matin, dans mon petit coin de Sarthe, c'est d'être pris en charge par un professionnel de santé qui sache soit me soigner soit m'orienter, et il n'est pas nécessaire, en première intention, qu'il s'agisse d'un médecin.

Enfin, madame la ministre – ce n'est pas un plaidoyer pro domo – , replacez les élus des territoires au coeur de l'organisation territoriale de la santé. Depuis plus de dix ans, l'État s'est défaussé sur eux des problèmes posés par la démographie médicale ; rendez-leur cette justice. Depuis des années, il a été de bon ton de les laisser à la lisière des actions de l'État ; on est en train de découvrir ou redécouvrir à quel point ils sont les élus de la proximité, le premier échelon de la République. Ces dernières années, on a voulu faire d'eux les idiots utiles de la République, alors qu'ils en sont les piliers les plus solides. Même dans les temps récents, ils n'ont pas failli.

Ils doivent donc être présents dans la définition et la gouvernance de toutes les instances en santé, car ce sont eux qui sont en première ligne lorsqu'un manque se fait jour. Ils ne doivent pas faire de la figuration comme dans les comités des élus des GHT ou les conseils de surveillance des hôpitaux : ils doivent disposer, au sein des CPTS comme dans la gouvernance des hôpitaux de proximité, d'un peu plus de pouvoir que d'influence.

Veillons aussi à la présence des patients – et non pas seulement des usagers – dans toutes les instances décisionnaires. La France ne peut plus être un pays divisé entre sachants et exécutants. J'aurais même souhaité, je vous l'avoue, que votre texte repense et reconfigure l'ensemble de l'organisation de notre système de santé à partir de la demande des patients plutôt qu'en fonction de l'offre de soins.

Mieux encore : la préoccupation qui aurait dû vous guider est celle de l'individu à son domicile. Car nous sommes tous des sujets de santé, même lorsque nous sommes bien portants, et c'est là que s'amorce une véritable politique de prévention et d'éducation à la santé, seul moyen, à terme, de réduire les dépenses d'assurance maladie tout en replaçant l'espérance de vie sur le chemin de la croissance.

Vous l'aurez compris, madame la ministre, je crois en toute sincérité que le compte n'y est pas, malgré vos incontestables efforts et même si je veux saluer depuis cette tribune l'ouverture dont vous avez personnellement fait montre ainsi que les rapporteurs. Ce n'est pas que ce que vous allez pouvoir mettre en oeuvre ne soit pas utile ou même – pour certaines mesures – nécessaire. Mais il y manque un souffle, une inspiration qui permette d'aborder les difficultés de notre système de santé de manière globale et de poser toutes les questions, même les plus délicates, même celles qui fâchent. II y manque une approche globale, politique et résolument en rupture avec l'hyperadministration de notre système de santé qui n'en finit plus d'étouffer celui-ci, réforme après réforme. Un emplâtre, fût-il de bonne facture, n'y suffira plus.

La vérité nous presse de tout repenser, de tout remettre à plat, de tout refonder. La France et les Français pourront-ils encore attendre ? Il y avait un espace à franchir, mais vous n'aurez fait qu'un pas. Les temps qui viennent nous diront si, au moins, c'était dans la bonne direction.

Le groupe Les Républicains appelle de ses voeux un renvoi en commission afin que, sur ce sujet majeur, le temps du débat nous soit redonné.

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