Intervention de Fabienne Colboc

Séance en hémicycle du mardi 9 octobre 2018 à 15h00
Lutte contre la manipulation de l'information — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabienne Colboc :

Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le hashtag #fakenews n'a jamais été autant utilisé sur les réseaux sociaux, aussi bien par les citoyens que par les politiques. Qui n'a jamais été trompé par une fausse information circulant sur internet ? Les chiffres sont révélateurs : trois Français sur quatre estiment avoir déjà été confrontés à une information fausse, destinée à les influencer.

Les affirmations manipulées ou totalement erronées font depuis toujours partie du débat public. La nouveauté, c'est que les sources de diffusion se sont décuplées. Trop peu souvent vérifiées, ces informations se propagent avec une puissance illimitée car si la liberté de la presse s'exerce principalement dans un cadre national, l'espace public numérique déborde les frontières.

Selon le baromètre de l'institut Kantar Sofres, seuls 25 % des Français considèrent que l'internet est une source d'information fiable. La valeur de l'information est désormais soupçonnée, voire contestée. À l'heure où nos pratiques se digitalisent et où les services en ligne se développent considérablement, c'est un vrai problème. L'espace numérique devient le prolongement de notre espace public et doit, de ce fait, être régulé. C'est la confiance dans nos médias, dans nos arènes de débat, et finalement dans notre démocratie qui est en jeu. Nos dernières élections ont été marquées de façon spectaculaire par le développement de ce phénomène. Des États étrangers ou des groupes de pression ont ainsi pu investir de l'argent pour manipuler l'opinion des citoyens. C'est donc pour permettre à chaque citoyen de voter dans de bonnes conditions que le Président de la République s'est engagé, dès la campagne présidentielle, à agir.

Nous avons la chance de disposer de médias fiables et reconnus. La liberté de la presse est garante du bon fonctionnement de nos institutions démocratiques. Il est donc très important de préserver la confiance des citoyens dans l'information et de ne pas laisser des acteurs mal intentionnés entacher la qualité du travail d'investigation et de vérification mené par les journalistes.

Je me réjouis, madame la ministre, de la mission sur la création d'un conseil de déontologie du journalisme dont vous avez annoncé la mise en place. Le défi que nous avons à relever est important. C'est pourquoi, au nom du groupe La République en Marche, nous avons choisi de déposer ces propositions de loi. C'est une première étape, mais elle est primordiale.

Nous comptons actionner tous les leviers à notre disposition. La responsabilisation des acteurs est le premier d'entre eux. En effet, les plateformes en ligne sont les acteurs directs de la diffusion des campagnes de désinformation. Avec ce texte, nous leur demandons d'agir : en période électorale tout d'abord, en renforçant la transparence du financement des contenus d'information sponsorisé, mais également quotidiennement par la lutte contre les comptes douteux ou encore par la mise en place de dispositifs de signalement. Un juge pourra par ailleurs intervenir en référé sous quarante-huit heures pour stopper la diffusion artificielle et massive d'une fausse information de nature à altérer un scrutin.

C'est un travail collectif que nous voulons encourager. Annonceurs, diffuseurs, journalistes, plateformes, associations de la société civile vont travailler ensemble. Le CSA, en tant que supra-régulateur, sera garant de leurs avancées et publiera un bilan annuel de ces actions.

La responsabilisation que nous souhaitons impulser s'inscrit dans un contexte plus global de transformation de la gouvernance de l'internet. C'est tout l'enjeu des travaux que nous menons au niveau européen pour rétablir un équilibre entre les plateformes, qui tirent pour l'instant profit d'une absence de régulation, et les acteurs historiques du secteur.

Enfin, la lutte contre les manipulations de l'information ne pourra pas se faire sans un travail de pédagogie. C'est donc sur le volet éducatif que nous allons agir pour aiguiser l'esprit critique des élèves et leur donner les clés pour décrypter les contenus qui circulent sur internet. L'éducation à l'information, à l'image et aux médias va être renforcée dans tous les programmes scolaires. Cette mesure va s'accompagner d'un doublement du budget du ministère de la culture.

Cette proposition de loi va donc garantir aux Français la possibilité de s'informer librement et de voter dans des conditions sereines. Elle prévoit tous les outils nécessaires pour atteindre son objectif : la préservation de notre débat démocratique.

Pour terminer, je citerai Aviv Ovadya, chercheur au Centre pour la responsabilité des réseaux sociaux, qui nous interroge très justement : « Quel est le plus grand danger pour notre civilisation ? Que plus personne ne croie en rien ou que tout le monde avale des mensonges sans broncher ? »

1 commentaire :

Le 12/10/2018 à 18:12, Laïc1 a dit :

Avatar par défaut

" L'éducation à l'information, à l'image et aux médias va être renforcée dans tous les programmes scolaires. Cette mesure va s'accompagner d'un doublement du budget du ministère de la culture."

Et les professeurs vont dire quoi aux élèves ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.