Intervention de Éric Ciotti

Séance en hémicycle du lundi 25 septembre 2017 à 16h00
Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

Nous devons ici, mes chers collègues, au moment où nous ouvrons ce débat essentiel, exprimer avec gravité et responsabilité notre reconnaissance à ceux qui nous protègent : nos militaires, nos policiers, nos gendarmes et nos agents des services de renseignement. Leur compétence est immense ; leur courage est sans limite. Et ce courage et cette compétence, monsieur le ministre, ils ne sont pas récents. Souffrez, là aussi, que nous ayons une nuance avec vous. Vous semblez dire que ces services ont acquis leur compétence depuis peu de temps, alors qu'elle est installée depuis très longtemps. Nous avons la chance d'avoir des services, notamment des services de renseignement, parmi les meilleurs au monde, et cela depuis de très nombreuses années.

Nous ne devons non plus jamais oublier le sacrifice des victimes, le deuil des familles, les souffrances, les blessures, les tragédies. Vous avez rappelé le martyre de ces hommes et de ces femmes. Je n'oublierai pour ma part jamais les images de la nuit d'horreur que j'ai vécue le 14 juillet 2016, à Nice, dans ma ville, dans ma circonscription. Je n'oublierai jamais la douleur, ces cris, ces images d'épouvante.

Des noms portent le martyre et le sacrifice de ces victimes : Jessica Schneider, Jean-Baptiste Salvaing, le père Hamel, Xavier Jugelé et tant d'autres, qui forment le long cortège de ceux qui ont eu à subir dans leur chair la barbarie islamiste.

La France doit faire face à un ennemi redoutable. Vous avez, monsieur le ministre d'État, à plusieurs reprises, dressé le constat pertinent et lucide de la gravité de la situation. Nous savons que la France est une cible privilégiée, parce qu'elle est justement le pays des libertés et des Lumières. Nous savons aussi – vous l'avez dit, vous l'avez répété, vous l'avez asséné et vous avez eu raison de le faire – que la menace, plus que jamais, est maximale.

Le 13 janvier 2015, quelques jours après les attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher, le Premier ministre de l'époque, Manuel Valls, a prononcé un grand et beau discours du haut de cette tribune, appelant à l'unité nationale. Si cette unité nationale est toujours de mise, il faut également faire le constat que, depuis ce discours, de nombreux éléments se sont dégradés. Les chiffres, ce sont les vôtres, monsieur le ministre d'État : 18 500 personnes sont aujourd'hui inscrites au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, contre 14 500 il y a à peine un an. La progression, malheureusement, est forte, impressionnante, inquiétante, pour ne pas dire préoccupante.

Le Parlement de la République a adopté treize lois de lutte contre le terrorisme depuis 2012 : nous les avons toutes votées, monsieur le ministre d'État, avec la volonté d'offrir à nos concitoyens un degré de protection toujours plus élevé. Alors oui, nous voulons l'unité nationale ; nous l'avons toujours défendue et nous la défendrons toujours avec la dernière énergie.

Mais cette unité nationale aura toujours chez nous une limite : l'affaiblissement de nos dispositifs de protection. Or, comme l'a brillamment démontré Guillaume Larrivé à l'instant, votre projet de loi aboutira, même si ce n'est sûrement pas votre volonté, à abaisser notre dispositif de protection à un moment où il est moins que jamais pertinent de le faire. Vous nous l'avez dit : douze attentats ont été déjoués sur le sol national depuis le 1er janvier. Barcelone, Londres, sans compter en France une multitude d'attaques visant notamment la force Sentinelle : le décompte dramatique des attentats fait écho à la double faute que vous vous apprêtez à commettre – une faute non seulement contre l'unité nationale, mais surtout contre la sécurité des Français.

Monsieur le ministre d'État, votre projet de loi ne répond en rien aux impératifs de sécurité auxquels notre pays est confronté. Nous le regrettons profondément car, dans les moments extrêmement graves que traverse notre pays, il faut savoir regarder le mal en face. Péguy soulignait : « Il faut toujours dire ce que l'on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l'on voit. » Eh bien, nous avons le sentiment que vous ne voyez pas, dans toute sa réalité, la gravité de la situation. Par ce projet de loi, le Gouvernement démontre qu'il n'a pas pris la mesure de l'ampleur de la menace qui pèse sur la France.

Permettez-moi de m'inscrire totalement en faux contre l'analyse que vous avez faite ce matin au cours d'une interview et que vous avez reprise à l'instant. Si nous pouvons partager le diagnostic ou le constat, tel n'est pas le cas en revanche, monsieur le ministre d'État, de votre analyse des causes de la situation que connaît notre pays en matière de terrorisme et dont vous semblez rendre responsable le chômage de masse.

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