Intervention de Bérengère Poletti

Séance en hémicycle du mercredi 14 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Action extérieure de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBérengère Poletti :

À elles deux, elles représentent 5,6 milliards d'euros et contribuent, ensemble, à la puissance diplomatique et à l'influence de la France. C'est dire l'importance qu'elles revêtent, en ce qu'elles sont des instruments majeurs de la politique de rayonnement de notre pays, instruments qui nous donnent une capacité d'action concrète, sur le terrain, au service de nos objectifs, mais aussi bien au-delà, pour l'APD, avec la protection de biens communs que sont l'éducation, la santé, l'égalité femmes-hommes ou encore le climat.

En 2019, quarante-deux programmes du budget de l'État concourent à notre action extérieure, hors aide au développement, dont quatre ressortissent au ministère de l'Europe et des affaires étrangères – MEAE – , à hauteur de près de 3 milliards d'euros en crédits de paiement.

Avec 163 ambassades, la France, troisième réseau diplomatique au monde, s'implique fortement, et elle dispose d'un large réseau consulaire. Le réseau culturel se compose d'instituts français et d'alliances françaises, ainsi que d'un réseau, unique au monde, d'enseignement du français, véritable levier pour l'influence et la diffusion de la culture et de la langue françaises. Reste que la baisse – même mécanique – des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » en 2019 contribuera une fois encore, et dans des proportions sensibles, à l'effort de réduction des déficits.

Si je partage la volonté de maîtriser les dépenses publiques, je tiens à souligner que le budget du MEAE ne peut continuer de diminuer inconsidérément, car le risque, à terme, est d'affaiblir notre réseau et sa qualité. Ce ministère consent à lui seul 8 % de l'effort de réduction budgétaire, alors qu'il n'emploie que 0,5 % des effectifs de l'État. Face à ces réalités, et tout en poursuivant les nécessaires réformes structurelles de modernisation, nous devons repenser notre stratégie diplomatique et mener une réflexion sur nos priorités. Aux Pays-Bas, par exemple, les efforts budgétaires consécutifs à la crise de 2008 se sont traduits par une diminution des moyens alloués au réseau diplomatique, elle-même à l'origine d'une reconsidération des pays prioritaires pour l'installation des ambassades et des priorités politiques. Ne baissons pas, de façon aveugle, les moyens de tout le monde alors que notre diplomatie se trouve déjà en souffrance !

Comme je l'ai dit en commission, je propose également des économies d'échelle via la mutualisation des services dans les pays où l'AFD est présente. Les ambassades, qui se plaignent à juste titre de ne plus disposer du niveau d'expertise permettant au pays d'être influent et écouté, pourraient ainsi retrouver des moyens, donc de l'influence au service de la France.

J'en viens à la mission « Aide publique au développement », m'appuyant sur le rapport que j'ai publié sur ce thème avec mon collègue Rodrigue Kokouendo, mais aussi sur le rapport budgétaire d'Hubert Julien-Laferriere et le rapport d'Hervé Berville. Après des années de baisse, le président Macron s'est engagé à porter le budget de l'APD à 0,55 % du revenu national brut en 2022, contre 0,43 % en 2017 et même 0,38 en 2016 !

Après avoir longtemps été le deuxième pays donateur au regard de la part du RNB consacrée à l'APD, la France se classe aujourd'hui douzième, alors qu'elle est la septième puissance mondiale. Elle est en effet l'un des pays européens où cette aide est la plus faible, quand elle atteint pour le Royaume-Uni, par exemple, 0,7 %, et ce sur une courte durée – preuve que la chose est possible. L'Allemagne a également consenti des efforts importants, même si l'on peut discuter de leur contenu et d'artifices comptables tels que la prise en compte des demandeurs d'asile.

La traduction budgétaire de l'objectif affiché nous interroge. Je doute de son réalisme et de sa cohérence, car un taux de 0,55 % suppose une augmentation budgétaire de 6 milliards d'euros sur l'ensemble du quinquennat. Pour respecter cette promesse, il aurait ainsi fallu, cette année, augmenter les crédits de l'APD de 1,5 milliard d'euros en autorisations d'engagement. In fine, la hausse de l'enveloppe dévolue à la mission n'atteindra, en 2019, que 130 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui est bien, mais encore insuffisant.

En dehors des aspects comptables, c'est l'ensemble de l'organisation de l'aide française au développement qu'il faut réformer : rééquilibrer le bilatéral et le multilatéral, augmenter les aides directes, développer les partenariats avec les ONG, assurer une meilleure transparence et un meilleur contrôle de ces politiques.

Un projet de loi d'orientation et de programmation nous permettra bientôt de débattre de l'utilité, sur laquelle nous sommes unanimement d'accord, d'une telle réforme. Je déclinerai pour ma part les propositions formulées dans mon rapport, avec le souci, que nous partageons tous, de garantir la transparence, la lisibilité des politiques et le fait que l'on n'alimente pas les réseaux de corruption.

Le rôle du contrôle et de l'évaluation des politiques du Gouvernement par le Parlement devra être réaffirmé. Il semble par exemple aberrant que le contrat d'objectifs et de moyens – COM – de l'AFD ait été examiné ce matin en commission, alors qu'il porte sur les années 2017, 2018 et 2019 et que nous attendons un projet de loi de programmation.

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