Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du mardi 29 janvier 2019 à 15h00
Délai d'intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à mayotte — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Nous sommes amenés à débattre d'une proposition de loi visant à corriger une erreur commise dans la précipitation lors de l'examen au Sénat d'une disposition relative à Mayotte. Voilà qui illustre bien la façon de travailler au Parlement.

Par-delà la disposition elle-même et du correctif dont elle fait l'objet, c'est surtout la méthode qui pose problème. Cela n'aurait pas dû se produire ; nous ne devrions pas siéger dans cet hémicycle depuis 16 heures pour corriger des erreurs sans même être certains d'améliorer la situation, encombrant ainsi l'ordre du jour alors que nous avons d'autres textes à examiner.

J'insisterai sur deux ou trois aspects du problème, que nous avons évoqués lors de l'examen du projet de loi asile et immigration. Plusieurs dispositions exceptionnelles ont été prises s'agissant de Mayotte. Certes, ce département subit une forte immigration, mobilisant tous les services concernés. Toutefois, certaines dispositions, résultant d'une confusion des questions et des genres, ne sont pas susceptibles d'améliorer la situation.

Souvenez-vous, mes chers collègues, nous avons débattu ici de la nationalité. Or nous savons très bien que naître dans un département comme Mayotte ne confère pas nécessairement la nationalité française à un enfant. Les choses sont plus complexes que cela. Ainsi, on fait l'amalgame de plusieurs sujets, croyant améliorer la situation de Mayotte.

Comme l'ont rappelé nos collègues, quels que soient leur bord politique et les convictions qu'ils défendent, ce n'est pas ainsi que nous résoudrons les problèmes du territoire de Mayotte. Faute d'un dialogue avec les autorités et les populations des îles environnantes, nous n'avancerons pas plus rapidement.

Nous voici donc occupés à débattre d'un correctif qui ne changera rien, et qui aggravera même la situation prévalant dans l'île, me semble-t-il, en matière de rétention administrative. Comme l'ont constaté et rappelé toutes les associations, le maintien en rétention pendant cinq jours était en vigueur auparavant. En fin de compte, nous y revenons.

Cela a-t-il permis de mieux traiter les personnes détenues en rétention administrative ? Malheureusement, non. Cela a-t-il donné au juge des libertés et de la détention la possibilité de se prononcer en utilisant intégralement ce délai ? Non. Le juge est saisi dans un délai de quarante-huit heures, mais les retours massifs ont lieu simultanément.

Par ailleurs, plusieurs cas de rétention administrative d'enfants ont été signalés. Nous battons tous les records ! Les associations disent très clairement que certains passages devant le juge sont trop brefs et que les nouvelles dispositions n'ont pas eu de conséquences positives sur la situation à Mayotte.

Le juge des libertés et de la détention pourrait être saisi dans un délai de quarante-huit heures de détention – au lieu du délai de cinq jours auparavant en vigueur mais, compte tenu de la situation mahoraise, la multiplication des recours contentieux est peu probable. En fin de compte, on en vient directement à des retours.

Les associations mettent en accusation une politique de privation de liberté qui ne parvient pas à faire diminuer les chiffres, au contraire : entre 2011 et 2015, 93 147 personnes ont subi un éloignement forcé, précise la CIMADE.

Comment faire évoluer la situation ? L'association Solidarité Mayotte souhaiterait par exemple la généralisation des procédures utilisant les empreintes pour établir avec certitude l'identité des personnes retenues, puisque c'est ce qui prend aujourd'hui du temps. Malheureusement, les propositions des associations ne sont pas retenues.

Cette proposition de loi vise à corriger une erreur ; ce sera fait, puisque c'est la majorité qui l'a déposée. Mais, sur le fond, rien ne changera.

Mes regrets portent principalement sur la forme : parlementaire depuis dix ans, j'ai rarement vu une telle façon de travailler, dans la précipitation, sans bilan des textes précédents, sans évaluation.

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