Intervention de Catherine Kamowski

Séance en hémicycle du jeudi 28 juin 2018 à 9h30
Adaptation à la polynésie française de dispositions en matière de commerce — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Kamowski, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, avant de vous présenter les résultats de nos travaux, je souhaiterais remercier nos collègues ultramarins, qui, sur tous les bancs de cette assemblée, m'ont éclairée sur les conditions et les conséquences du statut particulier tant de la Polynésie Française que de la Nouvelle-Calédonie : Mme Sage, M. Brotherson, M. Gomès et M. Dunoyer en particulier.

Je vais tâcher de me montrer brève et d'aller directement à l'essentiel. Cela a déjà été dit, ce projet de loi vise à ratifier une ordonnance. Ce n'est pas aussi banal qu'on pourrait le penser, car c'est une ordonnance prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, et le Parlement n'en examinera pas beaucoup au cours de cette législature. C'est, en effet, un instrument juridique qui, en termes de temps, présente un petit avantage et un gros inconvénient. L'inconvénient, c'est que l'ordonnance devient caduque dix-huit mois après sa publication, si elle n'a pas été ratifiée. La procédure s'achève donc dans une forme de course contre la montre.

C'est précisément la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, puisque l'ordonnance en question, qui porte sur le droit de la concurrence en Polynésie française, a été prise le 9 février 2017. Les plus agiles parmi vous en mathématiques en auront déduit que la ratification doit être promulguée avant le 10 août prochain. À défaut, nous risquons de tout perdre. C'est évidemment une option qui ne peut être envisagée. Je coupe donc court à tout suspense éventuel en recommandant instamment un vote positif, après l'adoption à l'unanimité de ce projet de loi par la commission des lois.

L'ordonnance dont il est question porte sur le droit de la concurrence, ou plutôt sur une partie du droit de la concurrence en Polynésie française. En effet, le statut organique de ce territoire lui donne compétence pour régir cette matière de façon autonome. Les autorités polynésiennes s'en sont saisies, puisqu'une loi du pays du 25 février 2015 a créé un code local de la concurrence et institué une Autorité polynésienne de la concurrence, afin de le faire respecter.

Je précise tout de suite, pour prévenir d'éventuelles polémiques, que ce code local de la concurrence fait actuellement l'objet d'une réforme. L'un des objectifs poursuivis consiste à retirer certains pouvoirs très forts qui avaient été attribués à l'APC, notamment l'injonction structurelle, qui permet d'imposer la vente d'une partie de ses installations ou de ses droits à un acteur en position dominante sur un marché. Le Sénat a été assez surpris par cette initiative. Pour ma part, je me bornerai à une position de principe : on décentralise ou on ne décentralise pas. À partir du moment où la France fait le choix de faire confiance à ses territoires, en l'occurrence ultramarins, ce n'est pas pour que des institutions au niveau central viennent remettre en cause les appréciations portées au niveau local. Les Polynésiens décident pour eux : ce qu'ils décident est bien décidé, et n'a pas à intervenir dans la discussion d'aujourd'hui.

J'en reviens à notre projet de loi. Vous pouvez vous demander : pourquoi une ordonnance prise par l'État, si la Polynésie est compétente ? Parce que l'enquête et la répression des infractions au droit de la concurrence, puisqu'elles concernent les libertés publiques et le droit pénal, sont, pour leur part, demeurées une compétence de l'État. Nous venons donc en complément de ce qu'a fait la loi du pays, pour permettre à l'APC de disposer de facultés comparables à celles de l'Autorité de la concurrence nationale.

Sur ce projet de loi, nous sommes la seconde assemblée saisie. Avant nous, le Sénat a évidemment approuvé le principe d'une ratification, mais il a ajouté au texte deux articles additionnels. Le premier ajout, un amendement devenu l'article 2, découle d'une réaction de mauvaise humeur assez compréhensible. Pour s'appliquer correctement, la procédure contentieuse prévue par l'ordonnance renvoie à un décret. Or, celui-ci n'a toujours pas été pris par le Gouvernement depuis la publication de l'ordonnance. Le Sénat s'en est inquiété. Il a constaté que certaines dispositions manquantes, comme les délais de recours ou la compétence juridictionnelle de la Cour d'appel de Paris, figuraient déjà dans la loi pour ce qui concerne la procédure très voisine applicable en Nouvelle-Calédonie. Les sénateurs ont donc décidé, de même, d'inclure dans la loi, sans attendre le règlement, les dispositions applicables pour la Polynésie. Le Gouvernement en a pris acte, et nous n'avons apporté à l'article 2 que des modifications rédactionnelles.

Le second ajout, un amendement devenu l'article 3, fait suite à une recommandation de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui surveille les déclarations d'intérêts et de situation patrimoniale des élus et des politiques, comme nous le savons bien, mais aussi celles des membres et des agents les plus haut placés des autorités administratives indépendantes. La raison est évidente : quand on régule un secteur, on doit être transparent sur ses liens éventuels avec les acteurs de ce secteur. Or si l'Autorité nationale de la concurrence figure bien dans le périmètre de surveillance de la HATVP, les autorités calédonienne et polynésienne ont été oubliées.

Le Sénat a voulu rectifier cette erreur en soumettant au contrôle de la HATVP les membres du collège de ces autorités ainsi que les directeurs généraux et secrétaires généraux et leurs adjoints. Je précise que les présidents des deux autorités se sont montrés très favorables à cette initiative. Seul problème : il n'existe ni de directeur général ni de secrétaire général, mais un rapporteur général nanti de pouvoirs appréciables, comme la possibilité de lever ou de maintenir le secret des affaires dans les affaires qu'il instruit. Ne pas le mentionner était problématique. En effet, la violation des obligations auprès de la HATVP est pénalement sanctionnée. Or le droit pénal s'interprète strictement. La commission des lois a donc ajouté cette référence bienvenue et nécessaire aux rapporteurs généraux.

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