Intervention de Raphaël Gauvain

Séance en hémicycle du lundi 25 septembre 2017 à 16h00
Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Gauvain, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la ministre auprès du ministre d'État, mes chers collègues, notre pays demeure une cible privilégiée du terrorisme. M. le ministre d'État vient de le rappeler, pas moins de douze projets d'attentat ont été déjoués depuis le début de l'année. Les organisations terroristes, notamment Al-Qaïda, conservent, malgré leur affaiblissement sur le terrain, d'importantes capacités de projection sur le territoire national. Surtout, nous sommes confrontés depuis deux ans à une menace dite « endogène », qui est le fait d'individus préparant des attentats en France, inspirés par la propagande djihadiste sur les réseaux sociaux. L'attaque au marteau à Notre-Dame de Paris et la découverte d'un laboratoire de fabrication d'explosifs à Villejuif en sont la parfaite illustration. Par ailleurs, les terribles attentats qui ont endeuillé Barcelone cet été nous rappellent avec vigueur que notre priorité absolue doit être la lutte contre le terrorisme.

Mais alors, que faire ? Doit-on rester sous le régime de l'état d'urgence ? L'état d'urgence a été décrété le 13 novembre 2015, au soir des attentats ayant visé le Bataclan, des terrasses parisiennes et le stade de France. Législation d'exception issue de la guerre d'Algérie, l'état d'urgence permet la mise en oeuvre de mesures très dérogatoires au droit commun. Les autorités administratives ont la possibilité de prendre des mesures exceptionnelles, allant jusqu'à dessaisir l'autorité judiciaire de certaines de ses prérogatives. Le ministre peut ainsi assigner à résidence des personnes représentant une menace, tandis que le préfet peut décider de procéder à une perquisition au domicile, de jour comme de nuit.

Si, dans un premier temps, le recours aux mesures permises par l'état d'urgence a été massif et particulièrement utile, il convient de signaler que l'administration, par la suite, notamment au cours des derniers mois, a fait une utilisation beaucoup plus parcimonieuse et ciblée de ces mesures, en particulier des perquisitions administratives et des assignations à résidence. Deux chiffres méritent d'être cités à cet égard : 39 personnes sont actuellement assignées à résidence ; depuis janvier dernier, 189 perquisitions administratives ont été ordonnées, sur un total de 4 500 depuis deux ans. Surtout – cela nous a été confirmé, lors des auditions, par les services de renseignement et par le procureur de Paris – , on constate ces derniers temps un recours accru à la voie judiciaire dans la lutte contre le terrorisme. Dès lors, alors même que la menace terroriste n'a pas diminué – elle est au contraire persistante et durable – , l'administration utilise aujourd'hui moins les instruments offerts par le régime de l'état d'urgence. Nous devons tenir compte de cette évolution et adapter notre arsenal législatif.

Mes chers collègues, l'état d'urgence est par nature temporaire. Il est par essence exceptionnel. Les menaces durables doivent être traitées, dans le cadre de l'état de droit, par des instruments permanents de lutte contre le terrorisme. Il faut donc sortir de l'état d'urgence, en adaptant les mesures qu'il prévoit et en les entourant de garanties, sans qu'elles perdent de leur utilité opérationnelle. Tel est l'objet du présent projet de loi.

Ses quatre mesures principales – quatre outils inspirés de l'état d'urgence et mis désormais à la disposition de nos services de sécurité – sont les périmètres de protection, la fermeture administrative des lieux de culte, les mesures individuelles et les visites domiciliaires. Elles occuperont sans aucun doute l'essentiel de nos débats cette semaine.

Sans entrer ici dans le détail des mesures – elles viennent d'être présentées par le M. le ministre d'État – , je tiens à dire que les nombreuses auditions que j'ai menées depuis le mois de juillet, en présence de certains d'entre vous, m'ont convaincu de la nécessité opérationnelle, pour nos services de sécurité, de continuer à disposer de ces outils pour lutter efficacement contre le terrorisme.

Je veux parler ici de ces situations, de ces zones d'ombre, dans lesquelles il n'existe encore aucune suspicion d'infraction pénale, mais bien une menace caractérisée pour l'ordre et la sécurité publics. Je pense à ces situations dans lesquelles, très concrètement, nos services disposent d'informations en provenance d'une source unique fiable ou de renseignements donnés par un service étranger, qui ne peuvent être révélés à un juge judiciaire. Il s'agit alors de pouvoir protéger efficacement nos compatriotes.

Cependant, protéger efficacement les Français, c'est aussi préserver leurs libertés individuelles et ne pas sombrer dans l'escalade et la surenchère sécuritaires. Contrairement à ce qui est affirmé de manière péremptoire par certains, nous ne pérennisons pas l'état d'urgence dans le droit commun, nous ne procédons pas à un copier-coller.

Je l'ai dit, ce projet s'inspire de quatre et seulement quatre des mesures permises par l'état d'urgence. De surcroît, les régimes juridiques sont différents, profondément différents. En outre, de nombreuses garanties sont apportées, notamment – M. le ministre d'État l'a indiqué – la mention de la seule finalité de lutte contre le terrorisme, la présence du juge judiciaire ou encore la fin de l'assignation à résidence.

J'ajouterai que ce projet de loi est d'autant moins la simple transposition de l'état d'urgence dans le droit commun qu'il comporte d'autres dispositions nécessaires à la prévention du terrorisme.

Le texte qui vous est soumis, issu du travail de la commission des lois, propose un nouvel équilibre par rapport au texte initial du Gouvernement et à celui voté par le Sénat, un nouvel équilibre entre exigence de protection de l'ordre public et préservation des libertés individuelles. Il renforce ainsi l'efficacité opérationnelle des mesures et, dans le même temps, offre de meilleures garanties à nos concitoyens, …

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