Intervention de Agnès Buzyn

Séance en hémicycle du jeudi 11 octobre 2018 à 22h00
Création d'un répertoire des maladies rares ou orphelines — Présentation

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, vous examinez ce soir la proposition de loi portant sur la création d'un répertoire des maladies rares déposée par M. Pierre Vatin.

Ainsi que vous venez de le décrire, monsieur le rapporteur, votre texte vise à la création d'un répertoire informatique non nominatif des maladies rares ou orphelines, qui répertorierait, pour chaque maladie, les dérogations à la réglementation du fait des effets de ces maladies et des handicaps ou incapacités qu'elles provoquent. Comme vous le savez, le Gouvernement accorde une importance toute particulière à la prise en charge des maladies rares et à l'amélioration des modalités d'accompagnement, pour mieux répondre aux besoins des personnes en situation de handicap, du fait d'un grand nombre de ces maladies.

C'est l'une des actions majeures du troisième plan national maladies rares, que j'ai annoncé le 4 juillet dernier avec Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Ce plan porte de grandes ambitions, en matière notamment d'inclusion des personnes atteintes de maladies rares, qui en est l'un des onze axes. D'un montant de plus de 778 millions d'euros sur cinq ans, il répond ainsi à cinq enjeux contemporains touchant les maladies rares : premièrement, permettre un diagnostic rapide pour chacun, afin de réduire l'errance et l'impasse diagnostiques ; deuxièmement, innover pour traiter, afin que la recherche permette l'accroissement des moyens thérapeutiques ; troisièmement, améliorer la qualité de vie et l'autonomie des personnes malades ; quatrièmement, communiquer et former, en favorisant le partage de la connaissance et de savoir-faire sur les maladies rares ; cinquièmement enfin, moderniser les organisations, tout en optimisant les financements nationaux.

Ainsi, l'axe 8 de ce troisième plan s'intitule : « Faciliter l'inclusion des personnes atteintes de maladies rares et de leurs aidants ». Un de ses objectifs est de faciliter l'accès aux dispositifs, aux droits et aux prestations. Il s'agit de renforcer les relations entre les acteurs des filières de santé relatives aux maladies rares et les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, en particulier lors des phases charnières du parcours ou lors de l'évolution de la situation des personnes atteintes de maladies rares et de leurs aidants.

Par ailleurs, pour ce qui concerne le champ du handicap, je souhaite signaler les travaux en cours pour la mise en oeuvre de certaines des mesures de simplifications issues du rapport « Plus simple la vie : 113 propositions pour améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap », que le député Adrien Taquet et Jean-François Serres ont remis le 28 mai dernier au Premier ministre. Ces mesures visent notamment à simplifier les dispositifs ou démarches pour faciliter ou renforcer l'accès des personnes handicapées aux droits existants. Ainsi, tout le chapitre premier de ce rapport porte sur l'instauration d'une relation de confiance entre les administrations et les personnes en situation de handicap, notamment en tendant autant que possible vers un système déclaratif où les droits sont conférés sans limite de durée.

Mon ministère est également très engagé dans l'accès aux droits des personnes en situation de handicap, qui concerne bien entendu des patients atteints par des maladies rares. Des liens sont rappelés, dans le troisième plan national maladies rares, avec ces différents dispositifs.

Ainsi, la démarche « Une réponse accompagnée pour tous », dont l'enjeu est notamment d'assurer une évolution profonde des pratiques professionnelles de tous les acteurs, permettra d'améliorer les conditions de vie des personnes handicapées, notamment de celles atteintes de maladies à l'origine de situations handicapantes, en proposant une réponse individualisée à chaque personne exposée à un risque de rupture de parcours, pour lui permettre de s'inscrire dans un parcours de santé conforme à son projet de vie.

Pour atteindre cet objectif, qui est aussi une exigence vis-à-vis de ces personnes, la démarche permettra notamment la mise en place d'un dispositif d'orientation permanent qui prévoit une logique dérogatoire pour construire des solutions alternatives lorsqu'une personne ne peut pas bénéficier d'un accompagnement conforme à l'orientation de la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Elle permettra aussi un accompagnement aux pratiques de changement, cet axe comportant notamment un chantier de simplification au sein des MDPH.

L'engagement de la démarche « Une réponse accompagnée pour tous », associée au troisième plan national maladies rares, devrait nous permettre d'assurer une plus grande facilitation des démarches administratives pouvant être liées aux situations handicapantes nées de maladies rares et d'apporter des réponses adaptées aux besoins des personnes.

Je souhaiterais, avant de conclure, saluer les intentions positives très concrètes portées par cette proposition de loi. Elles ont déjà fait l'objet d'une réflexion qui a conduit notamment à un arrêté du 18 octobre 2016 portant sur l'octroi de dérogations à l'homologation de vitrage pour les cas de maladies rares que vous avez évoqués. En tout état de cause, je m'engage à réviser cet arrêté s'il est insuffisant et vous rejoins pour dénoncer la situation de parcours du combattant à laquelle on expose les malades et leurs familles.

La création d'un répertoire visant à établir la liste des différentes maladies rares serait par ailleurs redondante avec les travaux déjà menés en ce sens depuis vingt ans avec la base de données et d'informations appelée « Orphanet », unique au monde, qui est aujourd'hui en accès libre sur internet, dispose de financements européens et fédère plus de quarante pays dans le monde. Environ 6 000 maladies rares sont déjà décrites et référencées dans Orphanet, essentiellement avec des données concernant les démarches diagnostiques et thérapeutiques, mais aussi, et c'est nouveau, avec les conséquences handicapantes induites – objet de votre proposition de loi – , ces derniers travaux étant aujourd'hui réalisés en lien avec la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Orphanet établit en particulier une nomenclature de toutes les maladies rares et les indexe également en fonction de la classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé, dite « classification CIF ». Ces travaux seront assurément poursuivis dans le cadre du troisième plan national maladies rares, que j'ai lancé le 4 juillet dernier.

Par ailleurs, en restant dans le champ de la compensation du handicap, les maladies rares, au sens de la définition consacrée, ne sont pas les seules à entraîner des handicaps et des incapacités. D'autres maladies chroniques et non rares ont de telles conséquences handicapantes pour les personnes malades. Aussi, il convient de se demander si, au regard de l'égalité des droits, légiférer pour les seules maladies rares serait juste, mais également si cela ne pourrait pas être vu par les patients atteints de ces maladies comme une stigmatisation de leurs conditions.

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