Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 11 octobre 2018 à 15h00
Consolidation du modèle français du don du sang — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

« Il y a une fausse humanité dont il faut se défier autant que de la fausse vertu se nommant hypocrisie », aimait à dire Émile de Girardin, farouche défenseur de la liberté d'expression.

C'est un peu ce que je me suis dit en lisant la version affaiblie, appauvrie, attiédie par la commission de la proposition de loi portée par notre collègue Damien Abad et ses cosignataires du groupe Les Républicains. Pourtant, ce texte aurait dû faire consensus tant il est empli de ce pragmatisme dont, chers collègues de la majorité, vous vous revendiquez si souvent.

Au commencement donc, il y avait une proposition de loi animée d'une intention toute simple : promouvoir le don du sang. Car donner son sang, vous le savez, permet de sauver plus de 1 million de malades chaque année. À l'heure où l'Établissement français du sang a révélé qu'en 2017, seulement 4 % des Français en capacité de donner leur sang l'avaient fait, il me semble de bon aloi et de bon sens que le législateur impulse une nouvelle dynamique.

Telle était l'idée de la proposition de loi. Son article 1er, par exemple, incitait les salariés à donner leur sang. Deux heures par semestre leur étaient accordées pour qu'ils puissent le faire, sans que leur rémunération en soit affectée. La mesure touchait potentiellement 25 millions de donneurs, puisque c'est le nombre de salariés en France. Mais, comme trop souvent quand les spécialistes de la tambouille politicienne s'en mêlent, vous avez naturellement voté la suppression de cet article : il ne s'agirait surtout pas que quelqu'un ait une bonne idée avant vous.

Et puis, sur votre lancée en quelque sorte, au lieu d'abaisser à 16 ans l'âge légal pour pouvoir donner son sang, ce qui était initialement proposé, vous avez décidé, sans raison particulière, sans argument raisonnable, que l'âge légal pour accéder au don du sang serait fixé à 17 ans. Quel dommage ! Accorder cette possibilité aux jeunes de 16 ans permettrait à 2 millions d'adolescents de donner leur sang. Or les jeunes sont extrêmement sensibles à cette question : un tiers des donneurs ont entre 18 et 19 ans.

Je peux évidemment comprendre, en tant que parent, que l'on s'inquiète pour la santé de son enfant. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai déposé un amendement afin de soutenir l'article 2 tout en l'accompagnant d'une obligation de contrôle médical renforcé pour les mineurs.

Le nouvel article 2 bis, ajouté en commission, avait pour but de supprimer la discrimination envers les homosexuels. Pourtant, déjà, l'article L. 1211-6-1 du code de la santé publique dispose que « Nul ne peut être exclu du don du sang en dehors de contre-indications médicales » et que « Nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle. »

Un arrêté du 5 avril 2016 fixe les critères de sélection des donneurs de sang. Sans polémiquer, je vous citerai simplement Nicolas Giraud, président de l'Association française des hémophiles : « Nous considérons que le don du sang n'est pas là pour valoriser le donneur, mais pour bénéficier au receveur. » Et il ajoute que si nul ne peut être exclu du don de sang, notamment en raison de son orientation sexuelle, l'AFH exige que la sécurité transfusionnelle ne soit pas remise en cause.

Selon lui, « La loi donne une orientation générale mais ne doit pas fixer une fois pour toutes les critères de sélection des donneurs de sang. Ces critères doivent être fixés régulièrement par consensus et fondés sur une expertise médicale, scientifique, et établis avec les premiers concernés, les patients. Nous sommes pragmatiques, si les données de la science permettaient de faire évoluer ces critères, nous serions prêts à en discuter. Mais sans que cela puisse remettre en cause la sécurité transfusionnelle. »

S'il faut donc modifier les critères de sélection des donneurs de sang, il me semble que cette décision devrait demeurer au niveau de l'arrêté, et non être élevée au niveau de la loi.

Par ailleurs, pourquoi la commission a-t-elle choisi de supprimer un article qui tendait à rappeler la gratuité du don du sang ? Pourquoi en avoir supprimé un autre qui visait à contrôler les médicaments dérivés du sang de façon identique selon qu'ils proviennent de France ou de l'étranger ? Pourquoi encore avoir refusé l'inscription du groupe sanguin sur les cartes d'identité, simple gage d'efficacité pour les secours en cas d'accident ?

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