Intervention de Martine Wonner

Séance en hémicycle du jeudi 11 octobre 2018 à 22h00
Création d'un répertoire des maladies rares ou orphelines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Wonner :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi qui nous occupe ce soir a les défauts de ses qualités. En prétendant renforcer la prise en charge des personnes atteintes de maladies rares – attention fort louable, qui doit retenir notre attention de législateur – , son entrée en vigueur pourrait, à l'inverse, exclure d'une prise en charge qualitative un grand nombre d'entre elles, laissant ainsi de côté beaucoup trop de nos concitoyennes et de nos concitoyens. En conséquence, je vais m'efforcer, dans les minutes qui suivent, de vous démontrer pourquoi La République en marche ne votera pas ce texte. J'associe à ce propos ma collègue Delphine Bagarry, qui, je pense, n'aura pas le temps de défendre la motion de rejet préalable.

Parce qu'elles peuvent être amenées à demander des dérogations aux réglementations en vigueur pour leur permettre d'aménager leur quotidien, les personnes malades, dans les cas dont nous discutons, doivent se résoudre à des formalités administratives parfois longues. En ma qualité de médecin, je partage ce constat, qui doit nous conduire à apporter de bonnes réponses et est à l'origine de la proposition de loi dont nous discutons. Mais, si votre texte entrait en vigueur, la création du registre des maladies rares produirait des effets qui ne répondraient ni aux besoins ni aux attentes des malades, à plusieurs titres.

Choisir, c'est renoncer : ce principe s'applique entièrement à la proposition centrale du texte. Sous couvert – encore une fois, c'est une noble intention – de faciliter les formalités administratives des personnes atteintes de certaines pathologies, ce texte, s'il prenait force de loi, exclurait de fait celles atteintes de toutes les autres. En l'occurrence, s'il existe plus de 7 000 maladies rares, toutes ne pourraient pas faire partie de la liste créée par ce texte ; par conséquent, beaucoup seraient laissées de côté. La simplification administrative ne saurait se faire au profit d'une hiérarchisation des pathologies ou d'un quelconque choix opéré par le législateur. Sachons faire confiance collectivement aux personnels de santé, qui sont confrontés chaque jour aux réalités des pathologies et qui, avec l'administration, tentent de répondre du mieux qu'ils peuvent à tous les patients, quelles que soient les maladies rares dont ceux-ci sont atteints.

Ensuite, vous ne l'ignorez pas, mes chers collègues, les maladies, telles qu'elles sont décrites dans les livres, ne sont pas exactement les mêmes que dans la réalité. Si les symptômes sont parfois semblables, il n'en demeure pas moins que chaque pathologie se manifeste d'une manière différente en fonction de l'individu qu'elle touche. Si, a priori, créer une liste de celles qui nécessitent des dérogations est, sur le papier, une idée tout à fait intéressante, dans la réalité, cela méconnaîtrait le principe essentiel de la différenciation des symptômes et des effets en fonction du patient. Cette loi effacerait donc, aux yeux de l'administration exécutante, la prise en compte des particularismes et singularités des symptômes, ce qui n'est évidemment pas imaginable. Le coeur de la promesse de notre état social est bien le meilleur accompagnement possible pour chaque malade, sans distinction réductrice. Je crois fondamentalement que ce texte constituerait une atteinte à cette promesse d'universalité de notre système de santé.

Au-delà de ces très importantes questions de fond, le périmètre même de la proposition de loi ne semble pas répondre aux attentes et aux besoins des personnes atteintes de maladies rares.

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