Intervention de Jean-Pierre Door

Séance en hémicycle du lundi 18 mars 2019 à 16h00
Organisation et transformation du système de santé — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door :

Pour des raisons technocratiques et bureaucratiques, le numerus clausus est même descendu jusqu'à 3 500 postes par an. Nous en payons aujourd'hui le prix.

S'agissant de la réforme du deuxième cycle, les épreuves classantes nationales, tant décriées par les associations étudiantes et par des doyens, notamment depuis le fiasco de 2017 que j'ai rappelé, devraient être remplacées par trois grandes étapes : une épreuve nationale de contrôle des connaissances en cinquième année, puis, en fin de sixième année, une évaluation des compétences cliniques et relationnelles, au travers de la simulation en santé. La mesure concernera 8 400 étudiants qui intégreront le deuxième cycle en septembre 2019 et qui passeront les nouvelles épreuves en 2022. Elle vise à ne pas réduire le deuxième cycle à la préparation du concours de fin d'études.

Les épreuves classantes seront remplacées, vous l'avez rappelé, par un « matching » fondé sur un mélange de critères. C'est important, car l'affectation des internes dépend de ce processus multifactoriel. Quelles seront d'ailleurs, dans ce nouveau cadre, les méthodes d'évaluation utilisées ? L'on peut douter, en outre, que les délais de remplacement des épreuves classantes nationales par de nouvelles épreuves soient tenus.

Il est donc raisonnable, vous l'avez dit en commission, que cette réforme attendue, qui a été annoncée en juillet dernier, soit reportée d'un an. Nous avions proposé un tel report par voie d'amendement. C'est donc tant mieux.

Quant au troisième cycle, il devra également évoluer, mais vous n'en parlez pas dans ce projet. Personne n'en parle, d'ailleurs.

Il faut surtout en finir avec le préjugé selon lequel le nec plus ultra serait de former des médecins uniquement dans les hôpitaux universitaires. Avoir pour ambition d'établir un maillage territorial de la santé est un objectif qui vaut aussi pour les études de médecine et pour les centres hospitaliers régionaux. En partageant ses compétences, le CHU contribue à une répartition plus équitable de l'offre de soins sur tout le territoire. Il est, par conséquent, logique que chaque capitale régionale soit le siège d'un CHU.

Or certaines régions comptent plusieurs CHU, quand d'autres en sont dépourvues. Il en est ainsi d'Orléans, chef-lieu de la région Centre-Val de Loire, que j'habite et qui est composée de six départements. Il n'existe qu'un seul CHU, à l'extrémité de cette région, à Tours. L'hôpital d'Orléans-La-Source est le seul centre hospitalier régional français non universitaire, ce qui constitue un frein à l'attractivité médicale et risque d'aggraver encore la dégradation, déjà importante, de la démographie médicale dans le Loiret. En commission, vous ne m'avez pas entendu sur ce point, et je le regrette.

Le CESP – contrat d'engagement de service public – aide à l'installation, mentionné à l'article 4, a connu un succès certain et mérite de progresser, car il est n'est pas si ancien que cela. Ce dispositif reste néanmoins incomplet, faute d'accompagnement humain. Il serait utile d'en faire bénéficier ceux qui se destinent à la médecine générale, dont l'attractivité doit être, plus que jamais, un objectif prioritaire.

Faciliter l'installation de jeunes médecins, ce n'est pas seulement développer les aides à l'installation en travaillant sur l'accompagnement des projets des professionnels, c'est aussi promouvoir un accompagnement personnalisé, en s'appuyant, par exemple, sur les plateformes d'accompagnement des professionnels de santé et, surtout, mettre en place des guichets uniques. Les étudiants en médecine nous confirment le manque d'information disponible au sein des facultés.

Les dispositions relatives aux projets territoriaux de santé et de modification de la gouvernance des communautés professionnelles territoriales de santé, les fameuses CPTS, inquiètent le monde médical. La territorialisation de la santé est certes souhaitable, et nous la souhaitons. Cependant, le projet de loi ne définit pas ce qu'est ce nouvel échelon géographique régional de gestion de la santé. Or c'est fondamental, car le territoire de santé vise à offrir à la population de référence ce dont elle a réellement besoin. Les premiers contrats locaux de santé allaient dans ce sens en définissant de façon pertinente la géographie médicale des territoires concernés.

Les CPTS sont actuellement un pivot de l'organisation des soins de proximité dans les territoires. Elles sont en fait construites actuellement de façon souple et progressive par les professionnels eux-mêmes. Or, selon le projet de loi, les CPTS seraient inscrites dans une organisation territoriale des soins, tandis que leur gouvernance serait modifiée.

Les projets territoriaux de santé sont destinés à réunir les projets de santé élaborés par les communautés professionnelles et ceux des établissements de soins, publics comme privés, ainsi que ceux élaborés par les établissements sociaux et médico-sociaux. Ils constituent un étage administratif qui vient se surajouter, à l'intérieur du projet régional, au projet de santé propre aux différents acteurs. Alors qu'il est de bon ton de dénoncer, dans l'administration territoriale, le fameux mille-feuille territorial, vous ne faites ici que l'épaissir.

Le projet de santé serait, de surcroît, soumis à l'approbation du directeur général de l'ARS – quel regret d'avoir transmis cette compétence aux ARS et de ne pas l'avoir laissée à un préfet sanitaire placé auprès du préfet ! Une telle organisation aurait permis plus de discussions ; cela aurait été bien mieux. C'est inacceptable, car cela revient véritablement à mettre l'organisation de la santé en coupe réglée.

Les performances du National Health Service britannique, qualifié de Léviathan bureaucratique, sont contestées, notamment en raison de l'allongement des délais d'attente pour être soigné et de la dégradation de la qualité des soins. Le panorama de la santé de l'OCDE montre que cela a des conséquences sur l'état de santé général. Ce mammouth serait-il en train de devenir votre modèle ? Je ne l'espère pas, madame la ministre.

Au lieu de ce projet de suradministration, laissons donc plutôt s'exprimer les initiatives locales et les professionnels libres de s'organiser, au lieu de les placer sous la coupe des ARS !

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