Intervention de Philippe Dunoyer

Séance en hémicycle du mardi 30 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Dunoyer, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, à première vue et à périmètre courant, le budget de la mission « Outre-mer » bénéficie pour 2019 d'une hausse assez exceptionnelle, avec une augmentation de 22 % des autorisations d'engagement et de 21 % des crédits de paiement, ce qui représente, en volume, près de 470 millions d'euros.

Cela a été dit, et je ne pourrai évidemment dire le contraire : quand on y regarde de plus près, on note que cette augmentation provient de trois sources de financement, qui existaient déjà, mais dont la nature change et dont le nombre de bénéficiaires a vocation à augmenter. C'est en ce sens que j'ai pu parler, dans mon rapport, de « stratégie disruptive ».

Il s'agit d'abord de mettre en oeuvre l'an I du Livre bleu des outre-mer, élaboré dans nos territoires, remis au Président de la République en juin de cette année, et dont les premières concrétisations sont attendues pour 2019. Ce Livre bleu définit pour nos territoires une feuille de route en vue de procéder aux investissements prioritaires qui font encore défaut et de contribuer au rééquilibrage de nos politiques publiques.

Cette stratégie disruptive explique aussi qu'un si grand nombre de questionnements nous soient parvenus des territoires. Ils tiennent, pour résumer, au déficit de lisibilité de la réforme. J'en donnerai trois illustrations.

En premier lieu, je déplore, madame la ministre, que nous n'ayons toujours pas en notre possession le document de politique transversale. D'ordinaire, il arrive très tardivement ; cette année, il ne nous a pas été transmis du tout. C'est très fâcheux, dans la mesure où la mission « Outre-mer » ne recouvre que 10 % de l'ensemble de l'action budgétaire de l'État en faveur des outre-mer, qui s'élève à 18,5 milliards d'euros au total, et même, si l'on ajoute l'aide fiscale, à plus de 24 milliards d'euros.

Deuxième illustration : dans le tableau de répartition des crédits par territoire, les crédits « non répartis » passent, entre 2018 et 2019, de 180 millions d'euros, soit 1 % de l'effort budgétaire, à 1,7 milliard d'euros, soit 9 % de l'effort budgétaire.

Enfin, et surtout, il y a un changement de nature de l'aide de l'État. Avec la transformation du CICE en exonérations de charges, avec la suppression du mécanisme de la TVA NPR et avec l'abaissement du plafond de la réduction d'impôt sur le revenu, qui devrait toucher quelque 55 000 foyers, on passe d'une dépense fiscale à un soutien budgétaire, ce qui suscite, là encore, des interrogations.

Je salue toutefois à mon tour la très bonne nouvelle que constitue la récupération par la mission « Outre-mer » de l'ensemble de ces crédits, à hauteur de 466 millions d'euros, et surtout l'engagement que vous avez pris, madame la ministre, de même que M. le ministre de l'action et des comptes publics, de sanctuariser cet effort financier dans les prochaines missions budgétaires.

S'agissant du soutien aux entreprises, je salue aussi l'augmentation de 40 à 110 millions d'euros du FEI, ainsi que la création d'un nouveau dispositif, à hauteur de 50 millions d'euros. Ce sont de bonnes nouvelles. Je redis néanmoins que ce soutien budgétaire n'est pas à la hauteur des besoins exprimés dans nos territoires. Il l'est d'autant moins qu'il y a trois ans, en réponse à un amendement de notre collègue Letchimy, l'Assemblée nationale et le Gouvernement s'étaient engagés à adopter une stratégie pérenne de préfinancement des entreprises d'outre-mer. Or l'article 55 du présent projet de loi de finances prévoit de revenir sur cet engagement. Voilà cette fois une mauvaise nouvelle, qui contraste avec la bonne que constituent les crédits supplémentaires. Je proposerai, avec d'autres collègues, que cette décision soit abandonnée.

Un mot de deux sujets que j'ai souhaité aborder dans mon rapport, bien qu'ils sortent du périmètre de la mission.

Le premier, qui intéresse chacun d'entre nous, concerne la dimension ultramarine des violences faites aux femmes. Cela a été souligné par un rapport du Conseil économique, social et environnemental : les violences faites aux femmes sont malheureusement plus nombreuses et plus graves dans les outre-mer que dans le reste du pays. Dans certains de nos territoires, les ratios sont de sept à neuf fois supérieurs aux ratios nationaux, déjà insupportables. Or on constate qu'en la matière, les outils statistiques ne couvrent pas de manière homogène l'ensemble du territoire national. En conséquence, je propose que les outils statistiques soient systématiquement dupliqués dans nos territoires, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et partout où ce n'est pas encore fait. Il faut aussi veiller à ce que nous n'ayons pas de débats juridiques pour savoir qui détient la compétence en la matière et qui doit agir. Je rappelle que nous parlons d'un engagement du Président de la République et d'une cause nationale qui doit nous fédérer, au-delà des discussions juridiques.

Je n'aurai pas le temps d'aborder comme je l'aurais souhaité la question du référendum en Nouvelle-Calédonie. Je souhaite qu'il se tienne dimanche dans la même ambiance sereine que celle qui a régné jusqu'ici et qui, je n'en doute pas, perdurera d'ici là. Je remercie la ministre et le Premier ministre de s'être rendus sur place.

Parce qu'il correspond aux premières concrétisations du Livre bleu des outre-mer, parce que l'homogénéisation de la politique contractuelle d'aménagement du territoire est au rendez-vous, parce que le FEI a presque triplé, parce que les crédits seront sanctuarisés dans les budgets à venir, j'émets un avis favorable sur le vote des crédits de la mission « Outre-mer ».

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