Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du vendredi 26 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Après l'article 29

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

La commission a adopté cet amendement visant à instaurer un nouveau mode de tarification aux urgences hospitalières afin d'essayer de réorienter des patients dont l'état de santé ne relève pas de ces services. Selon les études, cela concerne 28 % à 41 % des patients accueillis.

Ceux-ci viennent aux urgences soit après avoir été mal adressés, soit faute de trouver un médecin en ville ou à l'hôpital, soit du fait de l'absence de reste à charge à l'hôpital, soit en raison d'une inquiétude qui est levée par un rapide examen médical. La fréquentation des urgences hospitalières augmente de 3 % par an ; 23 millions de personnes y sont accueillies chaque année.

Le problème tient à ce que les services d'urgence sont rémunérés à l'activité, sous la forme d'un forfait fixe, auquel s'ajoute un forfait variable selon la sévérité du cas du patient. Alors que nous cherchons à développer de nouvelles formules pour prendre en charge les soins urgents non programmés – maisons médicales de garde, parfois même à l'intérieur des murs des urgences, comme à Poissy dont j'ai déjà cité l'exemple, maisons de santé pluridisciplinaires – , les urgences ne parviennent pas à travailler en bonne intelligence avec ces structures, car la réorientation des patients leur fait perdre de l'argent. Il faut donc trouver des solutions.

J'en ai proposé une qui a été adoptée par la commission : lorsqu'un patient vient aux urgences et que son état n'est pas grave et relève d'une simple consultation médicale, il vaut mieux payer une consultation spécialisée d'urgence plutôt qu'un forfait d'hospitalisation. Pour inciter les urgences à réorienter les cas qui ne sont pas graves vers les offres de soins alternatives, quand elles existent, un forfait de réorientation est attribué à l'hôpital. Cette solution vise à enrayer la spirale non vertueuse du financement à l'activité – aucun service d'urgence n'a aujourd'hui intérêt à réorienter les patients.

Lorsque vous réduisez de 10 ou 15 % la population des urgences, vous libérez un temps médical très précieux pour permettre aux urgentistes de mieux prendre en charge les cas plus graves, et vous diminuez le nombre de patients qui attendent sur des brancards ainsi que les délais d'attente. De nombreux pays ont expérimenté ce type de moyens innovants d'éviter l'encombrement des urgences.

Depuis la semaine dernière, j'ai entendu – vous aussi, j'imagine – de nombreuses réactions de représentants de la médecine de ville et de la médecine hospitalière. Certains médecins ou établissements de santé ont fait part de leur envie de bénéficier d'un tel dispositif. D'autres considèrent qu'il n'est pas adapté à la situation de leur territoire, qui souffre d'une trop grande pénurie médicale. C'est la raison pour laquelle je présente un sous-amendement qui préfère à la généralisation l'expérimentation pendant une durée de trois ans par des établissements de santé volontaires – personne ne sera contraint.

Cette mesure n'est pas aussi contre-intuitive qu'elle y paraît. Pour vous prouver ma bonne foi et vous montrer que l'idée ne m'est pas venue comme ça, un matin en me levant, je citerai un rapport d'information du Sénat sur la situation des urgences hospitalières, corédigé par trois rapporteurs – l'une communiste, l'autre socialiste, Mme Génisson, et un du groupe Les Républicains – et s'inspirant de celui que j'avais remis à la ministre de la santé de l'époque sur l'évolution des modes de financement des établissements de santé. Voici sa première proposition : « utiliser le levier financier pour inciter les services d'urgences à se concentrer sur la prise en charge des patients nécessitant une intervention hospitalière, en modulant le montant du financement à l'activité en fonction de la gravité des pathologies et des actes réalisés, et en créant un forfait de réorientation vers les structures de ville ». L'idée était si consensuelle au Sénat qu'elle a été votée à l'unanimité – le seul parti qui n'était pas représenté était le parti majoritaire, et pour cause : il n'y avait pas encore de sénateurs La République en marche.

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