Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du jeudi 7 février 2019 à 9h30
Débat sur la montagne d'or — Débat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Le sujet qui nous rassemble ce matin fait honneur à notre Parlement. Si nous autres, députés du groupe Libertés et territoires ne faisant pas partie intégrante de la majorité, pouvons régulièrement nous offusquer de l'organisation des débats parlementaires, il convient de saluer l'inscription de ce débat à l'ordre du jour. Nous sommes satisfaits que le sujet de la Montagne d'or ait parcouru plus de 7 000 kilomètres pour atterrir au coeur de la démocratie française : cela démontre son importance et surtout l'importance de tous nos territoires, où qu'ils se trouvent.

La discussion qui nous rassemble ce matin résume à elle seule l'ensemble des problématiques auxquelles nous serons confrontés ces prochaines années et décennies.

Il convient de rappeler que la France est partie prenante des grands engagements mondiaux en matière de préservation de la biodiversité, en particulier de la convention sur la diversité biologique négociée lors de la conférence de Rio de juin 1992, qui vise à apporter une réponse globale aux défis environnementaux, sociaux et économiques du développement durable. Cette convention est complétée par les objectifs d'Aichi pour la biodiversité et le protocole de Nagoya adoptés en 2010.

La responsabilité de la France au niveau international est majeure compte tenu de la richesse exceptionnelle de sa biodiversité, en particulier ultramarine. Comme vous le savez, monsieur le ministre d'État, la France abrite 10 % des espèces connues au niveau mondial. Elle a aussi le deuxième espace maritime au monde, dont 90 % se situe en outre-mer.

Il importe de rappeler que la protection de l'environnement constitue un défi majeur pour l'humanité tout entière, tant dans nos propres territoires que dans d'autres lieux de la planète. Il est un devoir commun et universel de respecter ce bien collectif destiné à tous, en empêchant que l'on puisse impunément faire usage des diverses catégories d'êtres vivants – animaux, plantes, éléments naturels – en fonction de nos propres projets économiques. Cette perspective revêt une importance particulière si l'on considère, dans le contexte des liens étroits qui unissent les différents écosystèmes, la valeur environnementale de la biodiversité, qui doit être traitée avec un grand sens des responsabilités et protégée de manière appropriée, car elle constitue une richesse extraordinaire pour l'humanité tout entière. Ces éléments sont fondamentaux pour notre conduite politique.

Chacun peut aisément saisir l'importance de la région amazonienne, l'un des espaces naturels les plus appréciés au monde pour sa diversité biologique, qui le rend vital pour l'équilibre environnemental de toute la planète.

Les forêts contribuent à maintenir des équilibres naturels essentiels, indispensables à la vie. Nous devons les protéger de la destruction, notamment des incendies criminels inconsidérés et de l'exploitation sauvage de l'or, qui accélèrent le processus de désertification. Nous devons tous nous sentir concernés par la protection du patrimoine naturel forestier. Là où c'est nécessaire, nous devons promouvoir des programmes adéquats de réintroduction d'espèces et de reboisement.

Avant cela, nous devons nous interroger sur les projets envisagés. Le projet de la Montagne d'or pose la question de notre responsabilité environnementale, de notre lien avec les populations locales, de notre vision globale.

Du haut de cette tribune, je souhaite m'adresser aux populations locales au nom des députés de la nation tout entière. Les Guyanais comptent tout autant que ceux que je croise au quotidien dans ma circonscription. Je rappelle leur égale dignité et leur participation à notre destin commun. Il ne peut y avoir de différence entre les Français.

Nous avons donc, individuellement et collectivement, une responsabilité importante s'agissant du maintien de cette biodiversité à la française, dans le respect des décisions des populations.

Le rapport Planète vivante de WWF rappelle que 60 % des vertébrés ont disparu de la surface du globe entre 1970 et 2014 et que 25 % des terres de l'Union européenne sont touchées par l'érosion.

Dans ce contexte de crise de la biodiversité, il nous appartient, à nous, représentants du peuple français, d'être exemplaires et de nous engager sereinement pour les générations à venir. Les experts avancent des chiffres pharaoniques pour ce projet de la Montagne d'or. Cependant, la part de notre responsabilité dans l'engagement planétaire est importante. Je prends le temps d'insister : il ne s'agit pas pour nous de nous opposer à tel ou tel projet ou au contraire de donner un blanc-seing. Au sein du groupe Libertés et territoires, nous souhaitons contribuer activement à rehausser le niveau des exigences environnementales et sociales.

Nous sommes tous ici conscients que le besoin mondial en or dépasse le cadre national, et nous savons que ce besoin pour l'économie planétaire ne baissera pas. Il nous serait facile de crier au loup et de détourner les yeux de notre responsabilité. Imaginons un instant que ces opérations, qui appellent une vigilance extrême à l'égard de l'environnement, passent à d'autres États moins regardants en termes environnementaux et sociaux : notre responsabilité serait double !

Ainsi, avec plusieurs collègues députés, nous appelons de nos voeux un changement de paradigme sur ce projet. En lien avec les élus locaux, nous souhaitons rependre ce projet en en rehaussant les exigences sociales et environnementales. Ne soyons pas enfermés dans des postures ! Le temps économique ne peut s'imposer au temps politique : le politique doit imposer à l'économie de nouvelles dimensions et de nouveaux engagements.

Nous souhaitons donc que ce projet s'accompagne d'engagements environnementaux et sociaux rehaussés, qu'il soit contrôlé par l'État et validé par les populations locales. Nous devons sortir du centralisme parisien. Notre groupe sera extrêmement exigeant sur ce point. Ne repoussons pas sur d'autres terres l'exploitation de l'or ! Soyons à la hauteur ! Soyons la COP21 de l'exploitation aurifère !

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