Intervention de Paul Christophe

Séance en hémicycle du jeudi 11 octobre 2018 à 15h00
Consolidation du modèle français du don du sang — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe :

Doit-on rémunérer les donneurs ? La question d'une incitation financière a pu se poser mais, malgré les pressions diverses, la France reste opposée à cette marchandisation du vivant. Nous avons, au contraire, fait le choix de développer un modèle non mercantile, fondé sur le volontariat. Chaque personne, dès l'âge de 18 ans et jusqu'à 70 ans, est libre de donner son sang, sans contrepartie financière. C'est un geste simple, qui permet chaque jour de sauver des vies.

Dix mille dons quotidiens sont en effet nécessaires pour soigner, chaque année, 1 million de malades. En moyenne, ce sont 420 à 480 millilitres de sang qui sont prélevés à chaque don, ce qui prend environ 45 minutes. Les femmes sont légèrement plus enclines à donner leur sang, puisqu'elles représentent près de 52 % des donneurs.

Pourtant, les pénuries quotidiennes et les appels aux dons de l'Établissement français du sang nous rappellent souvent la vulnérabilité de notre modèle et nous interrogent sur notre capacité à mobiliser et encourager les donneurs. L'Établissement français du sang lance très régulièrement de larges campagnes de communication afin de susciter le don. Le déploiement de ces éléments de communication représente un budget important car, si le don demeure gratuit, il a tout de même un coût, qui est paradoxalement plus élevé que celui du don rémunéré.

La proposition de loi de Damien Abad ne remet nullement en question le modèle français. Au contraire, pour tenter de le préserver et éviter ainsi son basculement dans un système marchand, le texte initial développait plusieurs propositions qui devaient permettre de faciliter le don et d'accroître le nombre de donneurs. Malheureusement, la proposition de loi a été en grande partie vidée de sa substance en commission et il n'en reste désormais que deux dispositions.

Avant d'en venir au contenu du texte, je remercie très sincèrement le rapporteur pour son travail, et pour avoir porté à l'attention de notre assemblée un sujet majeur. J'en profite également pour saluer et remercier tous les bénévoles qui oeuvrent au sein des comités locaux, amicales et associations de donneurs, permettant d'épauler l'Établissement français du sang dans ses missions.

Revenons sur le fond du texte et les deux dispositions restantes. La première concerne l'abaissement de l'âge légal ouvrant droit au don du sang. Le texte d'origine de la proposition de loi fixait cet âge à 16 ans. Le rapporteur a toutefois relevé la contradiction de cette disposition avec le droit communautaire. La directive européenne fixant les critères d'acceptation des donneurs de sang et des composants sanguins prévoit en effet un âge minimal à 17 ans, assorti du consentement écrit d'un parent ou d'un tuteur légal. Afin de s'aligner sur le cadre juridique européen, la proposition de loi a donc été judicieusement amendée en commission pour fixer l'âge minimal à 17 ans. Cette mesure permettra d'élargir le nombre de donneurs potentiels et de fidéliser le don, sans mettre en danger la santé de ces jeunes donneurs.

La seconde disposition a été ajoutée par un amendement porté par Hervé Saulignac. Elle aligne les critères de sélection des donneurs de sang, pour les hommes ayant des relations homosexuelles, sur ceux des hommes ayant des relations hétérosexuelles. Cette disposition met donc fin à une discrimination qui n'a plus lieu d'être : l'orientation sexuelle ne présage en rien du risque et ce sont bien les pratiques du donneur qu'il convient plutôt de vérifier.

Notre groupe soutient donc les deux dispositions restantes du texte.

Je souhaiterais toutefois revenir sur certaines propositions importantes du texte originel, qui ont été purement et simplement supprimées lors de l'examen en commission.

Dans son article 1er, le texte proposait de dégager du temps en entreprise pour faciliter le don en octroyant à chaque salarié deux heures par semestre pour aller donner son sang. Je n'étais certes pas d'accord avec le caractère contraint de cette disposition, qui pouvait mettre en difficulté l'employeur. Cependant, cet article avait le mérite de sécuriser une pratique déjà existante au sein de l'entreprise, tout en garantissant un maintien de salaire pour le salarié. Nous aurions pu prendre le temps de la réflexion et amender ensemble sa rédaction, plutôt que d'en supprimer purement et simplement le dispositif.

L'article 6 prévoyait en outre de faire figurer le groupe sanguin et le rhésus sur la carte nationale d'identité. Le rapporteur avait même proposé un amendement prévoyant que ces informations soient également mentionnées dans le dossier médical partagé. Cette proposition de bon sens a pourtant subi le même sort que l'article 1er et a été, à son tour, supprimée.

Cette proposition de loi portait initialement de larges ambitions, qui ont été balayées d'un revers de main par la majorité. Les arguments invoqués étaient bien faibles et, in fine, le problème des pénuries régulières ne sera pas résolu par ce texte. Aujourd'hui, 4 % seulement de la population donne son sang. Ce chiffre paraît faible en comparaison des quantités nécessaires pour sauver des vies. Tout devrait donc être mis en oeuvre pour l'accroître, tout en préservant la spécificité du modèle français.

La valeur d'un homme est dans sa capacité à donner, et non dans sa capacité à recevoir, nous enseignait Albert Einstein : ce texte nous offre une réelle chance de doter l'homme de moyens pour donner plus et mieux. C'est pourquoi notre groupe soutiendra son adoption.

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