Intervention de Clémentine Autain

Séance en hémicycle du mercredi 14 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Action extérieure de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain :

... et qui n'est qu'un minimum : on peut aller plus loin ; nous préconisons pour notre part 0,9 % – je vous remercie, monsieur le ministre, de me donner l'occasion de le dire. Pour choisir des exemples chez ceux que le Gouvernement se plaît d'ordinaire à prendre pour modèle, le taux est de 0,66 % en Allemagne et de 0,7 % en Grande-Bretagne. Le président Macron s'était engagé sur ce point, mais le budget que nous avons sous les yeux ne permettra pas d'atteindre l'objectif, car l'augmentation annoncée de 130 millions d'euros n'est pas du tout à la mesure des promesses faites par le Gouvernement. L'OCDE estime en effet qu'il nous faudrait débloquer 1 milliard d'euros par an pour atteindre le taux promis de 0,55 % du RNB ; on est donc loin du compte.

Signe de la démission de notre gouvernement, la taxe sur les transactions financières, la fameuse TTF, affectée jusqu'à présent à l'aide publique au développement à hauteur de 50 %, ne l'est désormais plus qu'à hauteur de 32 %. Cette taxe, créée en 2012 afin d'aider les pays pauvres, devait pourtant leur garantir des ressources prévisibles et protégées des ciseaux de Bercy.

La comptabilité devant s'incarner, je vais prendre un exemple concret. La taxe sur les transactions financières fait de nous le second contributeur au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Ce fonds a sauvé plus de 20 millions de vies depuis sa création. Or, désormais, la TTF se trouve en majeure partie détournée et versée au budget général de l'État. Nous nous opposons fermement à la récupération de ce financement et appelons d'urgence à le sanctuariser et même à l'augmenter.

Je ne vous apprends rien, chers collègues : on observe, ces dernières années, une montée en puissance de certaines institutions qui font de l'aide au développement un nouveau marché à conquérir à coups d'investissements et de montages financiers de plus en plus opaques. Je prendrai l'exemple de Proparco, filiale de l'AFD dédiée au secteur privé, régulièrement montrée du doigt par les ONG pour les sommes qu'elle investit dans les paradis fiscaux. Pire encore : 46 % de ses financements sont consacrés au renforcement des institutions financières et des marchés financiers, contre seulement 6 % à la santé et à l'éducation. J'aimerais pouvoir dire que ces dérives sont circonscrites au secteur privé mais elles irriguent désormais l'ensemble de nos dispositifs. D'où ma question : allons-nous vers une privatisation de l'aide publique au développement ? Je vous laisse apprécier l'oxymore… L'aide publique ne peut pas, ne doit pas être privatisée.

Je ne vous ferai pas un inventaire à la Prévert, énumérant toutes les défaillances de notre politique de développement : détournement de l'aide à des fins sécuritaires, multiplication de contrats qui préfigurent un retour à l'aide avec contrepartie... La liste est longue mais l'enjeu immense. À l'heure où nous apprenons qu'aucun pays de l'Union européenne n'a pris les dispositions nécessaires pour respecter l'Accord de Paris alors que nous voyons la résurgence d'un repli autoritaire et réactionnaire un peu partout dans le monde, l'aide au développement doit devenir cet outil au service de la transition écologique et sociale que nous appelons de nos voeux.

Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi de dire un mot sur l'actualité internationale. Le président Macron a condamné aujourd'hui les tirs de roquettes du Hamas sur Israël. Pourtant, depuis le 30 mars, de jeunes Palestiniens manifestent à Gaza chaque vendredi, et l'armée israélienne leur tire dessus.

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