Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du mardi 27 novembre 2018 à 21h45
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Article 29 quinquies

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

Certes, mais je vous fais cette remarque gentiment, sans crier ni menacer.

Dans cette même structure d'urgences, on peut évaluer entre 30 % et 40 % la part des patients qui y sont admis alors que leur état de santé ne le justifie pas – la meilleure preuve étant qu'ils en sortiront sans se voir prescrire des examens complémentaires ni diagnostiquer une maladie grave. C'est bien à eux que cette expérimentation s'adresse, d'autant qu'ils sont amenés à attendre longtemps. J'ai assuré des gardes aux urgences, et nous avons parmi nous un urgentiste qui peut en témoigner : quand une personne se présente avec un petit problème de santé alors que le service est déjà saturé et doit s'occuper de malades plus gravement atteints, on n'hésite pas à lui annoncer qu'elle devra attendre quatre ou cinq heures. Certains repartent immédiatement, d'autres préfèrent attendre.

L'idée est donc de développer des structures de soins ambulatoires non programmés afin de traiter les malades venus consulter dans les services d'urgences mais qui ne relèvent pas des plateaux techniques hospitaliers. Or ces structures existent déjà dans certains endroits. Je citerai à nouveau, parce que la répétition ne fait pas forcément de mal, l'exemple de Poissy, dont je me suis inspiré pour faire cette proposition dans un rapport que j'avais remis, à l'époque, à Marisol Touraine, qui l'avait retenue.

L'hôpital de Poissy enregistre chaque année 23 000 passages dans son service d'urgences pédiatriques. Ses équipes ont décidé de faire appel à des médecins généralistes et à des pédiatres libéraux, lesquels sont venus ouvrir, au sein même de l'hôpital, une maison de santé capable de recevoir 3 000 enfants par an, dix par jour. Ce sont autant d'enfants de moins qui n'ont plus besoin de franchir la porte des urgences. Vous imaginez dans quelle mesure cela a permis de soulager le travail des équipes. En outre, cette expérience a permis de réduire les délais de prise en charge pour l'ensemble des enfants, qu'ils soient ou non admis aux urgences.

Seulement que s'est-il passé ? L'assurance-maladie a considéré que, puisque ces enfants étaient traités en maison de santé, et non aux urgences, elle n'allait pas rémunérer celles-ci pour un travail qui n'avait pas été effectué. Elle a donc décidé, selon une logique implacable soulignée par plusieurs orateurs – et c'est bien ce qui justifie le côté iconoclaste de la proposition – , de payer l'activité des médecins libéraux, et non celle des urgences.

Le problème est que si le service d'urgences pédiatriques de l'hôpital de Poissy a 3 000 enfants de moins à soigner par an, il lui en reste toujours 20 000 à accueillir. Certes, ces 3 000 enfants ne connaissent pas de sérieux problèmes de santé, mais ce n'est pas une raison pour réduire le personnel tant infirmier que médical ! L'hôpital a donc enregistré une perte sèche de 300 000 ou 400 000 euros – je ne se sais plus exactement combien ; il est très tard. Et les responsables se sont dit : « C'est dommage, parce que les enfants étaient mieux pris en charge, mais notre service d'urgences ne peut se permettre de supporter une telle perte d'argent. »

Si vous n'aimez pas le mot « réorientation », voyez ce forfait comme un forfait de compensation visant à donner aux établissements concernés la capacité de mieux organiser leurs soins en interne.

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