Intervention de Michel Larive

Séance en hémicycle du lundi 10 décembre 2018 à 16h00
Préparation au retrait du royaume-uni de l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

C'est dans l'urgence d'un processus non anticipé que se dénouera ces prochains mois le sort de millions de citoyens, qu'ils soient britanniques ou qu'ils appartiennent aux autres pays de l'Union européenne. L'impréparation française est flagrante. C'était pourtant là pour la représentation nationale l'occasion de tenir un vrai débat sur des sujets qui structurent la politique de la nation : le Brexit pose la question des frontières, de la douane, de l'évolution des normes sanitaires et techniques, du statut des personnes étrangères, des zones de libre-échange et d'union douanière… Le Parlement français aurait dû disposer du temps adéquat pour les débats de fond qu'impose un tel bouleversement au sein de l'Union européenne. Cela n'est pas le cas, puisque le Gouvernement et la majorité actuelle ont choisi de recourir aux ordonnances.

La sphère lobbyiste, elle, a disposé du temps qu'elle souhaitait pour une consultation de fond qui préservera, ou plutôt augmentera, les privilèges dont elle dispose.

Dans le cadre des négociations du futur accord régissant les relations commerciales entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, il faut veiller à ce que les intérêts français ne se soumettent pas à ceux des multinationales. Certaines propositions entraîneraient un affaiblissement des régulations et l'introduction de nouveaux droits pour les multinationales, comme l'instauration de « tribunaux spéciaux » permettant aux banques de poursuivre par exemple des gouvernements qui adopteraient des règles jugées inéquitables par le secteur financier, telle l'instauration d'une taxe sur les transactions financières.

Nous préférons promouvoir l'application d'une taxe financière qui préserverait les intérêts économiques de la France en taxant les opérateurs britanniques une fois le Brexit devenu effectif. Cette taxe s'inspirerait du stamp duty britannique, un droit de timbre exigé sur les transactions en actions, qui date de 1986. S'élevant à 0,5 % du montant de la transaction, celui-ci rapportait au Trésor britannique 3 milliards de livres, soit 3,6 milliards d'euros, en 2001.

Nous aurions pu développer une réflexion approfondie sur les enjeux d'une nouvelle relation à venir. Il aurait été fondamental de redéfinir le cadre social et écologique des échanges économiques et marchands entre la France et la Grande-Bretagne.

Prenons la directive portant sur le détachement des travailleurs, qu'il s'agisse de sa version originale de 1996 ou des modifications apportées en 2018 : c'est un instrument de dumping social, au détriment de l'intérêt commun des travailleurs et des travailleuses, ainsi que des États, aux normes sociales les plus protectrices. Mais le détachement existe en dehors du droit de l'Union européenne, dans le cadre d'accords internationaux. Nous pouvons, si nous le souhaitons, garantir qu'en sortant du cadre de l'Union européenne, la France et la Grande-Bretagne ne poursuivront pas vers un accord similaire en matière de travail détaché, mais que le Gouvernement réglera la question en vertu du principe classique de droit international lex loci laboris.

Le Brexit impose à la France la reconstitution de sa douane aux frontières avec le Royaume-Uni. Or, depuis des années, les syndicats de douaniers alertent le Gouvernement quant aux effets néfastes des suppressions de postes dans la douane française. Aujourd'hui 0,3 % des containers sont contrôlés à Calais et 0,5 % au Havre. Les annonces ministérielles en la matière vont dans le bon sens : qu'elles soient donc inscrites dans cette loi et leurs incidences répercutées dans le projet de loi de finances pour 2019.

Ajoutons la nécessité d'engager des agents en quantité suffisante pour veiller aux contrôles vétérinaires et phytosanitaires. C'est ici que l'incapacité du ministre de l'agriculture à répondre quantitativement sur les besoins en la matière nous éclaire sur le degré d'improvisation de ce texte.

Avant le vote du Brexit, Emmanuel Macron, alors ministre du gouvernement du président Hollande, avait averti que si le Royaume-Uni sortait de l'Union européenne, « les migrants ne seraient plus à Calais ». Les accords du Touquet, entrés en vigueur le 1er février 2004, qui établissent la frontière entre la France et la Grande-Bretagne à Calais, doivent être renégociés. Le département du Pas-de-Calais n'a pas vocation à jouer les gardes-frontières du Royaume-Uni. Il est urgent qu'une concertation sérieuse avec les acteurs et actrices de terrain soit menée afin d'envisager concrètement une voie de migration légale vers la Grande-Bretagne. Nous appelons de nos voeux la création d'un bureau d'asile commun à Calais, comme le suggèrent le Forum des réfugiés et France terre d'asile.

Grâce à votre grande perspicacité et aux compétences réunies dans cet hémicycle, mettons à profit les quelques heures qui nous restent pour nous assurer que le texte qui sera proposé au vote soit respectueux des peuples concernés, de l'humanisme que nous devons aux plus faibles, et aux exilés et de la préservation de notre planète.

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