Intervention de Muriel Pénicaud

Séance en hémicycle du jeudi 20 décembre 2018 à 21h30
Mesures d'urgence économiques et sociales — Article 2

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Je considère que le nombre des orateurs est un signe de l'importance du sujet dont nous traitons. Il est vrai qu'il s'agit d'un sujet important.

Aujourd'hui, 9 millions de salariés du secteur public et du secteur privé font des heures supplémentaires. Au total, 47 % des salariés à temps plein sont concernés ; 38 % des salariés à temps partiel le sont aussi, grâce au mécanisme similaire des heures complémentaires. Si l'on s'en tient aux travailleurs les plus modestes, qui sont au coeur de nos débats de ce soir sur le projet de loi portant mesures d'urgence économiques et sociales, il faut rappeler que 66 % des ouvriers et 46 % des employés ont recours aux heures supplémentaires. Nous parlons donc bien de la France qui travaille et des travailleurs modestes : nous sommes au coeur du sujet.

Cette question ne sort pas de nulle part : comme vous le savez, et comme certains l'ont rappelé, l'exonération de charges sociales salariales sur les heures supplémentaires était déjà prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Compte tenu des circonstances, pour répondre à l'urgence, nous proposons simplement d'anticiper l'entrée en vigueur de cette exonération, qui était fixée au 1er septembre 2019 : elle aura lieu dès le 1er janvier. Nous proposons par ailleurs d'exonérer les heures supplémentaires d'impôt sur le revenu, mesure qui ne figurait pas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Pour un salarié gagnant 1 500 euros net par mois, qui fait entre deux heures et deux heures et demie par semaine d'heures supplémentaires, soit la durée moyenne constatée, le bénéfice net des exonérations de charges sociales et d'impôt sur le revenu sera de 500 euros.

Pourquoi ne pas exonérer aussi ces heures supplémentaires de la CSG et de la CRDS ? La principale raison tient au fait que la CSG est en grande partie déductible de l'impôt sur le revenu : la CSG déductible représente 6,8 points sur un total de 9,2. Si l'on exonère de CSG, l'impôt sur le revenu augmente donc automatiquement. Cet effet mécanique inévitable serait très difficile à comprendre pour les personnes concernées.

Je rappelle, par ailleurs, que la CSG et la CRDS ont été créées afin de diversifier le financement de la protection sociale, en l'élargissant au-delà des seuls revenus du travail. Ces prélèvements n'ont donc pas vocation, chacun peut le comprendre, à faire l'objet d'exonérations pérennes.

En ce qui concerne les cotisations patronales, il faut prendre en compte plusieurs éléments. Un dispositif similaire a existé il y a plusieurs années : nous disposons d'analyses sur ses effets positifs et négatifs. Avec le recul, on constate que la déduction forfaitaire pour tous les employeurs prévue par la loi TEPA n'a pas eu d'effet significatif sur le nombre d'heures supplémentaires. Du point de vue de l'employeur, le recours aux heures supplémentaires dépend de la conjoncture bien plus que des incitations sociales.

Depuis cette époque, plusieurs choses ont changé. Premièrement, les ordonnances pour le renforcement du dialogue social permettent de négocier beaucoup plus largement le temps de travail dans l'entreprise. Deuxièmement, les cotisations patronales seront supprimées l'année prochaine pour les salaires équivalant au SMIC, et de façon dégressive jusqu'à 1,6 SMIC. Il y a donc déjà très peu, voire pas du tout, de charges sociales patronales sur les salaires que nous ciblons.

Enfin, je rappelle qu'il existe déjà, pour les entreprises de moins de vingt salariés, une déduction forfaitaire de 1,50 euro par heure supplémentaire travaillée – cela a d'ailleurs été évoqué. Nous maintiendrons évidemment cette déduction. Il y a donc déjà une aide aux petites entreprises pour les heures supplémentaires.

Pour conclure, je citerai un seul chiffre : 47 % des salariés, en grande partie des salariés modestes, attendent votre décision, attendent votre vote.

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