Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du mercredi 3 octobre 2018 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Article 44

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Deuxièmement, le calcul du désendettement est un vrai sujet. Nous sommes beaucoup ici à avoir une expérience de collectivité, une expérience d'entreprise et savons très bien que l'endettement doit s'apprécier en tenant compte des actifs. C'est artificiellement que vous réduisez la dette de la France en la privant d'une part de son patrimoine. Comptabilité superficielle et court-termiste !

Enfin, l'absence de cahier des charges est un problème : c'est délivrer un blanc-seing alors que le sujet est d'importance. Nous avions été nombreux sur plusieurs bancs à protester contre le fait que la réforme de la coopération agricole, qui représente près de 40 % du commerce agricole, relève d'une ordonnance. De la même manière, sur un volet aussi stratégique, il est impensable qu'un cahier des charges ne vienne pas tempérer votre ardeur à libéraliser.

Au-delà de ces arguments techniques, il y a deux arguments d'ordre philosophique. Le premier est la question du temps long. Il n'existe pas, ni sur les terres agricoles, ni sur les infrastructures aéroportuaires et autres infrastructures majeures de notre pays de garantie que l'absence de propriété sur des périodes aussi longues n'engage pas un changement d'usage, au-delà des réglementations actuelles. Les partisans de la libéralisation du marché du foncier agricole nous disent que cela n'aura pas d'incidence sur l'usage. Or toutes les expériences faites à l'échelle internationale et sur un temps long montrent que les changements de propriété et de concession induisent de facto des changements d'usage.

Le dernier argument est d'ordre symbolique. Nous sommes dans une période où les identités sont bousculées. L'aéroport Charles de Gaulle est un symbole de la construction de notre pays, de sa modernisation, de son poids dans le monde. Qu'il s'agisse de terres, qu'il s'agisse d'un aéroport, qu'il s'agisse d'éléments stratégiques liés à la défense, il me semble que tout ce qui appauvrit le patrimoine national, dont on sait la forte charge symbolique, est de nature à amoindrir le sentiment d'appartenance à la nation et peut susciter chez une partie de nos concitoyens des peurs susceptibles de se traduire dans des extrémismes.

Or nous sommes nombreux sur ces bancs, une majorité même heureusement, à penser qu'une économie sociale de marché doit conserver la maîtrise d'éléments stratégiques et symboliques appartenant à la nation tandis que d'autres peuvent être laissés à la liberté d'entreprise.

Or cet équilibre serait selon nous très clairement rompu avec la vente d'ADP, qui serait quasiment une première internationale, sauf quelques exemples extrêmes. Nous plaidons pour que le commun que représente ce patrimoine soit protégé, ait une meilleure gouvernance. Il y avait une solution simple : la délégation de service public qui aurait préservé la propriété symbolique et n'aurait pas menacé ce patrimoine en son coeur qui, s'il est atteint, peut nous fragiliser dans le monde.

Vous avez été nombreux à souligner que Roissy-Charles de Gaulle était une frontière. J'aime beaucoup la phrase de Régis Debray où il définit la frontière comme « la limite hospitalière garante de la diversité du monde ». Entre la fermeture des frontières et un monde ouvert à tous les vents mauvais du néolibéralisme, il y a un chemin : celui de l'économie sociale de marché qui préserve les communs de notre pays.

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