Intervention de Christophe Bouillon

Séance en hémicycle du mardi 3 octobre 2017 à 21h30
Fin de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bouillon :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous ne le savons que trop, le changement climatique n'est ni une chimère ni une idéologie : c'est une réalité qui s'impose à nous, n'en déplaise à ceux, outre-Atlantique mais aussi sur ces bancs, qui voudraient l'ignorer. L'urgence, c'est maintenant.

Je voudrais, à mon tour, saluer le travail effectué, notamment au sein de la commission du développement durable, sur ce texte ambitieux – un texte qui vient de loin et qui ira loin. Comme l'a rappelé à plusieurs reprises ma collègue Delphine Batho, il est faux de laisser entendre que le projet n'engage pas à grand-chose sous prétexte que la production française reste très modeste avec ses 63 gisements, représentant 815 000 tonnes de pétrole.

Ce texte représente un nouveau signal fort qui confirme la place de notre pays au premier rang de la lutte contre le changement climatique. Il est également précurseur au niveau mondial : en le votant, la France deviendra le premier pays de la planète à interdire la recherche et l'exploitation des hydrocarbures sur son territoire. D'autres pays devront ensuite emboîter le pas et s'engager dans la poursuite de cet objectif. Telle est l'exemplarité française, déjà mise en oeuvre à la veille de la COP21, au moment du vote de la loi de transition énergétique.

Le projet de loi concorde avec les engagements français pris lors de la COP21 et avec les injonctions du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Il est, en effet, impératif de laisser sous terre 80 % des réserves de charbon et de pétrole pour espérer atteindre l'objectif fixé par l'accord de Paris : limiter à 2 degrés la hausse des températures.

Pour assurer davantage de cohérence, il conviendrait aussi d'inscrire la neutralité carbone parmi les objectifs de la politique énergétique de la nation et de faire explicitement référence à l'accord de Paris. Un amendement du groupe Nouvelle Gauche a été déposé en ce sens.

C'est enfin et surtout un projet de loi courageux. Il vient lever un certain nombre d'ambiguïtés et d'hésitations qui n'ont pas cessé, ces dernières années, de faire gonfler un stock important de demandes de permis d'extraction d'hydrocarbures, ainsi qu'un stock de contentieux souvent longs et très coûteux pour l'État. Sous la précédente majorité, la réforme du code minier, portée par Jean-Paul Chanteguet, avait lancé un mouvement encourageant concernant les titres d'exploitation. Celle-ci n'a pas abouti. Ce point d'arrêt regrettable met évidemment en lumière les ambiguïtés patentes de ce dossier. Le groupe Nouvelle Gauche votera ce texte dans un état d'esprit constructif et dépassant les polémiques naissantes.

Toujours dans ce même état d'esprit constructif, et sans remettre en cause l'équilibre global de ce texte, j'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que cette interdiction de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels d'ici à 2040 ne sera pas dénuée de conséquences économiques et sociales pour certains de nos territoires. Je parle ici des territoires qui comportent un tissu industriel pétrolier et parapétrolier important, source de milliers d'emplois.

Il serait judicieux, de mon point de vue, de préciser rapidement et de manière exhaustive le dispositif des contrats de transition écologique et solidaire, en apportant des garanties concrètes et sérieuses là où nous devrons faire face à l'arrêt irréversible de l'exploitation des hydrocarbures. Ce sont de véritables bassins d'emploi qui vont être touchés et qui devront muter. Nous devons les accompagner sérieusement durant toute cette période transitoire. Ce ne sont pas les salariés qui travaillent aujourd'hui dans ces filières qu'il faut incriminer, mais plutôt celles et ceux qui ne prennent pas leurs responsabilités et font comme si de rien n'était, comme si l'on pouvait continuer comme avant. Il faut plutôt accompagner le mouvement.

En parallèle, et dans le même sens, il serait aussi opportun, monsieur le ministre d'État, de profiter de ce contexte pour renforcer et développer encore davantage la formation liée à la transition énergétique, et ainsi donner un vrai coup de pouce aux emplois verts. On évoque souvent un potentiel qui oscille entre 1 et 1,5 million d'emplois, mais il faut faire de ces chiffres de papier des réalités de chair. Il faut dire quels sont ces emplois et ouvrir les voies qui y mènent. La loi de transition énergétique pour la croissance verte a lancé le mouvement ; tâchons aujourd'hui de l'accentuer et de créer des conditions favorables pour ce gisement d'emplois d'avenir.

L'échéance de 2040 paraît lointaine. En réalité, le temps joue contre nous en matière de changement climatique. Mettons à profit ce laps de temps. Nous devons à la fois accélérer la transition énergétique et anticiper en connaissance de cause les effets économiques et sociaux de cette transition. Le groupe Nouvelle Gauche demande ainsi que le Parlement puisse être saisi tous les cinq ans par le Gouvernement, afin d'examiner régulièrement les mesures d'accompagnement de la mutation vers l'arrêt complet des activités de recherche et d'exploitation de tous les hydrocarbures. Monsieur le ministre d'État, encore un effort, et vous aurez un beau spécimen d'une loi et d'un travail parlementaire de coconstruction.

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