Intervention de Éric Girardin

Séance en hémicycle du jeudi 28 juin 2018 à 9h30
Adaptation à la polynésie française de dispositions en matière de commerce — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Girardin :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, la Nouvelle-Calédonie, comme la Polynésie française sont des collectivités qui ont anticipé l'application du droit à la différenciation, ce droit que nous voulons promouvoir en modifiant la Constitution, dans l'intérêt des territoires et des habitants, pour libérer les énergies et mieux adapter le droit aux spécificités territoriales.

La France, pays unitaire par excellence, a trop longtemps imposé l'unité et, en refusant les différences, imposé le même droit pour tous, sans exception. Cette uniformité a certes favorisé la cohésion, mais elle a alourdi l'application du droit, parfois peu adapté au contexte et au territoire.

Notre pays a fait preuve d'une rigidité excessive, ce qui a conduit à un certain immobilisme et à des injustices. Avec le temps, des collectivités ont acquis, en outre-mer, des statuts particuliers et des droits dérogatoires. Elles ont, pour certaines, acquis une relative autonomie, à des degrés différents. La Polynésie bénéficie ainsi d'une autonomie administrative et la Nouvelle-Calédonie, quant à elle, d'un statut constitutionnel particulier, avec une certaine autonomie politique, bien plus étendue, qui lui a permis de retrouver de la sérénité après un épisode conflictuel.

L'autonomie calédonienne s'incarne dans des institutions remarquables : le Congrès de Nouvelle-Calédonie, une vraie assemblée parlementaire, un gouvernement et un président, mais aussi une Autorité de la concurrence calédonienne, présidée par Mme Aurélie Zoude-Le Berre, indépendante du gouvernement, du fait de son statut d'autorité administrative indépendante

La Nouvelle-Calédonie est aujourd'hui au coeur de l'actualité, puisqu'une consultation des populations sur son avenir doit avoir lieu dans quelques mois, conformément aux accords de Matignon, dont on vient de fêter les trente ans, mardi dernier.

Dans le cadre de la mission d'information sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, nous avons pu constater, au cours des auditions, que l'autonomie qui lui a été accordée fonctionne. Elle a rétabli la stabilité. L'enjeu du référendum est aujourd'hui d'écrire la suite : aller vers plus d'autonomie ; aller vers une indépendance avec un lien privilégié avec la France ; ou le statu quo.

Le droit de la concurrence en Nouvelle-Calédonie illustre parfaitement les particularités juridiques et institutionnelles liées à cette autonomie. Il souligne aussi la complexité de la situation, avec un mélange de droit local et de droit national. Je rappellerai que le principe de libre concurrence est un élément central du bon fonctionnement du marché, mais aussi de notre société. C'est, pour le consommateur, l'assurance d'une concurrence des prix, et donc des prix maîtrisés. C'est, pour les petits commerçants et les acteurs, un rempart contre le cartel des grands opérateurs et la garantie d'un accès facilité aux marchés. C'est, enfin, une condition pour favoriser le choix et la diversité des produits, comme celle des services.

Les règles de partage en droit national et droit local font que les lois de pays adoptées par le Congrès régissent des domaines très étendus, comme celui du droit de la concurrence. Mais les lois nationales adoptées par notre assemblée sont nécessaires, dès lors qu'on touche à une liberté publique. L'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie a des missions très larges : veiller au respect de la libre concurrence et lutter contre les abus de position dominante ; conseiller certaines institutions à leur demande, en émettant des avis consultatifs ; être saisie pour des manquements aux règles de la concurrence et conduire des enquêtes pour en vérifier la réalité ; enfin, sanctionner les manquements.

C'est dans le cadre de ces derniers pouvoirs que le texte à l'ordre du jour nous intéresse. Ces attributions touchent aux libertés publiques et relèvent donc de la loi nationale. Elles visent à renforcer les pouvoirs des agents calédoniens assermentés de l'Autorité de la concurrence calédonienne, comme ceux de la Direction des affaires économiques.

En effet, ces agents n'ont pas pu bénéficier des nouveaux droits et pouvoirs accordés à leurs homologues métropolitains depuis 2009, faute d'extension explicite par une loi. Avec ce texte, la situation sera rétablie. Des pouvoirs étendus seront désormais reconnus aux agents calédoniens sur le contrôle des opérations faisant appel à l'informatique ; sur les questions de relevé d'identité et la procédure à suivre en cas de refus de déclaration ; sur la possibilité de recourir à une identité d'emprunt pour le contrôle de la vente de biens par internet ; sur le recours, enfin, à des auditions libres.

Enfin, leur autorité sera renforcée et une sanction considérablement alourdie s'appliquera aux personnes qui feront obstacle à leur travail. La peine encourue passera de six mois à deux ans d'emprisonnement et l'amende, surtout, de 7 500 à 300 000 euros – des effets très dissuasifs pour les contrevenants.

L'ajout de ces compétences est une vraie opportunité pour la Nouvelle-Calédonie et pour son droit de la concurrence, puisqu'il rétablit une unité des pouvoirs entre les différentes autorités de la concurrence. C'est pourquoi je voterai ce texte sans hésitation.

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