Intervention de Damien Abad

Séance en hémicycle du jeudi 11 octobre 2018 à 15h00
Consolidation du modèle français du don du sang — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDamien Abad, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Je voudrais tout d'abord saluer et remercier l'ensemble des collègues qui sont intervenus et qui ont manifesté, d'une manière générale, la volonté d'avancer ensemble sur ce sujet, même si je regrette la dévitalisation de ce texte.

Madame Kéclard-Mondésir, il n'y a pas de méprise de ma part : nous avons bien auditionné le président de la Fédération française pour le don de sang bénévole – les membres de la commission des affaires sociales avaient reçu une convocation – même si cette audition, qui a été publique, n'a pas été mentionnée dans le rapport. Nous nous sommes d'ailleurs inspirés des propositions que le président de la Fédération nous a faites, y compris pour certains amendements ; nous nous sommes fondés sur un certain nombre d'études qu'il nous a fournies, en particulier concernant la qualité du placement.

Madame la ministre, vous avez affirmé que de l'altruisme désintéressé du donneur dépend la vie du patient, ce qui est vrai ; de fait, tout l'objectif de cette proposition de loi est de renforcer l'altruisme du donneur, de maximiser les potentialités du modèle français du don du sang. Notre objectif est celui-là, et rien que celui-là. Toutes les mesures de cette proposition de loi visent, d'une part, à élargir le cercle des donneurs et, d'autre part, à le fidéliser. Toutes les personnes que nous avons auditionnées nous l'ont dit : cette fidélisation est essentielle. Or, nous savons tous qu'entre vingt-cinq et quarante-cinq ans, malheureusement, les comportements changent : il arrive que des personnes qui ont donné lorsqu'elles étaient jeunes le fassent moins par la suite.

Il est important pour nous de renforcer ce modèle. Tous les orateurs ont rappelé l'attachement à l'anonymat, à la gratuité, à l'éthique, au principe français du don éthique. Nous proposons d'aller plus loin, par certaines dispositions sur lesquelles je voudrais revenir. S'agissant de l'article 2, je remercie l'ensemble des orateurs, qui ont estimé que l'abaissement de l'âge minimum à dix-sept ans permettrait d'élargir le cercle des donneurs, dont le nombre devrait augmenter d'environ 60 000. Cette mesure, qui permettra de sensibiliser les jeunes à cet enjeu de société, va donc dans le bon sens.

Concernant l'article 2 bis, votre argument principal consiste à dire que la fixation des critères de sélection relève davantage du règlement que de la loi. Oui, mais l'arrêté du 5 avril 2016 est contra legem, dans la mesure où il contredit l'esprit de la loi. Alors que, selon la loi, nul ne peut être exclu du don du sang sur le fondement de son orientation sexuelle, l'arrêté dit quasiment l'inverse, en tout cas son objectif est inverse. Nous proposons d'adopter ce dispositif législatif, qui devrait nous rassembler ; le texte réglementaire qui sera pris pour son application correspondra, cette fois, à l'esprit de la loi. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

La question de l'égalité de traitement entre les donneurs ne figurait pas dans la version initiale de la proposition de loi. Grâce aux amendements de M. Saulignac et de M. Descoeur, ce principe s'est invité dans le débat. Il me paraît important qu'on en discute et qu'on soutienne ce principe. Si la question se pose pour les personnes homosexuelles, elle concerne aussi les personnes transfusées, et nous attendons des réponses à ce sujet. En effet, les personnes qui ont été transfusées peuvent se sentir discriminées au regard de l'accès au don, ce qui constitue un enjeu important.

Je voudrais aussi revenir sur les articles qui n'ont pas retenu votre attention. Je souhaite que vous nous expliquiez les raisons qui fondent votre refus. En premier lieu, l'article 3 vise à mener des campagnes de sensibilisation en faveur des dons du sang. Qui peut s'y opposer ? À l'heure actuelle, ces campagnes sont menées par l'EFS. Nous proposons qu'en lien avec l'EFS, des campagnes de sensibilisation soient organisées par les collectivités locales, les établissements d'enseignement supérieur, les entreprises ou l'administration. Je ne vois donc pas pourquoi cet article donne lieu à des polémiques ou à des débats, alors qu'il est simplement de bon sens. L'idée est de tisser des liens entre les associations et l'Établissement français du sang. Je compte sur votre esprit d'ouverture pour parvenir à un vote unanime sur cet article, qui concerne les associations de donneurs de sang sur le terrain : c'est l'article de la territorialisation du don du sang. Je pense qu'on doit toutes et tous s'y retrouver.

Les articles 4 et 5, quant à eux, sont liés. L'article 4 vise à affirmer le principe de sécurité du donneur. Votre vision, en la matière, est fondée essentiellement sur la sécurité sanitaire. Pour notre part, nous souhaitons, bien entendu, que l'on prenne en compte la sécurité des patients, la sécurité transfusionnelle, mais aussi la sécurité du donneur ; le président de la Fédération française pour le don de sang bénévole a plaidé, au cours de son audition, pour qu'on en fasse un principe cardinal.

Enfin, mes chers collègues, j'insiste sur le fait que l'article 5, qui vise à instituer un label éthique, a été inspiré par le groupe La République en marche. Olivier Véran avait défendu cette idée, qui a donné lieu à l'adoption d'une disposition législative. Toutefois, celle-ci n'a jamais fait l'objet d'un décret d'application, en raison d'un avis circonstancié de la Commission européenne sur les règles européennes d'étiquetage. Quasiment tous les labels d'étiquetage étaient concernés ; nous avions également eu un débat, à l'époque, sur l'origine des viandes. Aussi demandons-nous, d'une part, que le Parlement soit informé par la remise d'un rapport – ce qui garantirait que nous ne baissions pas les bras et que puissions parvenir à une solution – et, d'autre part, que l'on fasse un pas en avant en indiquant, dans les caractéristiques des médicaments dérivés du sang, si le don est gratuit, indemnisé ou rémunéré. Nous devons toutes et tous nous rassembler sur l'article 5.

Je vous concède que l'article 6 peut donner lieu à certaines difficultés – nous en rediscuterons. Il nous semble important d'éveiller les consciences par l'inscription du groupe sanguin sur la carte nationale d'identité, ou encore – une réflexion doit être engagée à ce sujet – sur le dossier médical partagé. Un consensus existe parmi les groupes politiques ; il faut simplement déverrouiller une ou deux positions de principe sur tel ou tel sujet.

Les choses doivent pouvoir évoluer au cours de ce débat, notamment sur les articles 2 bis, 3 et 5. Il nous faut faire preuve d'ouverture : le modèle français du sang ne peut pas attendre. Il nous faut prendre des mesures pour le préserver et le consolider. Ce modèle doit rester une référence en Europe et dans le monde et, surtout, conserver ses fondements et ses principes. Ce serait faire honneur à toutes nos associations de donneurs de sang mais aussi à l'ensemble de la représentation nationale.

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