Intervention de Christophe Bouillon

Séance en hémicycle du jeudi 7 février 2019 à 9h30
Débat sur la montagne d'or — Débat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bouillon :

Je souhaite tout d'abord remercier Gabriel Serville et son groupe de la Gauche démocrate et républicaine de nous avoir donné l'occasion de débattre de ce projet fondamental, non seulement pour la Guyane et ses habitants mais pour l'ensemble de la nation. En effet, au-delà du dossier lui-même, nous pensons que le projet d'exploitation aurifère de la Montagne d'or pose la question des principes essentiels qui doivent régir ces mégaprojets.

Le premier principe, le plus évident à notre sens, est celui qui dicte qu'aucun projet ne saurait être réalisé à l'insu ou à l'encontre du territoire qui a vocation à l'accueillir. Les habitants de la Guyane ont eu l'opportunité de s'exprimer entre mars et juillet 2018 sur le projet Montagne d'or, dans le cadre du débat public organisé par la commission nationale du débat public, autorité administrative indépendante garante de la sincérité de celui-ci. La grande majorité des participants ont marqué leur opposition à ce projet tel qu'il leur était présenté, mettant en avant des considérations économiques, sociales et environnementales ainsi que de protection des droits des populations autochtones, amérindiennes ou bushinengués. Sur cette question particulière, le rapport de la CNDP note que les soutiens du projet, élus et acteurs économiques, ont cherché à discréditer la parole de ces populations. Le maître d'ouvrage avait sciemment refusé d'assister à une réunion avec les chefs coutumiers à Village Pierre. De telles attitudes ne peuvent être tolérées dans la République.

Le deuxième principe est celui du respect de la législation nationale et des engagements internationaux de la France. L'exploitation de la mine de la Montagne d'or nécessitera, pour les douze années du projet, l'utilisation de 57 000 tonnes d'explosifs à base de nitrate d'ammonium, de 46 500 tonnes de cyanure, soit le poids de près de cinq Tours Eiffel, et de 142 millions de litres de fuel. La géographie et le climat de la Guyane rendent par ailleurs très élevé le risque de diffusion de ces polluants sur tout le territoire.

Il est incontestable que ce projet est violemment en contradiction avec les engagements contenus tant dans l'accord de Paris sur le climat que dans le protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation. Dans le cadre du débat qu'il organisait avec les élus ultramarins le 1er février dernier, le Président de la République l'a lui-même reconnu : « Il faut que ce projet [... ] soit aux meilleurs standards environnementaux. À ce stade, ce qui revient sur ce projet n'est pas au bon niveau sur ce point. On ne peut pas se permettre de lancer un projet qui serait destructeur de biodiversité. »

À ces principes d'acceptabilité sociale, environnementale et démocratique s'ajoute un principe sous-jacent, celui du respect des orientations de développement. En effet, il appartient à la nation de définir, dans des lois-cadres, les domaines économiques et scientifiques qu'elle ouvre au développement, et à quelles conditions. Dans le cas de la Montagne d'or, je fais évidemment référence au cadre que doit représenter le code minier et aux questions qui demeurent non tranchées. Devons-nous poursuivre l'exploitation minière dans notre pays ? Devons-nous exploiter les mines d'or ou uniquement l'or alluvionnaire ? L'exploitation doit-elle être contrôlée par des acteurs publics ? Quelles techniques d'exploitation sont-elles jugées acceptables ? Quelles conditions d'emploi et retombées économiques sont attendues ?

La réforme du code minier a été annoncée par le Gouvernement, il y a six ans, sous la XIIIe législature. Le 22 avril 2011, la ministre de l'écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, commandait à l'avocat Arnaud Gossement un rapport sur la réforme du droit minier, qui a été remis le 12 octobre de la même année. Le 14 février 2013, Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, confiait à Thierry Tuot, conseiller d'État, la mission de réformer le code minier selon les principes présentés par Delphine Batho, alors ministre de l'écologie. Un groupe de travail a été constitué sous son égide pour réunir les parties prenantes, et le texte issu des travaux de ce groupe de travail a été remis au Gouvernement en décembre 2013. Annoncé pour le printemps 2014 par Philippe Martin et Arnaud Montebourg, puis pour l'été 2014 par Ségolène Royal, et enfin pour l'automne 2014 par Arnaud Montebourg, le dépôt du projet de loi issu des travaux de la commission Tuot n'a cessé d'être repoussé.

En 2016, Emmanuel Macron, alors ministre de l'économie, annonçait devant le groupe de travail de la commission du développement durable que le texte était prêt, mais celui-ci n'a jamais été déposé. Sous la houlette de Jean-Paul Chanteguet, à qui je veux rendre un vibrant hommage, une proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l'environnement avait été déposée et fut adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, le 25 janvier 2017. Malheureusement, la proximité des échéances présidentielles et législatives a mis un frein à ce travail.

Ma question est donc simple, monsieur le ministre d'État : quand remettrez-vous ce travail à l'ordre du jour ? En l'état, en effet, force est de constater que le projet de la Montagne d'or ne coche aucune des cases dans la liste des principes qui nous sont chers. Les députés socialistes et apparentés considèrent donc que les conditions d'acceptabilité de ce projet tel qu'il existe ne sont pas réunies et qu'il nous appartient, avec le Gouvernement, d'engager une véritable réforme préalable du code minier, sur la base des travaux réalisés sous la précédente législature.

Thomas Mann écrivait, dans La montagne magique : « On ne veut jamais que son destin. » La Montagne d'or n'a rien d'une montagne magique et n'est certainement pas le destin de la Guyane.

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