Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du lundi 10 décembre 2018 à 16h00
Préparation au retrait du royaume-uni de l'union européenne — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

Je ne fais que soulever les problèmes qui nous sont posés, voilà tout !

J'aborde à présent la question des frontières. Comme vous le savez, c'est elle qui fait actuellement obstacle à ce que l'on appelle un accord : la frontière entre les deux Irlandes. Il n'existe pas de frontière naturelle. C'est une invention, du cardinal de Richelieu pour ce qui nous concerne : on voit le Rhin, on voit les Pyrénées, et l'on se figure qu'il y a des frontières naturelles… Il n'y en a pas : les êtres humains ont toujours franchi tous les obstacles ! Seules existent les frontières que l'on se donne, et que confirment l'histoire, les moeurs et les échanges.

Voilà la raison pour laquelle je reviens sur l'idée d'une nécessaire conférence des frontières en Europe. Si je l'évoque aujourd'hui, c'est parce que cette question nous revient en pleine figure. Ce n'est pas un problème commercial, ce n'est pas un problème fiscal qui est posé entre l'Irlande du Nord et l'Irlande du Sud : c'est la question de savoir comment des peuples peuvent vivre ensemble, et comment des frontières peuvent les en empêcher ou pas. Cette question des frontières resurgira en bien des régions de l'Europe qui paraissent aujourd'hui, à l'observateur superficiel, extrêmement stables.

J'achève. Le Brexit montre aux Français à quel point le Frexit serait une erreur. On ne peut avoir comme ligne politique l'entrée ou la sortie. Pour nous autres Français, sans lesquels il n'y a pas d'Europe, pour nous autres Français, qui sommes la deuxième puissance économique du continent, qui sommes des Latins, comme le sont les citoyens de la troisième puissance économique du continent, les Italiens, et ceux de la quatrième, les Espagnols ; pour nous, donc, la situation est telle que le dilemme ne doit pas être entre rester et subir l'ordolibéralisme et la politique des gouvernements allemands, ou partir : il nous faut reformater, refondre, tout changer de fond en comble, pour que l'Europe puisse continuer, pour que les relations pacifiques entre les peuples d'Europe puissent continuer alors que ce à quoi nous assistons, du fait de la politique menée, est la dégradation des relations entre les peuples.

Avoir mis les individus en compétition les uns avec les autres, du matin au soir, par des règlements absurdes et antisociaux, nous a conduits progressivement à mettre les peuples eux-mêmes en compétition, au point que certains ont décidé de s'en aller.

Je ne veux pas pour ma patrie d'un tel choix. Je ne veux pas d'Europe allemande. Je continue à préférer l'Europe à la française : celle des droits sociaux universels, partagés par tous les peuples parlant une langue universelle. Santé, médecine, éducation, échanges : voilà cette langue universelle, qui est résumée dans la devise de la patrie « Liberté, égalité, fraternité ». Cela n'a rien à voir avec le Volksgeist dans lequel nous nous épuisons à chercher des raisons d'être Européens, alors que nous ne les trouverons que dans l'unité des droits sociaux, dans l'égalité et dans la fraternité.

Ce que nous avons vu avec le Brexit, c'est l'échec de l'esprit de l'universalisme qui devrait nous caractériser, si cette Europe était davantage à la française plutôt qu'à l'allemande.

Je sais que mes adjectifs peuvent choquer l'un ou l'autre d'entre vous. Je voudrais d'avance balayer l'accusation récurrente de germanophobie. Je préciserai encore, comme je l'ai déjà fait, que ce que je mets en cause, ce sont les gouvernements CDU-CSU, la démocratie chrétienne allemande, la dictature de la Bavière et de quelques provinces allemandes qui imposent un rythme, une forme et une ligne politique à toute l'Europe.

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