Intervention de Élodie Jacquier-Laforge

Séance en hémicycle du mardi 29 janvier 2019 à 15h00
Délai d'intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à mayotte — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlodie Jacquier-Laforge :

L'an dernier, nous avons longuement débattu des enjeux migratoires contemporains et des défis inédits qu'ils lancent à la France. Lors de ces débats, nous avons dû trouver un équilibre entre une meilleure maîtrise de l'immigration et un renforcement du droit d'asile, afin d'adapter notre droit à cette nouvelle réalité sans rien sacrifier de nos valeurs.

L'objectif est de préserver le droit d'asile et d'accueillir les personnes ayant vocation à l'être dans les meilleures conditions possibles. Si le territoire français dans son ensemble est concerné par les questions migratoires, les territoires ultramarins y sont confrontés de façon exacerbée.

Sur ce point, la situation de Mayotte est tout à fait exceptionnelle. Selon l'INSEE, près de 40 % de la population résidant à Mayotte est étrangère. La majorité est en situation irrégulière et provient des Comores. Cette immigration clandestine massive pèse lourdement sur ce département. Le système de santé mahorais est saturé. Le site principal du centre hospitalier de Mayotte est la maternité, la plus importante d'Europe : en 2017, plus de 9 700 accouchements s'y sont déroulés, essentiellement de mères comoriennes. Au demeurant, la très forte augmentation du nombre de naissances rend nécessaire la restructuration prochaine de l'hôpital.

L'augmentation importante de la population complique également le bon fonctionnement du système éducatif. Chaque année, les effectifs augmentent de 2 000 à 4 000 élèves. En raison du manque d'infrastructures, les écoles sont contraintes de fonctionner en rotation. Par ailleurs, l'immigration irrégulière provoque de vives tensions entre communautés, des épisodes de violences et une délinquance élevée.

Mme la présidente de la commission des lois s'est rendue sur place, accompagnée de ses deux vice-présidents, Stéphane Mazars et Philippe Gosselin, et a constaté le caractère très préoccupant de la situation de Mayotte. Je tiens à saluer ici leur travail. Ce déplacement, qu'ils ont présenté la semaine dernière en commission, est riche d'enseignements. Ce territoire doit faire l'objet d'une attention particulière.

Au demeurant, l'État a consenti d'importants efforts pour lutter efficacement contre l'immigration irrégulière, en déployant d'importants moyens. Le nouveau centre de rétention administrative, construit en 2015, est moderne et conforme aux normes en vigueur. La lutte contre l'immigration irrégulière commence à porter ses fruits, comme le prouvent l'augmentation des interceptions en mer et le niveau élevé du taux d'éloignement. Il convient de maintenir le cap.

À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. Pour les raisons évoquées précédemment, Mayotte doit disposer d'une législation dérogatoire en matière de droit des étrangers et de droit d'asile. Si la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile renforcé et une intégration réussie a introduit de nouvelles dispositions dérogatoires, s'agissant notamment de l'acquisition de la nationalité française, d'autres dispositions particulières existaient auparavant. C'est précisément l'une d'elles que vise la présente proposition de loi, qui vise à corriger une erreur de la loi asile et immigration.

En effet, si cette loi a amplement modifié les délais applicables en matière de rétention administrative, la durée initiale du placement en rétention administrative demeure de quarante-huit heures, assortie d'une obligation, pour l'administration, de saisir le juge des libertés et de la détention si elle souhaite sa prolongation.

Compte tenu de la pression migratoire à Mayotte, la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique a porté à cinq jours la durée initiale de la rétention administrative. Lors de l'examen du projet de loi asile et immigration, les sénateurs ont étendu ce délai à l'ensemble du territoire français, ce qui a entraîné de fait la suppression de la disposition dérogatoire applicable à Mayotte.

L'Assemblée nationale a ensuite rétabli la disposition en vigueur, tout en omettant de rétablir la disposition spécifique à Mayotte. Le maintien de cet oubli lors de la navette parlementaire aurait des effets très néfastes sur le département, qui est confronté à une pression migratoire sans commune mesure avec celle que connaît le reste du territoire français.

C'est là tout l'objet de la présente proposition de loi – et non d'engager à nouveaux frais les débats que nous avons eu lors de l'examen du projet de loi asile et immigration. Le groupe Mouvement démocrate et apparentés en appelle au pragmatisme, qui doit nous amener à adopter la présente proposition de loi dans les meilleurs délais, afin que l'erreur susmentionnée soit corrigée avant le 1er mars 2019, date d'entrée en vigueur de la disposition visée.

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