Intervention de Jean-Carles Grelier

Séance en hémicycle du lundi 18 mars 2019 à 16h00
Organisation et transformation du système de santé — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Carles Grelier :

Prenons maintenant le temps de parler du fond.

Vous avez décidé de supprimer le numerus clausus. Vous avez raison : la logique qui a prévalu si longtemps et qui consistait à réduire le nombre des praticiens pour réduire les dépenses d'assurance maladie aura grandement contribué à créer et à entretenir la situation désastreuse dans laquelle nous nous trouvons.

Gardez-vous pourtant – et gardons-nous – d'annonces hâtives et d'espoirs trop grands. L'existence de 10 ou 15 % de médecins supplémentaires ne résoudra pas tout. D'abord – c'est une évidence – parce qu'il faudra au moins dix ans pour les former ; ensuite parce que le cursus des études, tel qu'il est organisé, ne permet pas d'orienter les étudiants vers les spécialités en tension, au premier rang desquelles la médecine générale.

Qu'aura-t-on gagné si, en accueillant plus d'étudiants dans nos facultés, nous ne pouvons toujours pas répondre à l'attente légitime et compréhensible de nos compatriotes en quête d'un médecin traitant, en ville comme à la campagne ?

Comment ne pas regretter que votre texte n'aborde pas la redéfinition des missions et fonctions du médecin généraliste ? Comment ne pas regretter que vous n'ayez pas saisi l'occasion de revaloriser, y compris dans ses tarifs, cette belle médecine de proximité ?

Toujours en matière de formation, vous vous attaquez au totem des études médicales qu'étaient devenues les épreuves classantes nationales. Sur ce point également, je ne peux que vous donner raison.

Classer les étudiants en fin de parcours de formation pour récompenser les mérites était à l'origine une bonne idée. Mais le système a rapidement dérivé et, aujourd'hui, ce ne sont plus seulement les étudiants que l'on classe, ce sont les spécialités médicales que l'on hiérarchise. Or certaines disciplines, dont la médecine générale, n'en sortent pas gagnantes.

Enfin, la préparation des ECN occupait la majeure partie du temps des étudiants en fin de second cycle – outre qu'elle leur causait un stress supplémentaire, désormais mis en évidence par le nombre sans cesse croissant d'entre eux qui développe des troubles psychosociaux.

Bref, il fallait le faire, vous l'avez fait, et ils seront nombreux à vous en savoir gré.

Je serai beaucoup plus circonspect au sujet des communautés professionnelles territoriales de santé – CPTS. D'abord, pour une raison quelque peu anecdotique – et encore : je le répète, les Français s'approprieront d'autant mieux cette nouvelle organisation territoriale de la santé qu'elle portera un nom exempt de toute connotation technocratique. Vous le savez, j'ai un faible, dont j'ai cru comprendre que vous le partagiez, pour le nom de villages de la santé.

Plus fondamentalement, vous nous avez assuré en commission que l'initiative de s'associer serait laissée aux professionnels libéraux, et Thomas Mesnier – dont je veux saluer le travail et l'écoute attentive – a accepté d'assouplir le régime de leur autorisation par les agences régionales de santé. Je n'en reste pas moins dubitatif.

Dans quelle mesure ces communautés seront-elles ouvertes ? Tous les professionnels de santé pourront-ils ou devront-ils les intégrer? Quel effet cela aura-t-il sur les tarifs et sur les aides financières de ne pas les avoir rejointes ? Surtout, à terme, quelle emprise les groupements hospitaliers de territoire finiront-ils par exercer sur ces professionnels rassemblés en communautés et dont les projets médicaux devront être en conformité avec ceux des GHT ? Quelle garantie irréfragable pouvez-vous nous donner que votre texte ne contient pas en germe la création d'un grand service public de la santé placé sous l'autorité de l'hôpital public – réalisation du vieux rêve des ordonnances de 1958 ?

Circonspect, je le suis également au sujet des hôpitaux de proximité. D'abord, je le répète, je n'aime pas l'expression de gradation des soins, qui me semble impliquer aussi un classement des territoires. Ensuite, parce que l'on ne peut imaginer que tous les hôpitaux qui maillent notre territoire ne soient cantonnés qu'à une seule médecine, gériatrique le plus souvent : comment attirer dans les territoires – et pas seulement dans les plus reculés – de nouveaux habitants, mais aussi de nouveaux praticiens, sans hôpital de plein exercice ?

Bien sûr, j'approuve votre impératif de sécurité. Mais si la sécurité suppose effectivement de pouvoir disposer de plateaux techniques équipés et de professionnels expérimentés, elle signifie parfois aussi que l'on n'a pas à accoucher dans un service d'urgence dépourvu d'obstétricien ou dans le camion des sapeurs-pompiers sur la route de la maternité.

Donnons davantage de souplesse au dispositif comme aux missions des hôpitaux de proximité. La loi ne peut pas tout. Laissez donc aux professionnels concernés – ceux de la ville comme ceux de l'hôpital de proximité – et aux élus des territoires le soin de dialoguer avec l'ARS et de contractualiser en fonction des besoins et des moyens,...

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