Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du mardi 29 janvier 2019 à 15h00
Délai d'intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à mayotte — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Vous nous présentez cette proposition de loi comme visant simplement à corriger une erreur matérielle figurant dans la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie. En effet, au cours de son examen, le délai de saisine du juge des libertés et de la détention par les étrangers placés en rétention administrative à Mayotte, qui était jusqu'alors de cinq jours, avait été réduit à quarante-huit heures. Cette proposition de loi vise à rétablir les dispositions dérogatoires concernant Mayotte. Le groupe Libertés et territoires votera ce texte qui répond au contexte migratoire spécifique de l'île, même s'il ne règle pas globalement le problème complexe de l'immigration vers ce territoire.

Corriger l'erreur commise lors de l'examen du projet de loi asile et immigration est nécessaire. La pression migratoire est tellement forte à Mayotte qu'un délai de saisine de quarante-huit heures du juge des libertés et de la détention par les étrangers placés en rétention administrative à Mayotte aggraverait une situation d'ores et déjà tragique. C'est pourquoi nous sommes favorables au rétablissement de la dérogation à cinq jours qui existait jusqu'à présent.

Comme a pu le souligner le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 septembre 2018, la collectivité de Mayotte « est ainsi soumise à des flux migratoires très importants qui sont des circonstances constituant, au sens de l'article 73 de la Constitution, des caractéristiques et contraintes particulières », qui autorisent le législateur à adopter des règles adaptées à la situation, afin de lutter contre l'immigration irrégulière à Mayotte. La situation y est dramatique, et nous ne devons pas rajouter une complexité administrative à la détresse humaine. C'est la raison pour laquelle il nous faut rectifier cette erreur technique.

De manière plus globale, le Gouvernement s'est engagé, devant cette assemblée, à rendre les conditions matérielles de la rétention beaucoup plus humaines, pour faire en sorte que les centres soient mieux adaptés aux familles. Nous attendons de voir.

J'en profite pour réaffirmer la position que j'ai défendue lors du débat sur la loi relative à l'asile et à l'immigration, à savoir que les centres de rétention administrative ne sont pas des lieux pour les enfants, ni pour les personnes vulnérables. Chaque année, à Mayotte, 4 200 enfants sont placés en centre de rétention. Aussi, il est essentiel et urgent de régler le problème de la rétention administrative des mineurs. C'est une question d'humanité, de dignité et d'honneur de la France, déjà condamnée à ce sujet par la Cour européenne des droits de l'homme. En 2016, la France a été cinq fois sanctionnée pour avoir violé l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, selon lequel « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Jacques Toubon avait d'ailleurs demandé qu'il soit « immédiatement mis fin à la rétention des enfants ».

Comment la République peut-elle encore se regarder en face lorsque des familles sont entassées, dans ces centres de rétention, dans des conditions déplorables ? La France, le pays des droits de l'homme, qui porte en elle des idéaux de démocratie, ne peut traiter les enfants comme elle le fait. Ils ne sont que les victimes d'un système qui, pour paraphraser Jean Ferrat, conduit leurs parents à « quitter un à un le pays pour s'en aller gagner leur vie loin de la terre où ils sont nés ». Non seulement les enfants sont punis pour des actes dont il n'est pas possible de leur imputer la responsabilité, mais, de plus, la privation de liberté a des conséquences néfastes sur eux, et cela d'autant plus quand les conditions de détention sont inadaptées, voire dégradées. L'intérêt supérieur de l'enfant doit primer dans notre assemblée et dans la République. Comme le stipule explicitement la convention internationale des droits de l'enfant, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une « considération primordiale » dans toutes les décisions que nous pouvons être amenés à prendre et dans lesquelles des enfants sont concernés.

Certes, ce n'est pas l'objet central du texte que nous avons à examiner aujourd'hui, mais nous ne pouvons pas occulter la situation des enfants placés dans des centres de rétention en France, en métropole où le nombre s'accroît de manière exponentielle, mais aussi à Mayotte. Nous ne pouvons continuer d'entendre des discours politiques, lors des campagnes électorales, en faveur de la fin de la rétention des enfants, et ne pas voir des actes donner corps à ces promesses. Cessons d'ajouter à la souffrance de leurs « rêves desséchés échoués », dont parlait Aimé Césaire, la souffrance de l'enfermement.

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