Intervention de Pierre-Henri Dumont

Séance en hémicycle du jeudi 28 juin 2018 à 9h30
Agriculture durable pour l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Henri Dumont :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer nos collègues André Chassaigne et Alexandre Freschi pour leur travail – tant le rapport que la proposition de résolution. Le groupe Les Républicains, comme cela a été dit en commission, partage de très nombreuses orientations de la proposition et du rapport, que je ne citerai pas toutes.

Bien évidemment, nous nous élevons contre la coupe sombre faite dans le budget de la PAC et réaffirmons avec force le rôle central joué par nos agriculteurs, qui doivent être protégés des aléas économiques et climatiques, mais aussi et surtout être rémunérés à la juste hauteur de leur labeur, de façon stable et de sorte que les producteurs ne soient plus la variable d'ajustement des plus gros acteurs. Nous soutenons également certaines évolutions nécessaires de la PAC, tant il est vrai que ce système ne répond plus de façon optimale aux enjeux actuels, aussi bien en termes de répartition entre petits et grands producteurs que d'enjeux environnementaux et sociaux.

Cependant, nous sommes inquiets. Aujourd'hui, en effet, dans le cadre financier pluriannuel extrêmement contraignant prévu pour la PAC entre 2021 et 2027, la Commission européenne envisage la mise à bas de la plus ancienne et de la plus efficace des politiques réellement intégrées, en vigueur depuis plus de cinquante ans et représentant aujourd'hui 39 % du budget de l'Union, répartis entre 14 millions d'exploitations agricoles pour 44 millions d'emplois, avec un ratio de performance inégalé dans le monde.

La sortie malheureuse du Royaume-Uni de l'Union européenne aurait pu – aurait dû ! – être l'occasion de réformer en profondeur cette vieille politique communautaire, désormais débarrassée de son plus ardent contradicteur. Mais cela n'a pas été le cas. Dans le budget 2021-2027, la PAC passera de 408 à 365 milliards d'euros, ce qui représente une baisse de 5 % en euros courants et de 15 % au minimum en euros constants, mettant en danger de mort nos agriculteurs, dont les revenus sont composés à 47 % des aides agricoles.

M. le ministre de l'agriculture a déclaré que cette proposition était inacceptable et qu'elle mettait en danger la viabilité des exploitations agricoles. Je félicite le Gouvernement pour sa prise de conscience tardive. Mais, chers collègues de la majorité, vous pleurez aujourd'hui sur le lait répandu… Qu'a fait le Gouvernement pour empêcher la Commission européenne de faire cette proposition ? Rien ! Aux alertes répétées des élus de tous bords en début d'année, vous répondiez que c'était des « fake news ». Les véritables « fake news », ce furent surtout les voeux du Président de la République au monde rural, garantissant aux agriculteurs une PAC aux ambitions préservées !

La réalité, c'est que vous n'avez rien fait pour tenter de sauver la PAC. Vous aurez beau gesticuler, vous insurger, nous présenter cette proposition de résolution pour faire semblant de réagir : j'ai bien peur qu'il ne soit trop tard. Vous avez cru faire de l'Europe votre terrain de jeu, comme vous l'avez fait en France, où vous dites aux uns ce qu'ils veulent entendre pour mieux détourner leur regard des conséquences de votre politique. Mais cela n'a pas fonctionné. Le gouvernement français est au coeur d'un jeu de dupes au détriment exclusif de nos agriculteurs. En France, vous leur parlez des États généraux de l'alimentation et d'une juste rémunération ; à Bruxelles, vous les sacrifiez sur l'autel de la « start-up nation ».

Au lieu de gesticuler avec cette proposition de résolution, dites-leur, aux agriculteurs, que, pour la première fois, la France estime que l'agriculture n'est plus une priorité européenne à défendre. Dites-leur, aux agriculteurs, que dans votre note de cadrage pour le prochain cadre financier pluriannuel de l'Union, vous ne parlez de la PAC que dans la seconde moitié du document, n'en faisant de facto plus, pour la première fois, la priorité absolue de la France dans le budget européen. Pour vous, si l'on suit votre note de cadrage, la PAC passe après le Brexit, la sécurité collective, la défense, les migrations, l'éducation, la recherche et même la flexibilité budgétaire.

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