Intervention de Laurent Nuñez

Séance en hémicycle du mardi 29 janvier 2019 à 15h00
Délai d'intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à mayotte — Présentation

Laurent Nuñez, secrétaire d'état auprès du ministre de l'intérieur :

Mayotte est un territoire de la République, un territoire que nous ne pouvons pas oublier et qui connaît, plus encore que les autres, les réalités d'une pression migratoire forte.

Un chiffre en atteste : ce sont plus de 16 000 étrangers en situation irrégulière que nous éloignons chaque année de Mayotte. Seize mille personnes pour 240 000 habitants sur l'île de Mayotte, c'est environ 7 % de la population.

Ce chiffre est la meilleure illustration de l'urgence que nous avons à agir et, d'abord, madame la rapporteure l'a rappelé, à corriger un point de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie. Car si nous ne le faisons pas, nous allons, à Mayotte, au-devant de problèmes majeurs d'accès à la santé, aux services publics, à l'éducation ainsi que de problèmes de dignité, cette dignité que nous devons à chacun.

Il fallait donc une réponse rapide, et le Parlement l'a apportée en se saisissant de la question. Le retour à un délai de cinq jours pour la première saisine du juge des libertés et de la détention proposé par ce texte est nécessaire pour maintenir à Mayotte un cadre juridique solide et efficace, et procéder au mieux à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, qui tentent de s'établir à Mayotte.

Il a été rappelé que, dans la navette parlementaire du projet de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, une erreur s'est glissée lors de la suppression du régime dérogatoire pour Mayotte. Il s'agit bien d'une erreur, car elle ne reflétait la volonté ni de l'Assemblée nationale ni du Sénat.

Nous allons aujourd'hui pouvoir rectifier cette erreur. Je veux saluer le travail de la rapporteure, Ramlati Ali, qui a su porter ce texte. Je souhaite également remercier les sénateurs, et plus particulièrement Thani Mohamed Soilihi, rapporteur du texte au Sénat, qui, avec la commission des lois du Sénat, a mené les auditions en amont afin de l'améliorer.

En métropole, le juge des libertés et de la détention est saisi par principe pour la première fois quarante-huit heures après le placement en rétention. C'est un délai juste et efficace pour la métropole, qui est suffisamment rapide pour assurer les droits de chacun et suffisamment long, aussi, pour permettre les vérifications et les mesures nécessaires.

Mais à Mayotte, la situation est différente. Par sa situation géographique, par l'afflux de personnes arrivant de manière irrégulière, notamment des Comores, le défi des flux migratoires intenses est constant.

L'application du délai de quarante-huit heures aurait des conséquences immédiates presque insurmontables pour les services. Car, malgré l'investissement et la bonne volonté de tous, les juridictions ne pourraient pas absorber un nombre si élevé de saisines en un si court laps de temps. L'application de ce délai de quarante-huit heures provoquerait donc une augmentation très considérable des besoins en personnels parmi les administrations, les forces de l'ordre et les juridictions.

Elle impliquerait de multiplier les escortes entre le centre de rétention administrative, situé à Petite-Terre, et le tribunal de grande instance, qui n'est pas sur la même île puisqu'il se trouve à Grande-Terre. Elle nécessiterait donc une mobilisation permanente des forces de l'ordre pour accompagner les retenus tout comme du personnel de préfecture chargé d'assurer le lien avec le greffe du JLD.

Mais je n'arrête pas là ce scénario potentiellement catastrophique. L'application de cette mesure aurait des effets immédiats sur le maintien de l'ordre et la sécurité. Devant la masse de saisines à traiter, le personnel administratif et les JLD mahorais, déjà très fortement sollicités, ne pourraient plus se consacrer à leurs missions. Garder cette mesure – qui ne permettrait même pas de répondre à la question de l'afflux de migrants à Mayotte – , serait placer nous-mêmes la justice et la sécurité en condition d'embolie dans ce territoire. Nous ne pouvons pas l'accepter. Alors, laissons un instant de côté les postures idéologiques et soyons pragmatiques.

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