Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du jeudi 25 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Après l'article 9

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Il est vrai que les buralistes frontaliers connaissent des difficultés particulières. En effet, avec la Grande-Bretagne – mais celle-ci va quitter l'Union européenne – , notre pays présentait la fiscalité du tabac la plus élevée, notamment pour des raisons de santé publique. La Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne dans une moindre mesure, et Andorre – qui ne fait pas partie de l'Union – , pratiquent des fiscalités moins dissuasives en la matière. Le problème est donc avant out européen et porte sur le contrôle des frontières.

Ce qui est certain, c'est que nous n'avons pas lutté contre ce trafic de fourmis aussi sévèrement que nous aurions dû. Jusqu'à présent, ces dossiers étaient un peu laissés de côté ; les démarches administratives étaient lourdes et les amendes, peu appliquées ni dissuasives. J'ai donc adressé aux douaniers une instruction extrêmement claire – je vous invite à la consulter : elle est publique – ; désormais, ils effectuent des contrôles systématiques. De plus, en adoptant le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, le Parlement a doublé le montant des amendes.

Mais les frontières sont à relativiser car, à cause ou grâce aux commandes par internet, les zones frontalières ne sont plus les seules touchées – la Corrèze et le Finistère sont tout autant concernés par l'achat de tabac illégal par le biais de Facebook ou d'autres plateformes du web ou du dark web. Nous avons donc créé une cyberdouane chargée de lutter contre ces trafics par correspondance. Certains poussent parfois le vice jusqu'à envoyer des colis contenant du tabac illégal dans des points relais tenus par des buralistes – avouez que cela ne manque pas de sel ! Nous sommes très motivés pour lutter contre toutes les formes de trafic de tabac. Nous le devons aux buralistes ; je m'y suis engagé et j'ai pu leur confirmer les bons chiffres de la lutte dans ce domaine lors de leur congrès qui s'est tenu la semaine dernière à Paris.

La lutte contre la consommation de tabac comporte évidemment une dimension européenne. La ministre chargée de la santé le dit suffisamment, l'Europe doit arrêter de regarder le tabac comme une question de fiscalité, sur laquelle l'unanimité serait requise, et le considérer comme un problème de santé publique. Dès lors, elle ferait ce qu'elle a déjà fait pour d'autres produits nocifs – notamment sur les particules fines, mais pas seulement – pour changer notre comportement, par exemple en fixant un prix plancher du tabac afin d'éviter les fortes distorsions de concurrence qui incitent nos concitoyens à se livrer à des trafics, petits ou grands.

Sachez que le Gouvernement est pleinement mobilisé. À l'issue de l'examen du PLF et du PLFSS, je ferai le tour des États membres – j'ai déjà rencontré le commissaire à la santé et à la sécurité alimentaire, Mme la ministre l'a fait également – pour promouvoir l'idée d'une fiscalité européenne du tabac qui ne soit pas distordue – si vous me permettez cette expression.

Nous pourrions en parler longuement mais je conclus en revenant aux buralistes. Ceux-ci ne vendent pas seulement du tabac. Ils sont aujourd'hui confrontés à la transformation de leur échoppe. Ils jouent parfois un rôle de commerce de proximité, ils vendent la presse, des timbres fiscaux, des tickets de métro ou des jeux. Nous avons fait en sorte qu'ils soient mieux rémunérés par La Française des jeux et le PMU – auparavant, les buralistes louaient à La Française des jeux le présentoir pour ses jeux, ce qui paraît incroyable ; nous avons supprimé ces vexations.

Nous souhaitons désormais que les buralistes puissent être des relais dans tous les territoires. J'invite les députés à s'intéresser aux projets du Gouvernement en matière de transformation publique, notamment ceux que porte le ministère dont j'ai la charge. Lorsque j'annonce la suppression des paiements en liquide dans les trésoreries du réseau des finances publiques, je permets à mon administration de réaliser des économies très fortes alors qu'elle peine à gérer un liquide difficile à compter – chaque année, le Parlement diminue le montant autorisé mais ne règle pas le problème de l'accès au service public des personnes âgées ou de celles qui sont privées de compte en banque. Le projet de loi de finances prévoit le lancement d'un appel d'offres que pourraient remporter soit La Poste, soit les buralistes, soit les deux – nous verrons quel en sera le résultat. Si les buralistes gagnent l'appel d'offres territorialisé, les bureaux de tabac pourraient devenir le lieu où payer les amendes et les impôts en liquide lorsqu'il n'y a pas de conseils financiers à donner. Après tout, on achète bien des timbres fiscaux chez les buralistes.

Par ailleurs, les buralistes ont manqué certaines transformations et ils le savent bien. Ils ont refusé jadis de distribuer la cigarette électronique – je crois qu'ils s'en mordent un peu les doigts. Il ne faut pas qu'ils loupent les autres changements. Ils ont réussi à prendre le virage du compte nickel qui est une belle réussite. Nous devons accompagner ces commerçants très courageux à surmonter les difficultés que connaissent toutes les zones rurales et tous les commerçants. Ils comprennent la politique d'augmentation des prix du tabac menée par le Gouvernement, refusent la démagogie et acceptent l'idée de se transformer. Ils le font avec beaucoup de courage. Le Gouvernement sera à leurs côtés, financièrement et politiquement, avec vous, je l'espère.

J'ai été un peu long, madame la présidente, mais le sujet le méritait – il s'agit d'une grande transformation. Il n'est pas nécessaire de modifier la fiscalité alors que nous avons trouvé un accord avec tous les acteurs de l'écosystème.

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