Intervention de Clémentine Autain

Séance en hémicycle du mercredi 1er août 2018 à 15h00
Immigration maîtrisée droit d'asile effectif et intégration réussie — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain :

Depuis le début des travaux sur ce texte, lequel s'est accompagné d'infâmes circulaires, vous avez suscité l'indignation, la colère, la révolte dans notre pays. Au sein de votre propre majorité – je tiens à vous le rappeler – , des voix se sont élevées contre la rétention des mineurs, l'augmentation de la durée de rétention, portée à 90 jours, ou le rabotage des garanties procédurales entourant le droit d'asile. Mais ces contestations internes sont restées minoritaires.

Pourtant, vous auriez pu, vous auriez dû entendre, et vous rendre compte de la dangerosité de votre texte. Plus de 470 associations sont vent debout contre votre projet de loi. France terre d'asile parle d'« inversion des priorités », Médecins sans frontières évoque une « volonté d'amplifier des logiques de répression », la Cimade juge ce projet de loi révulsant et demande le retrait de ce « texte dangereux qui consacre un très net recul pour les droits des personnes étrangères en France ». Des avocats spécialisés dans le droit d'asile parlent d'un « enterrement » de la convention de Genève. Le Conseil d'État, dans son avis sur le projet de loi, dénonce l'inopportunité même d'un nouveau texte, deux ans à peine après la promulgation de la précédente loi sur le sujet.

Et je me demande vraiment si, demain, nous ne serons pas à nouveau dans le viseur de l'Organisation des Nations unies, qui a déjà remis un pré-rapport alarmant sur votre loi introduisant l'état d'urgence dans le droit commun. L'ONU, en effet – cela a été peu rappelé – , a mis en garde la France, ce grand pays des droits de l'homme et du citoyen, à propos de ses manquements en matière de libertés publiques et de droits humains. La rapporteure spéciale des Nations unies a détaillé ses inquiétudes dans un pré-rapport remis au printemps, après un séjour de travail en France, et a invité notre pays à prendre des chemins plus efficaces et démocratiques pour combattre le terrorisme. Mais vous n'en avez cure : vous vous apprêtez à donner de l'eau à son moulin et à vous soumettre à une nouvelle volée de bois vert.

Qu'importe, en effet, toutes ces critiques ; vous préférez reprendre des éléments de langage bien connus à l'extrême droite : la submersion, la prétendue realpolitik, le « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde », et j'en passe. Dans un tweet récent, Emmanuel Macron estime que l'Espagne est « confrontée » à l'arrivée de migrants et lui témoigne sa solidarité, lui qui a laissé sombrer l'Aquarius, attendant patiemment la proposition espagnole après le honteux refus d'accoster opposé par l'Italie, désormais gouvernée avec xénophobie. « Confrontée », comme si les migrants qui arrivent représentaient un danger majeur pour ce pays. Alors que vous vous présentiez il y a un an comme le rempart contre l'extrême droite, voilà que vous reprenez ses présupposés et lui offrez sur un plateau, par cette loi, la réalisation d'une partie de ses rêves et de nos cauchemars.

Mais il reste, en France et ailleurs, des personnes qui osent parler, tel le haut commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, qui pointe, dans une interview au Monde, le danger que représente la montée des dirigeants autoritaires. Comme il le dit si bien, « l'avancée pour le progrès humain a toujours été une lutte ». Céder aux discours xénophobes pour faire reculer l'extrême droite : nous voici dans 1984 d'Orwell, dont je signale à tout le monde qu'une nouvelle édition vient de paraître…

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