Intervention de Josiane Corneloup

Séance en hémicycle du jeudi 6 décembre 2018 à 21h30
Fonds spécifique destiné à la recherche oncologique pédiatrique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJosiane Corneloup :

Nous voici encore réunis sur les bancs de l'Assemblée pour chercher quelles améliorations apporter à la recherche contre les cancers pédiatriques. Il s'agit en l'occurrence de la création d'un fonds dédié et de son fonctionnement.

Compléter de façon substantielle les crédits alloués à la recherche pour lutter contre les cancers pédiatriques répond aux ambitions de chacun d'entre nous. Depuis longtemps, le groupe Les Républicains se mobilise à ce sujet. C'est Jacques Chirac qui avait initié, en 2003, le premier plan cancer, et Nicolas Sarkozy a poursuivi son oeuvre.

La question des cancers pédiatriques occupe une place singulière dans le champ de la maladie. Un enfant sur 440 développe un cancer avant l'âge de quinze ans. Chaque année, 2 500 à 3 500 familles sont touchées par ce terrible diagnostic, et l'on déplore 400 à 500 décès par an.

Les cancers de l'enfant sont rares : ils représentent 1 à 2 % de l'ensemble des cancers. Les leucémies, les cancers du système nerveux central et les lymphomes sont les principales pathologies cancéreuses rencontrées chez les moins de quinze ans.

Bien qu'il existe plus de soixante types de cancers pédiatriques, la recherche reste essentiellement axée sur les cancers des adultes. Or les tumeurs malignes détectées chez les enfants ne sont pas de même nature que celles des adultes, et ne sont pas sensibles aux mêmes traitements. Il va est de même pour la prise en charge, qui doit être adaptée aux jeunes, voire très jeunes patients.

Le défi exige des bonnes volontés mais aussi des moyens financiers importants. Si les associations, souvent créées par les parents, soutiennent quelques projets de recherche, elles n'ont pas les moyens de se substituer à l'État, ce qui du reste n'est pas leur rôle.

Lors de l'examen du PLFSS pour 2019, la mobilisation des députés du groupe Les Républicains a été décisive. Notre collègue Éric Woerth, dont je souligne la pugnacité, a déposé et fait adopter en commission des finances un amendement tendant à accroître de 18 millions d'euros le budget dédié à la recherche contre les cancers pédiatriques. Le Gouvernement a alors évolué sur sa position et Mme la ministre de la recherche a présenté en séance publique un amendement proposant une augmentation de 5 millions d'euros, associée à un meilleur fléchage des crédits entre la recherche fondamentale et la recherche ciblée sur le cancer pédiatrique.

Bien que ce montant soit en deçà des 18 millions d'euros demandés, nous nous réjouissons de ce progrès. Mais, si cette somme est un premier pas, elle semble bien sûr insuffisante face aux enjeux. Selon les familles et les associations, 15 millions à 20 millions d'euros de financements s'avèrent nécessaires. Au regard de la nécessaire compréhension originelle des cancers et de l'appréhension de leurs spécificités, les 3,2 millions d'euros consacrés par l'INCa à la recherche fondamentale et ciblée – soit 3 % de son budget annuel – restent insuffisants. Aussi le groupe Les Républicains reconnaît-il la nécessité d'augmenter les moyens dédiés à la recherche.

Toutefois, l'article propose la création d'un fonds spécifique, abondé d'au moins 20 millions d'euros par an, destiné à la recherche des cancers pédiatriques, et la création, si besoin, d'une taxe sur les bénéfices de vente des médicaments pharmaceutiques afin de financer la recherche oncologique pédiatrique. Or la création d'un fonds dédié ne pourrait que complexifier la gestion des financements. Appuyer son abondement sur une taxe prélevée au détriment des laboratoires pharmaceutiques risquerait en outre d'être contre-productif. Cette industrie participe déjà à la recherche et au développement des médicaments ; la taxer semble peu raisonnable et risque d'ajouter de la tension là où s'imposerait plutôt la concertation. Les arguments de Mme la ministre, qui s'est opposée à ces dispositions, ont emporté notre adhésion.

En ce qui concerne le financement de la recherche, à l'issue des débats sur la proposition de loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques, le groupe Les Républicains a aisément admis que la connexion entre les agences sanitaires et les laboratoires pharmaceutiques exposerait les travaux de l'INCa à la suspicion des divers observateurs. Il nous revient au contraire de veiller à l'indépendance des agences sanitaires pour éviter qu'on ne remette en cause la pertinence d'un traitement en matière de cancer pédiatrique, lorsque l'INCa recommandera un médicament pour la bonne pratique.

En ce qui concerne l'amélioration du niveau des connaissances, nous rejoignons également Mme la ministre lorsqu'elle affirme que deux problèmes réfutent la pertinence d'une taxe.

En premier lieu, nous manquons de médicaments pour les enfants en raison des choix de l'industrie pharmaceutique, qui préfère développer les médicaments pour les adultes, source de davantage de profit. Il existe bien un règlement pédiatrique européen obligeant les industriels à doubler leur plan de développement de médicaments pédiatriques, mais trop de dérogations sont accordées ; la France demande la révision de ce règlement, afin de le rendre plus contraignant. De ce fait, nous convenons que taxer ne favorisera pas le développement des médicaments. Pour cela, nous avons besoin des industriels. C'est le règlement pédiatrique européen qui permettra de les contraindre.

En deuxième lieu, sur certains cancers, la recherche n'enregistre aucune avancée depuis vingt ans. Pour deux ou trois d'entre eux, elle se trouve dans une impasse, interprétée par les scientifiques internationaux comme un problème conceptuel. Ces cancers sont pourtant décryptés – les facteurs génétiques et les mécanismes de développement sont connus – mais les chercheurs observent que poursuivre leur étude ne débouchera pas sur un traitement. Nous avons compris l'intérêt d'exploiter d'autres pistes, notamment de travailler sur le développement des tissus ou l'immunologie fondamentale et de multiplier les rencontres dans tous les domaines, comme le fait l'INCa, avec des mathématiciens et des chercheurs en sciences humaines, sociales et environnementales. Mais cela suppose un changement de paradigme. Si, à ce stade, on dédiait un fonds supplémentaire aux cancers pédiatriques, ce serait au bénéfice de quelques équipes de recherche confrontées à une situation de blocage. Or ce n'est pas l'argent qui leur manque, mais des idées, lesquelles viendront d'ailleurs. Pour preuve, les grands traitements en cancérologie pédiatrique, notamment les CAR-T cells, sont issus de la génétique, de la thérapie cellulaire et de l'immunologie fondamentale : ils n'ont pas été découverts par les chercheurs qui étudient les leucémies chez l'enfant.

Autrement dit, Mme la ministre nous a convaincus en affirmant : « La taxe dédiée serait donc une erreur conceptuelle : faire croire que l'on fera mieux grâce à elle reviendrait à une erreur fondamentale de raisonnement. »

Pour ces raisons, le groupe Les Républicains s'abstiendra sur le vote de cette proposition de résolution.

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