Intervention de Martine Wonner

Séance en hémicycle du mardi 29 janvier 2019 à 15h00
Délai d'intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à mayotte — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Wonner :

J'ai vu à Mayotte une réalité que jamais je n'aurais crue possible en France. Poussés par le désir, à de nombreux égards légitime, d'offrir à leurs enfants des vies dignes, des dizaines de Comoriens risquent leur vie tous les jours pour rejoindre les côtes françaises mahoraises. Poussés par un fantasme de vie meilleure, ils arrivent clandestinement et s'ils sont accueillis sur notre sol, du fait de leur nombre, les conditions de vie sont difficiles, voire insupportables.

Trop souvent, hélas, l'océan Indien et la mer Méditerranée réservent des destins semblables. Mais ne vous y trompez pas : j'en suis intimement convaincue, la France a le devoir de secourir et de porter assistance à l'ensemble des personnes en situation de vulnérabilité et de détresse physique ou psychique, comme peuvent l'être celles, durement éprouvées, que Mayotte accueille.

Ce territoire dont la population avoisine les 230 000 personnes, compte parmi elle près de 40 % de personnes de nationalité étrangère. L'immigration illégale est une réalité ancrée dans le territoire : à titre indicatif, selon une étude de l'INSEE, plus de la moitié des migrants comoriens résideraient à Mayotte sans titre de séjour.

En ce sens, nous devons, en tant que législateurs, avoir en tête le caractère extraordinaire, au sens premier du terme, de la situation à laquelle font face les autorités politiques, administratives et judiciaires de Mayotte, par rapport au reste du territoire national.

Mais, ici aussi, le droit d'asile doit être respecté au mieux. Il convient donc d'en garantir les moyens.

Le rôle de juge des libertés et de la détention est central quand il s'agit de décider de la prolongation, ou non, de la rétention décidée en premier lieu par l'autorité administrative. Il est la garantie, pour toutes les personnes, que leurs droits seront respectés et qu'une procédure indépendante de l'administration pourra trancher leur situation. C'est à l'aune de cet objectif de justice et de justesse de traitement que le texte que nous discutons doit être appréhendé. Il est crucial pour le territoire de Mayotte.

Parce que la pression migratoire est forte, le nombre de personnes placées en rétention administrative est considérablement plus élevé à Mayotte que dans les autres départements français. Selon les délégués du Défenseur des droits, 4 200 familles ont été retenues au centre de rétention administrative de Mayotte en 2017, et 2 500 durant les neuf premiers mois de 2018. La durée de rétention, sauf périodes d'exception, est très courte.

Il y a, à Mayotte, deux juges de la détention et des libertés, l'un rattaché au pénal, l'autre au civil. Cela donne une idée de leur masse de travail et de la responsabilité morale immense qu'ils endossent lorsqu'ils traitent les cas qui leur sont présentés.

De ce fait, pour permettre au juge de traiter chaque situation et chaque parcours de vie, nous devons lui donner les moyens d'exercer son jugement dans des conditions qui garantissent qu'il prendra la meilleure décision, dans l'intérêt de l'État, mais aussi et surtout, bien sûr, dans l'intérêt des personnes sur le sort desquelles il se prononce.

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