Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du jeudi 6 décembre 2018 à 21h30
Fonds spécifique destiné à la recherche oncologique pédiatrique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

La question des cancers pédiatriques est grave et douloureuse. Il n'y a pas de mots pour décrire cette maladie qui surgit sans prévenir et plonge dans le désarroi des familles entières.

J'ai eu l'occasion de travailler avec des enfants touchés par la maladie. Ils nous en apprennent plus sur la vie que quiconque. Vous me permettrez cet aparté : pendant cette période, j'avais rencontré Louane qui fête ses dix-huit ans ce soir et qui est en rémission ; j'aimerais lui dédier ce discours.

Environ 1 750 nouveaux cas de cancers sont recensés chez des enfants de moins de quinze ans chaque année, et 800 chez les adolescents de quinze à dix-neuf ans. Depuis les années soixante-dix, le nombre de cas augmente constamment. La chimiothérapie et la radiothérapie ne suffisent plus. Depuis quelques années, les thérapies s'essoufflent et le nombre d'enfants qui décèdent ne diminue presque pas. Pour certains cancers pédiatriques, nous ne disposons tout simplement pas de thérapie, comme pour les cancers du tronc cérébral.

Deuxième cause de mortalité chez les enfants et première cause de décès par maladie, le cancer pédiatrique est un fléau. On l'a dit, les thérapies étant très lourdes, les séquelles sont elles aussi nombreuses : surdité, stérilité, défaut de croissance, atteinte cérébrale. En outre, le risque de développer un nouveau cancer est accru.

Je remercie vivement Jean-Christophe Lagarde pour son travail sur le cancer pédiatrique et pour cette résolution qu'il soumet à notre examen. Ces dernières semaines, sur tous les bancs de l'hémicycle, des voix se sont élevées pour demander un abondement des fonds dédiés à l'oncologie pédiatrique. Les discussions ont été longues, de nombreux échanges ont eu lieu, et nous connaissons désormais tous la situation. Les 5 millions d'euros votés dans le projet de loi de finances sont malheureusement insuffisants. Y compris dans la majorité, des députés avertis reconnaissent que 5 millions, c'est très peu. Cette somme suffirait tout juste à aider les parents à mieux s'organiser ou à soutenir le travail des associations, mais elle ne boostera en aucun cas la recherche. Il faudrait bien plus.

L'approche curative est insuffisante, mais inévitable. S'il faut agir sur les très nombreuses causes des cancers pédiatriques, qui peuvent être liées à la grossesse, à l'environnement dans lequel a grandi l'enfant, à ses gènes ou que sais-je encore, il faut aussi concentrer nos efforts sur la guérison des enfants et sur l'amélioration des thérapies existantes. Or les thérapies actuelles ne progressent plus et le nombre de cancers pédiatriques augmente.

La proposition de loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l'oubli a suscité énormément d'espoir. Malheureusement, la mesure la plus attendue – le droit à l'oubli – a été rejetée. Il s'agissait pourtant d'une promesse présidentielle. Le droit à l'oubli devait être institué pour toutes les personnes souffrant du cancer, de l'hépatite C et d'autres maladies. Du fait du renoncement de la majorité, ce sont des dizaines d'enfants ayant été victimes d'un cancer qui se verront refuser des prêts bancaires et des tarifs d'assurance à un prix raisonnable durant leur jeunesse.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, affirme que des négociations sont en cours. Je ne cache pas ma frustration : chaque fois qu'il s'agit des banques et des assurances, les choses patinent.

Revenons-en au financement de l'oncologie pédiatrique. Lorsque nous avons examiné la proposition de loi du MODEM, défendue par Mme Nathalie Elimas, dont je tiens à saluer le travail, tous les amendements tendant à soutenir la recherche par des financements provenant de l'industrie pharmaceutique ont été rejetés. Ils étaient pourtant tous intéressants : ils prenaient acte du fait que les industriels refusent d'investir dans l'oncologie pédiatrique, faute de rentabilité, et prévoyaient un rééquilibrage. Le bénéfice net de Sanofi est d'environ 8 milliards d'euros, et nous ne sommes pas capables de trouver la somme modique de 20 millions d'euros ! Cette situation est invraisemblable et révélatrice d'un manque de courage politique très préoccupant. La proposition de loi du MODEM s'est donc limitée à des transformations organisationnelles au sein de l'Institut national du cancer.

Heureusement, mes chers collègues, le débat n'est pas clos. La rapporteure du texte, Mme Nathalie Elimas, a reconnu qu'elle était favorable, à titre personnel, à un abondement en faveur de l'oncologie pédiatrique. La présente proposition de résolution était donc attendue sur de nombreux bancs. Elle représente une véritable chance pour la majorité puisqu'elle lui laisse le loisir de procéder comme elle l'entend pour faire en sorte que l'oncologie pédiatrique soit amplement soutenue.

Subitement soucieuse de ne pas mêler intérêts publics et privés, Mme Agnès Buzyn s'est inquiétée du fait qu'une taxe sur l'industrie pharmaceutique alimente les fonds de l'Institut national du cancer. Pourtant, dans ce cas précis, les craintes sont peu fondées puisqu'une taxe n'oblige en rien les pouvoirs publics ; ce n'est pas un appel aux dons.

Quoi qu'il en soit, ce projet de résolution devrait tous nous satisfaire puisqu'il laisse au Gouvernement une totale liberté quant au mode d'application. Intelligemment écrit, il énonce que l'Assemblée propose de créer si besoin, et seulement si besoin, une taxe sur le chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques.

J'entends les arguments selon lesquels la recherche sur l'oncologie pédiatrique représente déjà 11 % de la recherche menée par l'Institut national du cancer, mais les cancers pédiatriques, faut-il le rappeler, sont très spécifiques : liés au développement de l'enfant, ils n'ont rien à voir avec ceux des adultes.

J'entends aussi les arguments selon lesquels la recherche sur l'oncologie pédiatrique ne peut pas faire l'objet d'un financement fléché car les découvertes proviendront peut-être de la recherche fondamentale ou d'autres champs de recherche. C'est précisément l'intérêt d'un financement supplémentaire : monter des équipes transversales, transdisciplinaires, avec des chercheurs venant de différents horizons, travaillant en partenariat avec d'autres pays européens.

Mes chers collègues, après les nombreux débats que nous avons tenus sur le sujet, vous connaissez les enjeux. Ce vote est décisif. Je ne désespère pas de vous convaincre et j'espère que ce texte fera l'unanimité.

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